Yànnis Antiòkhou – L’homme souterrain

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

[...] Moins haut, sont des égouts. Aux côtés, rien que l'épaisseur du globe.
Peut-être les gouffres d'azur, des puits de feu.
C'est peut-être sur ces plans que se rencontrent lunes et comètes, mers et fables.[...]

Arthur Rimbaud, Enfance, V

Et lorsque les vies roulent
Comme de solides valises
Pleines des affaires du corps
Il y aura là toujours un poète
Avec la lumière de lucifer

J'ai bien des choses à raconter sur l'homme souterrain
Mais je crois que ce qui compte c'est sa violence
Tandis qu'il te dépouille
Serrant la cervicale du corps
Entre ses dents coupantes
Versant ton sang

Et peu avant l'épuisement
Dans le vide
Sans cesse visibles
Des étoiles en feu
Consument le visage que chacun désire voir
Leur lumière non mesurable traçant la carte
De ce qui jamais n'exista

Dans les buissons de leurs rayons
Le corps fait des manières
Et ne pouvant prendre patience
Il s'effondre

Parfois je me demande
Si c'est cela l'expérience de la vie ?
Mais j'ai les rêves
Pour montrer ce que chacun veut vivre

Que je n'oublie pas...

Que je n'oublie pas...

Hier à l'aéroport
En roulant ma solide valise verte
Je me suis arrêté pour saluer le diable

Immense
Tout blond
Les yeux verts dans la lumière

- non pas comme les spécialistes hippogriffes chevelus,
qui moqueusement t'examinent
et te conseillent d'être sociable

Il faisait de nouveau tourner
Dans sa gorge obscure
L'amertume extrême de ma vie

(C'est moi qu'on a déraciné
Pris dans des matelas épineux d'appartements
Comme les cheveux blonds de la Sulamite
Dans les mains de Salomon amoureux

Moi-même je suis un petit homme laid, timide
Peu avant que je me déshabille dans votre chambre obscure
Puis l'étreinte s'empare de chacun
Et la gêne disparaît

Moi-même je suis le voyageur des bus de la cité
Marchant pour plus de sûreté
Sur les bandes blanches séparatrices
Désirant toujours m'en écarter
Je suis ce que tu es aussi
Peut-être un peu plus seul
un peu plus délaissé

Ensuite je ne suis
ce n'est plus
Rien d'autre
Qu'une mort médiocre que sans cesse je dépasse).

***

Yànnis Antiòkhou (né à Athènes en 1969) - Traduit du grec par Michel Volkovitch.