Musashi-kaori, Sayama et Hon.yama

Par Florentw
Faire une comparaison entre deux thés différents, différentes régions, différents producteurs, faits à partir d'un même cultivar est toujours très intéressant. Cela l'est d'autant plus pour l'amateur averti lorsqu'il s'agit d'un cépage très rare comme Musashi-kaori. J'en propose un de Sayama (Saitama) et un de Hon.yama (Shizuoka).
Comme son nom l'indique, Musashi-kaori (la plaine de Musashi désigne pour parti l'actuel département de Saitama) provient de "Sayama" juste au nord de Tokyo. On sait le centre de recherche de Saitama (qui se trouve à dans la ville de Iruma là où se trouve la plus importante aire de production du thé de Sayama) actif dans le développement de cultivars de thé. En effet, pour cette région au climat difficile, très chaud en été mais surtout très froid en hiver, avoir des cépages spécifiques est très important. Aussi, au delà de cet aspect purement climatique, lorsque ces cépages ont aussi des caractéristiques aromatiques intéressantes, cela devient un atout particulièrement important aujourd'hui. Si Sayama-kaori est de loin celui qui s'est le mieux répandu, présent dans tout le Japon, on en trouve aussi de vraiment formidables et évidents du point de vu du parfum, Fukumidori et Yume-wakaba en tête. Musashi-kaori est lui aussi singulier, mais moins évident, moins sexy pourrait-on dire, que les ceux cultivars susnommés. Pourtant, ce Musashi-kaori possède une grande force, et mérite l'attention des connaisseurs.
Enregistré en 1997, il est issu du croisement Yabukita x 27F1-73, ce dernier étant lui même issu de Sayama-midori (le tout premier cépage de Sayama enregistré en 1953 et sélectionné à partir d'un théier zairai de Uji) x Yingshu Hongxin (cépage taiwanais).

Commençons par le thé de Sayama, un sencha provenant de Iruma, qu'il ne faut pas hésiter à préparer bien chaud, quitte à réduire le temps d'infusion.
La première impression est celle d'un parfum sucré mélangeant le boisé aux herbes sèches (la torréfaction est présente, sans être très forte) avec des nuances épicées, rappellent parfois le clou de girofle.
 En bouche,  l'infusion est bien charpentée, très présente, avec cependant très peu d'astringence et une impression sucrée plutôt qu'umami. En plus des arômes boisés et d'herbes sèches, on trouve aussi des notes plus végétales.
Rustique d'une certaines manière, puissant et riche, ce sencha n'en est pas moins très fluide.
C'est moins un changement qu'une complexification qu'apporte les seconde et troisième infusions. Viennent s'ajouter aux caractéristiques de la première infusion des notes plus florales avec des arômes plus tranchant et vif, une agréable et fraîche sensation "savoneuse".
L'impression sucrée et chaleureuse reste dominante avec toujours un after profond et une grande longueur en bouche.
Le Musashi-Kaori de Hon.yama (nous sommes dans le secteur de Uchimaki, encore tout proche du centre de Shizuoka mais au relief pourtant étonnamment accidenté) offre une expérience différente, sans être exempt évidemment de points communs. Comme celui de Sayama, les feuilles ont subi un flétrissement mais clairement plus important.
 On a d’emblée un parfum bien plus floral, un peu citronné et épicé (clou de girofle encore), où le caractère boisé et sucré semble passer en arrière-plan. Cet ensemble aromatique évoque aussi un agréable et rafraîchissant parfum de savon.
L'astringence est encore très légère mais on note cette fois une petite pointe d'umami. Là encore l'infusion est très pleine et présente en bouche mais très veloutée.  

Ici, compte tenu de la richesse déjà grande, les seconde et troisième infusions sont dans la continuité, toujours très aromatiques (peut être un peu plus fruitées) et veloutées.
Ce qui ressort en premier lieu de cette double dégustation est un cultivar Musashi-kaori très puissant. Beaucoup d'arômes, de goûts, de persistance, etc. Une absence d'astringence marquée et une présence sucrée importante sans umami mis en avant. Le boisé et l'épicé semblent être des arômes communs mais dans le détails, ces deux sencha s'expriment de manières bien distinctes aussi.
Rustique et chaleureux, celui de Sayama est puissant mais très fluide, et peut ainsi être préparé très chaud et être consommé à grosses goulées. Celui de Hon.yama est du point de vu aromatique plus foisonnant encore, puissant il procure une infusion qui n'est en aucun cas lourde, mais plus veloutée que fluide.
Musashi-kaori n'est décidément pas un cultivar lambda, il est bien singulier, peut-être pas à être mis entre toutes les mains (sur tous les palais ?) mais en tout cas extrêmement intéressant et plein de possibilités.