À Tokyo, dans Takeshita Dori on trouve de tout : des gothiques, des lolitas, des dandys, des barbes à papa multicolores... et des bars à chats.
Le Cat café Mocha Harajuku est situé en haut de cette rue, coincé entre une boutique de vêtements et un laser game. En haut des marches, un petit sas par lequel on accède à l'entrée de l'établissement. Les visiteurs se déchaussent ou se rhabillent tandis que le personnel tente de mettre un peu d’ordre parmi les clients. Une hôtesse explique le prix et le fonctionnement du café avec des fiches plastifiées. Rapidement on comprend que le portefeuille sera beaucoup plus léger à la sortie, nous y reviendrons.
Muni de notre ticket d’entrée, on se désinfecte les mains puis on enfile des chaussons. Après quelques gentilles bousculades dans le vestiaire on se dirige vers le café proprement dit.
Musique jazzy et déco façon conte de fée. L’endroit est plutôt agréable malgré un soupçon d'odeur féline. Un petit corridor fait la jonction entre 2 salles. Au milieu, le bar qui se résume à 2 distributeurs et un lavabo. Aux extrémités 2 pièces : une première dispose d’une grande baie vitrée donnant sur la rue, une seconde plus tamisée ressemble à un coin lecture. Les clients vont d’une salle à l’autre, se plantent devant les arbres à chats ou s’installent dans des fauteuils.
Parfois un animal passe dans la salle : il est bientôt suivi par plusieurs clients qui espèrent le caresser. Très vite le matou va se percher sur une étagère puis les toise avec dédain Pas de ronronnement ni de câlin complice pour cette fois… C’est frustrant mais logique : le chat est un chasseur solitaire, indépendant et territorial. Difficile de remplir ces conditions avec quinzaine d'individus dans 60m2 et des clients défilent sans interruption de 10h à 20h.
Le premier bar à chat a ouvert à Taiwan en 1998. Le Cat Flower Garden de Taipei recueillait des chats errants et n’avait a priori pas vocation à lancer une mode. Cette idée devint populaire auprès des touristes japonais et en 2004 s’ouvre un premier bar à chats à Osaka. Le concept est rapidement repris dans les grandes villes japonaises et on en compte aujourd’hui plus d’une centaine dans ce pays.
Les occidentaux ont commencé à reprendre l’idée à partir de 2012 à Vienne. On en trouve maintenant un peu partout, notamment à Londres, Paris ou Lyon.
Il y a les vacanciers qui ont planifié cette visite de longue date. Pour les touristes, le bar à chat fait partie des incontournables au même titre que les onsens ou le carrefour de Shibuya. On y fait un saut, sans trop s’attarder car c’est cher et il y a d’autres choses à voir. Une petite photo sur Instagram pour attester qu’on se sent « magnifiquement bien » et au revoir.
Il est difficile pour certains japonais d’avoir un animal de compagnie : la surface des habitations est souvent limitée et les loueurs refusent parfois les animaux pour éviter les dégradations. Il est donc fréquent d’y rencontrer des familles. Les enfants sont ravis d’admirer les bestioles pendant que les parents profitent de l’endroit plutôt calme pour se détendre.
On y croise aussi des salarymen qui espèrent profiter d’un moment calme pour se relaxer et utiliser les chats comme méthode antistress. Ce type de clientèle est cependant en baisse depuis 2012 après qu’une loi ait imposé la fermeture de ces lieux à partir de 20 heures.
Plusieurs règles, pas toujours respectées, sont affichées à l’entrée : interdiction de porter les chats, de les déranger pendant leur sieste ou de courir après. En pratique beaucoup de clients cherchent à interagir avec les animaux et leur tranquillité semble en fait très relative.
Le Neko café est un business comme un autre. Pour faire tourner la boutique il faudra débourser à peu près 8 euros pour 30 minutes puis 5 euros toutes les 10 minutes supplémentaires. Au Neko café d’Harajuku le décompte commence dès le moment où une hôtesse vous donne le ticket d’entrée. Mais il faut encore laisser ses affaires au vestiaire et se laver les mains. C’est 5 minutes perdues et le plaisir est un peu gâché par le chronomètre qui tourne.
On vous propose aussi des cartes souvenir ou des sucettes pour 3 euros de plus. Les chats en sont friands et c’est peut-être le seul moyen d’attirer leur attention.
Les boissons sont gratuites et distribuées par 2 machines dans un local accueillant difficilement plus d'une personne. On peut néanmoins repartir avec un petit gobelet de soupe ou de soda.
L'endroit est étonnant et en ce sens la visite vaut le détour.
Le lieu plutôt tranquille contraste avec le chahut de la rue. On s’assoit volontiers dans les fauteuils en espérant qu’un chat vienne nous voir. S'il ne vient pas, ce qui est fort probable, on se repose simplement en regardant les autres clients agiter des sucettes sous le museau des bêtes. L’occasion de se poser des questions sur une mode discutable : pourquoi aller voir des chats enfermés ? Participe t-on à une forme d’esclavage ?
Comme l’explique à Slate Nicky Trevorrow de l’association Cats Protection, les chats ont besoin d’un environnement stable, ici « ils sont confinés dans un espace avec des gens qui changent sans arrêt… »
Et il faut bien dire qu’on ressort avec une impression étrange du café. Ces animaux devenus objets semblent résignés à voir passer les clients. Suite à des contestations de la part d'associations de défense des animaux, les autorités japonaises ont instauré un couvre-feu dans tous les bars à chats en 2012. En 2016 un bar à chats de Tokyo a été fermé car il hébergeait une soixantaine de chats dans 30 m2.
Il n’empêche que cette mode ne semble pas prête de s’arrêter, le thème se déclinant depuis peu à d’autres animaux : hérissons, loutres, chouettes, cochons…
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