Partager la publication "[Critique] JOJO RABBIT"
Titre original : Jojo Rabbit
Note:Origine : États-Unis
Réalisateur : Taika Waititi
Distribution : Roman Griffin Davis, Scarlett Johansson, Thomasin McKenzie, Taika Waititi, Sam Rockwell, Rebel Wilson, Alfie Allen, Stephen Merchant, Archie Yates…
Genre : Drame/Adaptation/Comédie
Durée : 1h48
Date de sortie : 29 janvier 2020
Le Pitch :
Le jeune Jojo est fan d’Adolf Hitler. Le führer qui est d’ailleurs en quelque sorte son ami imaginaire, le conseillant et l’accompagnant dans la vie de tous les jours, alors que dehors, le véritable Hitler, perd sans cesse plus de terrain face aux Alliés. Le petit garçon qui ne va pas tarder à découvrir que sa mère cache dans leur maison une jeune fille juive. Sa rencontre avec cette dernière va faire voler en éclat ses convictions. Au sujet de la doctrine nazie mais aussi sur la vie dans son ensemble…
La Critique de Jojo Rabbit :
Changement radical de registre pour le réalisateur néo-zélandais Taika Waititi, qui délaisse un temps Thor (on lui doit Ragnarok et il est déjà prévu qu’il réalise le prochain) et Marvel pour revenir à un cinéma plus intimiste et à n’en pas douter plus audacieux. Jojo Rabbit lui permettant de nous livrer une satire décalée et savamment écrite…
Au garde à vous
L’Allemagne Nazie que décrit Waititi dans Jojo Rabbit est colorée et plutôt enjouée. La photographie de Mihai Malaimare Jr. renforçant cette impression, avec ses couleurs un peu saturées, rouge orangé. Un parti-pris esthétique un peu onirique évoquant le Moonrise Kingdom de Wes Anderson, qui traduit bien sûr la vision du personnage principal, un petit garçon persuadé qu’Hitler est un grand héros et que la guerre est une bonne chose pour asseoir la supériorité indéniable de ce dernier. La tonalité graphique de Jojo Rabbit évoluant justement vers une palette moins bariolée au fur à mesure que l’histoire progresse, alors que Jojo prend peu à peu conscience que la doctrine de son héros n’est qu’un ramassis de mensonges. Le film changeant de visage, de manière toujours délicate et sensible, tandis que dans la tête de Jojo, l’idéologie nazie ne paraît plus si séduisante. Un parti-pris très efficace conférant également à l’ensemble une patine qui contribue au final à sa personnalité pour le moins audacieuse.
Ami imaginaire
Avec son Hitler sautillant, facétieux à souhait, incarné par le réalisateur lui-même, Jojo Rabbit cherche premièrement à retenir l’attention. Un gamin dont l’ami imaginaire est un dictateur ? Il fallait y penser et c’est aussi cela qui dut faire peur quand il fut question de vendre le film. L’affiche qui présente le métrage comme « une satire anti-guerre », sans montrer aucune image, va dans ce sens. Avec son Hitler qui évoque un peu celui de Chaplin d’ailleurs, ses couleurs vives et ses vannes sur le Troisième Reich, Jojo Rabbit a un peu pesé sur les épaules d’une 20th Century Fox fraîchement rachetée par Disney. Pour autant, difficile d’ignorer un film comme celui-là, avec son sujet et ses prestigieux acteurs. Et c’est précisément sur cela que table Waititi pour faire passer la pilule, lui dont l’objectif est en effet de livrer une fable anti-haine. Le récit d’un éveil à l’autre et à la différence, dans un contexte ultra-violent, où l’espoir peut prendre la forme d’un sourire, celui d’une mère et celui d’une nouvelle amie, mais aussi d’un pas de danse au milieu du chaos ou d’un copain fidèle. Et si cela vous fait penser à La Vie est Belle de Roberto Benigni c’est normal. À ceci près que Jojo Rabbit reste globalement plus « léger ». Mais cette manière de prendre à contre pied un sujet compliqué est bien là.
Décalage
Si Taika Waititi n’évite pas systématiquement le côté violent du contexte dans lequel se déroule son récit, toujours en adoptant le point de vue du petit Jojo, il a bien sûr souvent recours à la comédie. Un mélange qui n’est pas toujours aussi mesuré qu’espéré, le film ayant parfois du mal à faire coexister les rires et les larmes, même si quand il y parvient, il se montre d’une puissance rare. On pense notamment à la fin, extrêmement réussie ainsi qu’à cette façon de ridiculiser en permanence la hiérarchie nazie et son idéologie malsaine. Un peu trop démonstratif quand il cherche absolument à imposer son second degré, Jojo Rabbit se montre tout de même très méritant dans l’ensemble. Les acteurs étant de plus tous remarquables, du jeune Roman Griffin Davis, parfait, à Scarlett Johansson très touchante, en passant par la remarquable Thomasin McKenzie ou Sam Rockwell. Ce dernier évoluant dans un registre qu’il maîtrise parfaitement. Taika Waititi incarnant pour sa part un Hitler repensé en ami imaginaire. Un personnage qui au fond, illustre bien la tonalité de ce film attachant, souvent émouvant mais pas toujours aussi drôle qu’il semble le croire. Une œuvre certes incarnée mais aussi fragile dans sa façon de mélanger le rire et les larmes avec une sorte de surplus d’outrecuidance pas super indispensable. Mais heureusement, ce n’est pas ce qu’on retient à la fin car comme souligné plus haut, la dernière scène est superbe et suffit à nous encourager à pardonner les ratés qu’accuse la narration ainsi que les menus défauts empêchant tout de même Jojo Rabbit de s’imposer comme le grand film qu’il aurait pu être.
En Bref…
Assurément courageux et audacieux, Jojo Rabbit ne réussit pas toujours à habilement mêler le rire et les larmes et apparaît plus qu’à son tour assez bancal par moment. Néanmoins, sa sincérité, le talent de ses acteurs, sa mise en scène soignée ainsi que son message bien sûr plus que jamais essentiel par les temps qui courent, en font un film important à plus d’un titre.
@ Gilles Rolland