Avec la numérisation galopante du monde et la disponibilité de données captées dans tous les instants de notre vie quotidienne, est née une génération de services nous donnant l'occasion d'étalonner nos usages par rapport à ceux de nos voisins ou de personnes qui nous ressemblent. Mis en œuvre intelligemment, le concept peut même faire évoluer les habitudes de ceux qui découvrent ainsi leurs défauts, comme l'ont démontré, entre autres, des études sur la consommation d'énergie des ménages.
Décliné dans la gestion de budget, le principe consiste alors à fournir en référence au consommateur un aperçu de la répartition moyenne des dépenses, de l'épargne, du crédit, de l'investissement… d'une population similaire, afin de lui suggérer (implicitement) des ajustements dans son approche de l'argent. Le raisonnement sous-jacent est que le besoin inné de l'homme de se conformer à une norme sociale induit une envie de changer plus sûrement que n'importe quelle recommandation d'expert.
Le dispositif de Raiffeisen, baptisé « Nicole », reprend donc le flambeau sur le sujet. En établissant des catégories de clients aux profils personnels et financiers similaires, il établit des « modèles » de comportements – d'achat et d'investissement – destinés à inspirer ceux qui s'en écartent et, idéalement, améliorer leur situation. Il offre également la capacité d'anticiper les grands changements dans l'existence (fondation de famille, acquisition de logement…) grâce à l'expérience de ceux qui les ont déjà vécus.
La mise en place d'un système de comparaison entre pairs peut paraître simple mais elle comporte malgré tout quelques pièges. En premier lieu, son efficacité dépend directement de la proximité ressentie par chaque utilisateur avec les autres membres du groupe auquel il est intégré. S'il ne parvient pas à s'identifier à leurs préoccupations, il sera peu enclin à suivre leur exemple. Or il est complexe de présenter les critères de rapprochement retenus, au-delà des plus triviaux (comme la notion de voisin).
Par ailleurs, je m'interroge sur la passivité de la démarche telle qu'elle est décrite. Au lieu de se contenter de donner au client une vue instantanée de sa situation par rapport à d'autres et de le laisser ensuite déterminer, seul, les actions à entreprendre pour l'optimiser, ne serait-il pas plus judicieux et plus percutant de dériver des écarts constatés un accompagnement opérationnel, de proximité (bien qu'automatisé, le cas échéant), à travers la mise en place d'une véritable stratégie de conseil financier ?
Incidemment, la mesure des résultats de son initiative que partage Raiffeisen donne à penser qu'elle commet justement une erreur sur ce plan : sont vantés l'augmentation des taux de transformation et une tendance prometteuse sur les coûts d'acquisition qui montrent, comme toujours, une focalisation sur les ventes, alors que la gestion de finances personnelles est le thème par excellence sur lequel l'accent doit être mis d'abord sur la satisfaction de l'utilisateur (dont l'impact économique, réel, est plus indirect).