Du papier. Une feuille de papier. A4. A5. Tout de suite. L’imprimante, l’imprimante, c’est ça. J’ouvre le couvercle, mais les feuilles, les feuilles, je ne sais pas. Je n’arrive pas. Alors, mon carnet de notes. Pas le bon format mais ça ira. Dans le carnet, les pages sont reliées. Reliées. Et déchirer non, déchirer, je ne peux pas.
Il faut au moins noter. Que je note, tout de suite. L’idée est là, que je tiens et qu’il faut retenir, inscrire, graver.
Mon cœur balourd.
Mon cœur balourd. Voilà ce qu’il écrit à son amoureuse. Mon cœur balourd, ça explique tout. Un romantique, un romantique et voilà tout. Ensuite, il a bien essayé, Gustave, essayé de s’effacer, de se rigidifier, de se statufier dans son buste de commandeur de la réalité. Effacer toutes ses traces. S’effacer. Plus rien. Plus d’écrivain.
Mais son cœur balourd.
Son cœur qui fuit et trempe le papier des lettres qu’il envoie à son amoureuse.
Son cœur bien vivant.
Son cœur qu’il ouvre à Louise, frais et fumant.
Et des larmes.
Et du sang.
Il me faut tout noter maintenant.
Rien dans le ventre de la photocopieuse. Mon stylo se désole.
Pendant que son cœur bat.
Lourd.
Il faut que je le note quelque part sinon la citation va m’échapper.
Gustave Flaubert écrit à Louise Colet : « Mon cœur balourd. »
Il faut que je trouve un cahier, un crayon, de quoi noter.
NOTER !
Je me bats avec mon oreiller.
Mes bras happent un stylo imaginaire.
Je me redresse.
La couette a glissé.
Elle dort, tranquille, dans l’aube immobile.
Je pose un pied hors de mon rêve.
Avant que tout s’efface, je retiens de toutes mes forces
Mon cœur balourd.
Je me lève.
J’ai les yeux lourds et l’esprit embrumé.
Assis dans la pénombre,
Avant que j’oublie,
Il faut absolument que je trouve de quoi noter.