Un baiser "pour de faux" et tout bascule. La relation de Matthias et Maxime, deux amis d'enfance, prend un virage inattendu lors d'une soirée entre amis. Dans son dernier long métrage, Xavier Dolan nous fait vaciller entre l'amitié et l'amour de façon subtile et personnelle.
Et si, par inadvertance, vous tombiez amoureux de votre meilleur ami ? Le quotidien de Matthias est rythmé par le bureau et sa vie de couple. Mais, après avoir perdu un pari lors d'une soirée arrosée, il est obsédé par son ami Maxime après l'avoir embrassé. Ce dernier enchaîne les petits boulots et s'occupe de sa mère, malade. Leurs vies sont construites et bien différentes mais le doute est constant et réciproque. Est-ce un ami ou un amour depuis toujours ?
Une relation implicite et personnelle
Alors que Maxime, joué par Xavier Dolan, prépare son voyage en Australie, Matthias (Gabriel d'Almeida Freitas) gravit les échelons dans une grosse boîte à Montréal. Ils vivent deux vies parallèles et éloignées, il y a une certaine distance entre eux. Pourtant on devine qu'ils se connaissent par cœur. Ce qui les lie ? Une bande de potes soudée et de longue date, et la mère de Matthias, interprétée par Micheline Bernard, qui considère Maxime comme son deuxième fils. Elle lui fait ses gâteaux préférés, lui offre des cadeaux et des dessins de lui enfant traîne au fond du tiroir... Dans un tel contexte, difficile de basculer d'un passé amical à un avenir amoureux.
Comme dans ses nombreux films, le réalisateur traite de sujets qui lui ressemblent : la recherche de l'identité sexuelle commune à Laurence Anyways et la relation mère/fils comme dans On y retrouve toujours son oeil particulier et sa façon fluide de filmer. Le corps mouvant de Matthias dans un lac, un gros plans sur la tâche de Maxime, des ombres à travers une fenêtre, tout est rendu beau et on se sent proche d'eux.
Mais d'habitude il fait tourner son synopsis autour de des personnages. Mais à l'inverse de ses précédents longs métrages on assiste à aucune scène d'interaction entre les deux protagonistes. C'est au spectateur de tout suggérer et on s'y perd un peu.
La vie intérieure comme partition
"J'ai cherché un sens à mon existence / J'y ai laissé mon innocence / J'ai fini le cœur sans défense"Au milieu du film et presque inattendue, la chanson J'ai cherché d'Amir résonne à fond dans la voiture. Maxime et ses potes la musique à fond et insouciant, et Matthias silencieux les observant. Ici, les paroles contrastent avec le côté implicite des images et nous aide à mieux comprendre les sentiments des deux hommes.
Pour la bande originale de son 8ème film, le réalisateur a aussi minutieusement choisi son compositeur. Jean-Michel Blais habite à 3 minutes de chez Xavier Dolan et n'a jamais composé pour un film. Précédemment éducateur spécialisé, il se fait repérer par une maison de disque après avoir enregistré plusieurs improvisations qui trottaient dans sa tête. Tout est allé très vite pour lui "Xavier m'appelle, me dit qu'il aime ma musique et me demande si je souhaite faire celle de son prochain film. Je me sens minuscule, et de sentir que j'ai une certaine valeur à ses yeux donne une espèce de confiance."
Ensemble, ils composent les univers intérieurs des deux personnages, leur relation et leur évolution Afin de retranscrire au plus près les émotions ressenties par Matt et Max, le réalisateur québécois et Jean-Michel Blais se sont inspirés de Schubert, pour une raison certainement pas anodine " Xavier m'a fait écouter du Schubert (le deuxième mouvement de la sonate en la mineur n° 16), ça m'a fasciné parce que Schubert est un personnage historique dont on ne connaît pas beaucoup de la vie intime (il y a des spéculations sur son éventuelle homosexualité), je trouvais ça intéressant qu'il y ait eu un coup de foudre pour ce compositeur". La musique est alors le fruit d'un travail à deux et donne aux plans déjà très esthétiques de Dolan une sublime harmonie à l'écran comme dans nos oreilles.