En introduction, Nik apportait une information rassurante à tous les observateurs du secteur qui s'inquiètent des valorisations indécentes des stars de la FinTech face à leur apparente absence de rentabilité possible à long terme : grâce à son modèle de revenus diversifié (par opposition à une dépendance exclusive des frais d'interchange, qu'il ne considère pas viable), Revolut est actuellement à l'équilibre, en excluant ses coûts d'expansion, et devrait être globalement profitable cette année.
Naturellement, la diversification dont il parle passe par l'ajout de produits complémentaires au seul compte de paiement des origines. Or à la question de savoir comment se faisait le choix entre création en interne ou partenariat lors de l'ajout d'une nouvelle offre, apparaît une première faille dans le concept. Car, bien que la recherche de la combinaison optimale de valeur (notamment économique) et d'efficacité (dans la mise en œuvre) semble pragmatique, elle tend à dénoter une approche monolithique.
En effet, dans les deux cas, il n'est question que de bâtir une solution « Revolut » uniforme, ne laissant guère la place à l'assemblage de solution à la demande, caractéristique de la logique de plate-forme aujourd'hui considérée comme une des plus sérieuses hypothèses d'évolution des services financiers pour l'avenir. Ce sentiment est d'ailleurs immédiatement renforcé quand Nik déclare que, selon lui, d'ici 10 à 20 ans, le paysage mondial ne comportera plus que 5 banques et 5 géants de la FinTech !
En renforçant cette affirmation par un rejet presque total de la possibilité que des acteurs de niche puissent malgré tout subsister – parce que, tout comme les petits et moyens établissements historiques voués à disparaître, ils ne parviendront pas à aligner leurs prix –, il s'écarte radicalement de sa référence favorite selon laquelle son objectif ultime est de faire de Revolut l'Amazon de la banque. Sa seule obsession paraît ainsi être de conquérir la clientèle la plus large possible. Mais où est donc sa stratégie ?
La question mérite d'être sérieusement posée (surtout pour les investisseur qui ont déjà apporté un demi-milliard de dollars au capital de la jeune pousse). Lorsqu'il est interrogé sur la croissance de sa base d'utilisateurs, Nik répond qu'il définit ses cibles à 3 mois, jamais au-delà (il en fait même un objet de plaisanterie récurrente dans son intervention). Beaucoup plus grave, de mon point de vue, il ne parle que de produits : à aucun moment durant les 20 minutes de l'entretien n'évoque-t-il les attentes des clients.
Ce sujet crucial est également mis en lumière à travers l'axe de l'internationalisation. Une différence majeure entre Revolut et les banques traditionnelles est sa capacité à déployer un modèle unique dans tous les pays où elle est présente. Elle intègre toutefois quelques variantes dans des cas particuliers, mais il ne s'agit alors que de proposer des produits additionnels. Est-il vraiment raisonnable de ne pas considérer aussi les différences culturelles ? De ne pas envisager que les gens n'appréhendent pas tous la banque de la même manière ? De ne pas admettre que certains ont des besoins spécifiques ?
Le sentiment général qui ressort de cette session est donc mitigé. Certes, Nik a démontré un talent extraordinaire pour détecter et éradiquer les frictions et les frustrations de l'expérience utilisateur des services financiers. Le succès retentissant de Revolut constitue un révélateur éclatant (et dramatique) des lacunes existantes en la matière. En revanche, cela suffit-il à créer une des 10 dernières institutions susceptibles de survivre dans les 20 prochaines années ? Je ne le crois pas et rien ne laisse entrevoir que la prochaine étape de l'évolution du secteur ne soit dans ses radars…