« D’exécutants, les personnes avec qui je travaillais sont devenues d’abord de bons suiveurs – ils aimaient mon idée, puis, peu à peu, certains étaient habités par la nécessité de transformer leurs vies et l’entreprise. Ils ont accouché d’eux-mêmes. Nous avons vécu quelque chose à la fois de très cohérent et de déstabilisant. Une naissance. Nous avons rééquilibré les salaires : ceux qui gagnaient le plus ont accepté de baisser leur niveau de vie. Nous avons retiré tous les signes de pouvoir, partagé les bénéfices de l’entreprise, divisé par cinq notre empreinte carbone, décloisonné les bureaux, permis à chacun d’être responsable de son périmètre d’action. C’est un exercice de patience. Je ne pouvais pas avoir en tête un modèle qui enferme les gens de l’entreprise. Je me devais de trouver avec eux et pour eux un fonctionnement qui leur convienne. J’ai eu d’énormes moments de doute, et j’aurais sûrement reculé sans l’aide de Colette, de mon compagnon Ulysse et de Léonard. Mais l’important pour moi était que ce soit leur solution – et après tout, peu importe de quelle solution il s’agissait. J’ai mis du temps à accepter de dire : « Je ne sais pas. Qu’est-ce que tu en penses ? » à quelqu’un qui venait me consulter. C’était la fin du manager sachant. J’ai tâché de développer le pouvoir d’agir de chacun et de favoriser les liens entre les personnes. J’ai abîmé mon confort professionnel, mais je devais en passer par là pour me sentir alignée. J’ai eu des moments très durs et des moments de communion avec l’équipe. (…)
Ces quelques lignes illustrent bien ces émotions fortes et parfois contradictoires ressenties par les personnes qui s’engagent dans la libération de leur organisation. Ces mouvements génèrent à la fois du scepticisme, de l’enthousiasme, de l’engagement, de l’espérance, de la défiance. Il ressort des différentes expériences encore en cours qu’il faut une solide motivation pour maintenir le mouvement dans la durée et ne pas se contenter d’un séminaire participatif pour considérer que l’on a libéré son organisation. Mais les participants mentionnent aussi qu’ils n’imaginent plus arrêter dès qu’ils ont constaté l’impact des premiers changements de gouvernance. Pour compléter la lecture de la fable managériale par le partage d’une expérience concrète de libération d’une entreprise dans le domaine du transport, ne manquez pas « Nous réinventons notre entreprise » de Michel Sarrat. Il partage avec une grande transparence la transition de son entreprise vers une organisation libérée : Oui, c’est possible. Oui, c’est difficile, mais vous serez porté par le mouvement généré !