Franck Thilliez : Franck Sharko & Lucie Hennebelle 7, Luca

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Franck Sharko & Lucie Hennebelle, tome 7 : Luca de  Franck Thilliez    4/5 (04-05-2019)

Luca, septième volet des aventures de Franck Sharko et Lucie Hennebelle est sortie le 2 mai 2019 dans la collection Noir des Editions Fleuve.


L’histoire (éditeur) :

Partout, il y a la terreur.
Celle d'une jeune femme dans une chambre d'hôtel sordide, ventre loué à prix d'or pour couple en mal d'enfant, et qui s'évapore comme elle était arrivée.
Partout, il y a la terreur.
Celle d'un corps mutilé qui gît au fond d'une fosse creusée dans la forêt.
Partout, il y a la terreur.
Celle d'un homme qui connaît le jour et l'heure de sa mort.
Et puis il y a une lettre, comme un manifeste, et qui annonce le pire.
S'engage alors, pour l'équipe du commandant Sharko, une sinistre course contre la montre.
C'était écrit : l'enfer ne fait que commencer.

Mon avis :

Nouvel opus des aventures de Sharko et Henebelle, Luca entraîne le lecteur dans une enquête encore une fois glauque, torturée et palpitante dans l’univers cette fois-ci des réseaux sociaux et des nouvelles technologies liées à l’augmentation de l’homme (manipulations génétiques et hyper connectivité).

Pas besoin de connaître sur le bout des doigts le passé des deux protagonistes, ni même d’avoir lu les précédents opus car, bien que Luca s’inscrive dans la continuité, il s’agit là d’une affaire indépendante et les quelques éléments en lien avec le passé des uns et des autres (dont principalement Nicolas Bellanger) sont clairement expliqués et permettent d’avancer sans épines et surtout sans aucune incompréhension dans l’intrigue.

Luca Antoine Victor est un petit garçon né sous X le 17 mars 2017. Sa mère, Natacha, une mère porteuse grassement payée pour porter l’enfant de Bertrand Lesage, dont l’épouse Helene, privée d’ovaires depuis son cancer à 25 ans, ne peut avoir d’enfant.

« -Si j’ai un conseil à vous donner, restez discret avec cet enfant. Vivez votre vie tranquille, élevez-le du mieux possible et ne cherchez surtout pas à attirer la lumière sur vous. Jamais. Vous comprenez ? La lumière attire aussi les ombres…

Cette dernière phrase le refroidit. L’air lui sembla soudain plus frais.

-Les ombres ? Quelles ombres ?

Après un coup d’œil circulaire, elle hésita, puis ajouta :

-Il est spécial, ce bébé. Votre anonymat sera sa meilleure protection. » Page 22

Six mois plus tard, une série d’événements tragiques et particulièrement inquiétants tombe sur l’équipe du commandant Sharko, depuis peu installée au « bastion », nouveaux locaux dans le quartier des Batignolles, le 36 quai des Orfèvres ayant définitivement fermé ses portes :

- Un cadavre d’homme nu est retrouvé au fond d’une fosse soigneusement confectionnée dans la forêt de Bondy, Seine Saint Denis, le corps couvert de lacérations, le visage « fondu », une puce implantée dans la main et un tatouage au poignet.

- Un homme apeuré, décède de manière violente et brusque juste après avoir laissé une lettre au premier flic venu au « 36 » rue du bastion : le capitaine de la brigade criminelle Bellanger. Cette lettre, signée « l’Ange du futur » annonçant justement à la minute près cette mort, lance un terrifiant avertissement sur l’intelligence artificielle et la manipulation des grandes firmes du net, tout en menaçant de mort s’il n’est pas pris au sérieux.

- Une femme se réveille dans un cylindre aux côtés d’un autre homme retenu depuis trois jours dans les mêmes conditions : Bertrand Lesage….

Luca est un polar encore parfaitement maîtrisé (c’est là une des plus grandes qualités de l’auteur : savoir concilier scénario palpitant et authentique à enchaînement sans faille des faits). Les précisions techniques dans le développement de l’enquête (et dès qu’un personnage met en lumière une nouvelle information) sont justes, pointilleuses et très claires.

Franck Thilliez possède une narration fluide, entraînante et addictive. Ses mots, tout en étant précis et pointus (en particuliers lorsque les explications relèvent de la science ou d’autres domaines spécifiques), restent bien choisis et à la portée de tous. Ses explications sont intelligibles, sans longueur et surtout offrent une compréhension poussée des faits. Il place justement ces faits dans un contexte qui s’appuie sur la réalité et sur des éléments véridiques qui ont marqué l’actualité, permettant d’ancrer le récit dans une forme de véracité (d’autant que chaque événement est situé de manière précise géographiquement) et accentuant ainsi l’inquiétude.

Même si on est là assez proche de la science-fiction, à l’image d’un épisode de Black Miror), on s’interroge naturellement sur la menace des réseaux sociaux (jouant sur le libre arbitre, manipulant plus l’esprit, la pensée et les choix plutôt qu’ils n’informent et n’ouvrent sur le monde), de la médiatisation massive et violente, des nouvelles technologies, des manipulations génétiques (embryonnaire et du vivant), de la rapidité de progression des objets connectés…et tellement plus encore...

Par l’intermédiaire d’un tueur méticuleux, méthodique et d’une grande intelligence, l’auteur nous embarque dans un scénario retorse et perverse où il est question de choléra, de pacemaker défaillant, de crue parisienne, de données prédictives, de bébés médicaments, de bateaux, de sadomasochisme, de chien myostatine… L’ensemble s’enchaîne, comme habituellement, à la perfection grâce notamment à des protagonistes humains, avec une vraie histoire (et pas forcément torturée…quoi que…un peu quand même) qui les rend tous attachants.

L’alternance des courts chapitres (sautant d’un personnage à l’autre ou d’une piste à une autres), qui se finissent bien souvent sur un début de révélation ou un coup de théâtre, joue aussi encore sur le plaisir de la lecture.  Ces 550 pages s’enchaînent à un rythme effréné. Luca est un roman haletant, palpitant et intense qui ne laisse pas indifférent par sa violence et par les enjeux qu’il soulève avec entre-autre l’emprise invisible des GAFA (acronyme désignant les quatre entreprises les plus puissantes du monde : Google, Apple, Facebook et Amazon) sur notre cerveau et notre vie…

« Google vous connait mieux que n’importe quel psychologue. Vous ne pourrez plus vous passer de lui. Google est la pire des drogues dures. 

Chaque jour, ce sont trois milliards de milliards de nouvelles données saisies par vous, les chimpanzés, qui viennent renforcer la connaissance des machines sur notre comportement et notre monde. Trois milliards de milliards qui remplissent les disques durs du Big Data en une seule journée » Page 141