Diabolo fraisede Sabrina Bensalah 5/5 (12/03/2019)
Diabolo fraise (275 pages) est sorti le 6 mars 2019 aux Editions Sarbacane.
L’histoire (éditeur) :
Elles sont quatre sœurs, âgées de 11 à 18 ans.
Antonia, l'aînée, découvre qu'elle est enceinte.
Marieke, elle, découvre le plaisir, le flirt... et le beau Basile.
Jolène est un cas à part. Son rêve : avoir enfin ses premières règles, celles qui la feront devenir femme !
Judy, la benjamine, découvre le collège, où, comme à la maison, elle cherche sa place...
Entêtées et émouvantes, ces quatre sœurs vous feront voir la vie couleur Diabolo Fraise !
Mon avis :
« Elle entre dans sa chambre. Ses trois sœurs sont assises sur le lit d’Antonia, Judy calée au milieu.
-Hé, les filles ! murmure-t-elle. A votre avis, ça a le gout de quoi, le bonheur ?
Trois paires d’yeux se tournent vers elle. Réflexion.
- De la barbe à papa ? improvise Antonia en posant le magazine sur ses genoux.
- De chiottes ! lâche Jolène, pas joueuse.
- Et toi, Judy ? tu dirais quoi ?
- Vous vous moquez de moi, hein ?
- Quelle idée ! répond Marieke.
- Je dirais que le bonheur a le gout des quenelles de Papa.
- Et s’il était une couleur ?
- Couleur de peau répond Antonia sans hésiter.
- Couleur page blanche, propose Jolène ; le bonheur, c’est peut-être quand tout reste à écrire ?
- Le marron des yeux de maman.
- Et si c’était un bruit ? rebondit Marieke.
-Un premier cri, murmure Antonia.
- Les pages d’un livre qui se tournent.
- Vos rires et le mien, ensemble.
- Et un mot ?
- Farès.
- Cogito…
- Sœurs. » Page 130
Dans la famille Martin je voudrais ?
- Antonia, l’aînée, la jolie blonde qui rentre en terminale, en couple avec Farès depuis un peu plus d’un an
- Marieke qui arrive en première, la belle fille sans filtre et très drôle aux longues boucles brunes
- Jolène, la blonde vénitienne aux yeux verts de 15 ans extra brillante qui fait sa rentrée en seconde et s’inquiète de ne toujours pas avoir ses règles et a un peu de mal à aimer son corps
- Judy, la benjamine de 11 ans, cheveux châtains, yeux marrons aux reflets verts qui n’arrive pas à trouver sa place
- Mona, la maman de 52 ans, assistante sociale et épouse de Swen, écrivain
La famille Martin habite au 3eme étage d’un petit immeuble de la cité de Noyon au cœur de Mably tout près de Roanne.
La famille Martin est un condensé de bonne humeur, d’engueulade et de coups (de gueules, durs, de foudres…)
Depuis ce mois de juillet, on va suivre les aventures humaines, amoureuses et familiale de cette tribu. Tout commence par un retard de deux semaines pour Antonia, deux petites semaines confirmées par deux foutues lignes roses sur le test de grossesse. Alors direction le planning familial pour se positionner…faire des choix…
Et puis, après les vacances c’est la rentrée pour chacune d’elle avec ses aléas, des rencontres, ses contrariétés mais aussi ses grandes joies…
Diabolo Fraise, c’est évidemment un roman sur l’adolescence, un roman sur le passage à l’âge adulte pour certaines (sur le devenir femme, et devenir mère), l’acceptation de soi.
« Mais tu verras, Judy, si tu parviens à passer outre ton apparence physique… C’est facile à dire, je sais…Ce que je veux dire, plus adroitement, c’est que dans cette puberté, il n’y a pas que le corps qui se préparent à devenir celui d’une femme ; il y a aussi ta réflexion, ta vision du monde, tes émotions, ta sensibilité. Une vie de femme, ça se prépare aussi avec des projets (…). » Page 136
Diabolo Fraise, c’est un roman sur l’âge des possibles, de l’attente, des limites, des premières fois, des illusions et des désillusions, du plaisir assumé, de premières fois (presque toutes les premières fois), de transformation (puberté, ménopause, maternité).
« Tu m’aideras à devenir une femme ?
Quentin reste muet. Devant son silence, elle développe sa pensée :
- En me faisant découvrir mon corps, mes plaisirs. En me révélant, en me poussant toujours plus loin, en m’encourageant. Ça veut dire m’aimer, me respecter. Pour qu’avec toi, je devienne moi. » Page 256
Drôle, plein de vie, Diabolo Fraise met la famille et la femme au centre de son intrigue (avec des sœurs qui s’engueulent et s’adorent et des parents toujours présents mais loin d’être étouffants) pour un résultat riche en humour et surtout en émotions.
« Elle sort la première, ses trois sœurs la suivent. Se sentant toutes dans le même état mi-figue mi-raisin, elles s’installent sur le lit de l’aînée, serrées l’une contre l’autre. Elles s’apaisent dans le peau à peau, les caresses tendres qu’elles se distribuent, les confidences qu’elles se murmurent à l’abri du monde. » Page 103
J’ai une devinette, s’interpose Judy pour faire cesser la dispute. Si on change une seule lettre, « cœur » devient…devient ? » Page 178
Dans un style vif, pas enrobé de sucre mais plutôt direct et sans tabou, et pourtant pas dénué de poésie, Sabrina Bensalah signe un nouveau roman tendre qui parle de sujets importants, de choix et de décisions, de harcèlement et de courage.
« - Je veux frissonner, tu comprends ? c’est mon corps qui a besoin de s’exprimer, là, ma vieille !
- Euh…On va dire que je comprends. Mais, juste, quand tu dis que ça te fait de l’effet.. Ça fait quoi, exactement ?
- Ben, dans le ventre, ça …tremble. Non, c’est plus léger que ça ! parce que c’est doux…
- Oui : un tremblement, c’est brusque.
- Ça fourmille, plutôt. Mais non, pas tout à fait. C’est pas comme avoir des fourmis. Moi, mon ventre, il ne demande qu’à voler :
- Papillonner ? alors ?
-Oui ? c’est ça ! Des battement d’ailes de papillon dans le ventre qui caressent. Doucement, tendrement… Seulement, comme ils sont des milliers, c’est comme un séisme à l’intérieur ! Mais…comment dire… c’est moelleux. Oh et puis merde : le mieux, c’est de le vivre ! » Page 49
« La troisième fois sera la première. Et peut-être qu’elle y ajoutera des paillettes. » page 173
Elle donne aussi l’occasion de s‘interroger sur ce qui fait une femme (page 92), le féminisme (sans oublier la place des hommes, page 70) et sur le désir.
« Ressentir du désir ne fait pas de toi une meuf facile : ça, c’est un truc que la société nous fourre dans le crane ! tu sais que ça s’appelle « l’excision mentale » ? j’aimas pas ce nom, ça me fait mal – c’est comme dire qu’on est « pris en otage » par la SNCF à cause d’une grève-, mais n’empêche c’est éloquent et…Tout ça pour dire que refouler son désir, c’est une réalité pour beaucoup de femmes. » page 156
En bref : un excellent roman adolescent drôle, plein de fraîcheur et de tendresse, d’intelligence et de force, qui vous fera passer un merveilleux moment aux côtés d’une famille attachante, touchante, troublante et rassurante.