L'association France FinTech publie, en collaboration avec Julhiet Sterwen, un passionnant livre blanc consacré au sujet extrêmement sensible du conseiller augmenté (face au risque de disparition de l'humain dans la relation bancaire grâce à l'automatisation, ajouterais-je en sous-titre). Il me semble pourtant oublier un aspect essentiel, que je résumerais par une question : de quel « conseil » parle-t-on ?
Voilà (enfin !) un travail précis, exhaustif et objectif d'analyse de la situation actuelle dans les institutions financières qui continuent à miser sur les interactions en face à face avec leurs clients, en complément de leur transformation digitale. La raréfaction des visites en agence et des contacts directs, le manque de compétences des interlocuteurs mis à disposition par la banque, la difficulté à équilibrer les modèles économiques…, tout est mis sur la table et doit être pris en compte pour trouver des solutions.
Au bout de la logique, le constat général est incontestable : les consommateurs ont un fort besoin d'accompagnement, à la fois en raison d'une éducation financière limitée et d'enjeux de plus en plus pressants (rendements historiquement faibles de l'épargne, inquiétude sur les retraites…), auquel les banques apportent une réponse extraordinairement pauvre. Il devient donc urgent de combler ce déficit, en offrant à Mr et Mme Tout-Le-Monde le genre de service aujourd'hui réservé à la gestion de fortune.
Naturellement, la technologie permet de s'approcher de cette vision idéale et je vous laisse consulter le livre blanc pour en comprendre toutes les dimensions. Mais l'argument principal défendu par ses auteurs est que, en synthèse, les exigences de confiance et d'expertise, primordiales dans le traitement de problématiques liées à l'argent, imposent l'intervention d'un conseiller humain, qui serait alors irremplaçable. Je ne suis pas certain que le raisonnement soit viable à long terme, mais là n'est pas le débat (pour cette fois).
En revanche, ce qui me gêne dans la démonstration proposée est sa conception du conseil financier : tout au long du document, la seule préoccupation prise en compte concerne la distribution des produits et, la plupart du temps, le seul moment de leur souscription. Ce serait là, plus ou moins, l'unique cas dans lequel le client aurait besoin d'assistance de la part d'une personne en chair et en os. L'idée n'est pas nécessairement absurde du point de vue de la banque mais elle est contre-productive.
En effet, dans le sillage de leur expérience avec les plates-formes des géants du web qui façonnent désormais leurs comportements, les consommateurs demandent de l'aide dans leur relation à l'argent, en permanence, dans leur vie quotidienne. Quand ils doivent acquérir, occasionnellement, un nouveau produit, c'est l'aboutissement d'un parcours long, au cours duquel la confiance se conquiert progressivement et l'expertise se déploie tous azimuts, dépassant largement le spectre des instruments financiers.
Si on considère que le conseil qu'attendent les clients est cet accompagnement de proximité, l'équation se pose soudain en des termes radicalement différents. Car les interactions sur lesquelles les institutions financières sont prêtes à leur offrir un interlocuteur humain, à l'occasion d'une démarche commerciale qui en justifie le coût, ne vont représenter qu'une fraction infime des opportunités d'assistance. Elles seront alors mécaniquement marginalisées par rapport aux contacts « digitaux ».
En résumé, je pense que la priorité absolue devrait être mise sur l'accompagnement personnalisé et contextualisé des consommateurs dans leur vie avec leur argent, ce qui ne pourra probablement se faire que par des approches automatisées (sauf pour les populations les plus aisées). Une fois ce niveau essentiel de conseil mis en place, peut-être sera-t-il temps d'envisager son articulation avec un facteur humain, qui ne devrait plus être perçu comme le pilier de la relation mais comme un simple facilitateur.