Le 16 septembre 2018, Eliud Kipchoge établit un nouveau record du monde du marathon : à Berlin, le Kenyan frôle les 2h en parcourant les 42,915 km en 2 heures 1 minute et 39 secondes. Le même jour, à Nivelles (Belgique), je termine un premier semi-marathon en 2 heures 20 minutes et 23 secondes. Retour d’expériences sur la méthodologie d’action appliquée.
Un défi pas comme les autres pour moi
Vous l’aurez compris à la lecture de l’introduction de cet article : c’est avec humilité et humour que je vous partage mon expérience. Je suis conscient que certaines personnes entraînées courent, dans le même temps que j’ai parcouru 21km, le double de distance. Je sais aussi que certains runners en courent plusieurs par an (pour ne pas dire par mois) et que d’autres enchaînent des distances invraisemblables (120, 150, 180km… Si, si.)
Mais voilà, moi, je ne suis pas runner. Plus exactement, je reviens d’assez loin par rapport au sport. Si j’ai été sportif intensif durant l’adolescence (3 sports 6 jours sur 7 : foot, natation, karaté), l’entrée à l’université puis dans la vie professionnelle m’ont fait perdre de vue pendant un temps les bienfaits de l’activité sportive.
En 2010, je frôle les 100 kg
99,8kg pour être précis. Voir les photos (2009-2010 à gauche, 2018 à droite).
Lorsque je vois ces chiffres qui dépassent mon entendement s’afficher sur la balance, 2 pensées me traversent :
- Soit je me résous à ce corps dans lequel je ne me retrouve pas et qui n’est pas moi
- Soit je me refuse à voir 3 chiffres sans virgule la prochaine fois que je me pèse. La décision est vite prise.
« Chacun sa montagne, chacun son sommet. »
C’est l’une de mes phrases préférées. Elle m’est venue la première fois lors d’une conférence (puis pour le livre) « ACTION – Devenez le Héros de votre propre histoire, relevez vos défis » de L’attitude des Héros. Elle signifie simplement que ce qui est un défi pour moi n’est peut-être pas un défi pour vous, et que ce qui est un défi pour l’un ne l’est pas pour l’autre.
Quand on comprend ça, on arrête de se faire piéger par le prétexte de la comparaison : oui, d’autres courent des semi-marathons avant de prendre leur petit-dej’ tous les matins. Et alors ? Moi, ce n’est pas mon cas. Donc, c’est un défi à mon niveau. Et puisque ça me tient à cœur, ça vaut le coup que j’y consacre une partie de ma vie et de mon énergie disponible. [1]
Se préparer à l’action : un défi n’est pas une promenade de santé
« Le plus grand danger pour la plupart d’entre nous n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions, mais qu’il soit trop bas et que nous l’atteignons. » (MichelAnge)
Pour moi, courir un semi-marathon impliquait :
- Aller au bout, quel que soit le temps
- Courir du début à la fin. Pas marcher. Pas un pas.
- Surtout, surtout, finir en bon état : pas de blessure et pas d’impact les jours suivants sur mon business en termes de forme ou de performances
La difficulté majeure consistait à inscrire ce défi comme priorité dans mon agenda. Entre les activités professionnelles de conseils en entreprises, les conférences sur 3 continents, l’officialisation de L’attitude des Héros comme maison d’édition, l’écriture de mon 8e livre sur l’innoation et la vie de famille partagée entre mon rôle de compagnon et de père, il y a de quoi faire.
Ce n’est pas le temps qu’on gère, ce sont les priorités
« Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons à travers le temps. » (Albert Einstein)
Dire « Je n’ai pas le temps », c’est admettre que ce n’est pas une priorité. Et donc c’est potentiellement un prétexte pour ne pas faire les choses qui nous tiennent à cœur. J’ai donc pris le temps d’inscrire la préparation à l’agenda et d’en faire un élément incontournable. Y compris à l’étranger en conférence, mon équipement a trouvé sa place, quitte à emporter un bagage supplémentaire.
Ce n’est pas parce que c’est décidé que c’est gagné, ni que c’est confortable.
Il y a des moments où c’était pénible de sortir pour m’entraîner, où j’aurais préféré lézarder dans le canapé. C’est normal. Personne n’a dit que ce serait facile. Et personne ne relèvera ce défi à ma place. C’est donc à moi de jouer.
Je le fais pour moi (acte solitaire), avec l’idée de pouvoir partager la dynamique enclenchée pour démontrer, une fois de plus, que c’est possible (bénéfice solidaire). Si j’y arrive à mon niveau sur ce qui me tient à cœur, vous pouvez y arriver aussi sur ce qui vous anime. Et si ça ne sert, dans quelques années, qu’à inspirer mon fiston à relever ses propres défis avec confiance, j’aurais encore plus eu raison de me bouger. Prêt.e pour l’action ?
Adopter 5 principes d’action pour y arriver
La méthodologie est celle que j’ai appliqué pour rencontrer Richard Branson en 2014. C’est celle que je développe dans les conférences et le livre ACTION – Devenez le Héros de votre propre histoire, relevez vos défis. En voici les bases en synthèse.
1/ S’entourer
C’est le point de départ : trouver les bonnes personnes, les bonnes ressources, pour constituer la dream team. Elle sera garante du projet (son déroulement, son aboutissement, voire les deux).
Pour ma part, j’opté pour la technologie et l’humain :
- L’application ForMyFit a rythmé mes entraînements et guidé mes courses (vitesse, intensité, pulsations, etc. – je n’utilise peut-être pas la bonne terminologie et j’en suis désolé si c’est le cas : je vous l’ai dit, je ne suis pas runner). J’ai ainsi pu progresser en me sentant canalisé, pas à pas, en toute sécurité.
- Ami d’enfance, Coach Pierre a accepté de me conseiller sur la stratégie, faire quelques sorties d’entraînement à mes côtés et surtout être présent pour courir la distance le jour J. Il m’a prodigué les précieux conseils d’un professionnel et répondu à mes questions (Faut-il boire pendant ou chercher à tenir la distance « à vide » ? Dois-je courir la distance avant le jour J ? Est-ce que ça vaut la peine d’aller en repérage sur les lieux ?)
Ca rassure de partir accompagné, et ça permet d’être motivé : d’autres personnes vous font confiance et vous consacrent du temps. Autant les honorer.
2/ Démarrer avec ce qu’on a
Les premiers moments, je peinais à courir 20 minutes. Et quand j’arrivais à 30 minutes par fierté (« allez quoi, au moins une demi-heure »), je devais reprendre mon souffle pendant 5 à 10 minutes. Les miens me demandaient : « ça va aller ? »
A ces moments, dans la difficulté, quand je bataillais avec moi-même, je me suis dit 2 choses :
- C’est le début, c’est normal. Je démarre de 0 ou presque. Laisse-toi le temps
- Surtout, surtout, je me suis dit : ressens tout ça à fond. Quand tu courras le double, le triple ou encore plus, tu te rappelleras ces moments de merde et tu en riras. Tu auras la joie de te dire : j’ai progressé. J’ai dépassé ce stade-là.
3/ Être curieux
Faire preuve de curiosité, c’est s’intéresser, se poser des questions en lien avec le défi. Pour parvenir à courir ces 21km, je devais aussi être en énergie et préparé à gérer des contrecoups, des imprévus.
Je me suis un peu renseigné, j’ai soigné mon alimentation, j’ai demandé aide, soutien et compréhension quand je m’imposais une certaine discipline ou que je sentais que je pourrais flancher. Je m’accordais aussi l’un ou l’autre écart (ma curiosité gastronomique d’une cuisine inconnue en terre étrangère par exemple), en veillant à reprendre le rythme rapidement.
J’ai écouté chaque personne qui me parlait de ses expériences de course, du coureur occasionnel comme moi, au retraité du running, en passant par la machine de guerre qui avale des kilomètres à faire pâlir un mort (« parce que ça l’amuse »).
4/ Accepter l’imperfection
Tout en écoutant certaines recommandations et en testant quelques conseils, j’ai laissé tomber l’idée de « bien courir », au sens de « courir comme il faut » – existe-t-il seulement une seule manière de bien courir ?
J’ai aussi abandonné l’option de vouloir courir le semi parfait : peu importe le chrono, peu importe le classement, c’est ma première épreuve du genre et je ne suis pas « du métier » : je me concentre sur les raisons de ce défi et les balises que je me suis fixées : aller au bout, sans marcher et finir en bon état.
Mes relents perfectionnistes auraient certainement dit :
- « Tu dois faire un temps » : peu importe lequel, mais il faut s’accrocher à un chrono. J’ai refusé de fixer un temps que je devrais atteindre (j’ai bien fait une approximation, mais je n’en ai pas fait une fixation).
- « Tu dois courir avec style » : je ne sais même pas ce que ça veut dire
- « Tu dois dépasser mais pas te faire dépasser » : ce n’est pas un jeu de cour de récré. Je le fais pour moi.
5/ Garder le cap
Paradoxalement peut-être, l’un des moments les plus difficiles à gérer n’a pas été la course elle-même, mais les 2 à 3 semaines qui l’ont précédée. Combiner la période de relâche en juillet-août à la reprise de l’entraînement, l’allongement des distances et, à mon niveau, une forme de lassitude due à la répétition des exercices et, croyez-moi, on se réjouit que ça arrive pour en finir, d’une certaine manière.
Je m’y suis tenu, et, le jour J, j’ai tenu. La distance (je suis allé au bout), la manière (je n’ai pas marché) et les conséquences (je suis resté en bon état après).
Résultat ?
On ne gagne jamais seul.
Ce 18 septembre 2018, j’ai parcouru la distance de 21km en 2h20, avec un ami d’enfance à mes côtés, une app performante pour me suivre.
[Sur la photo : Philippe Gysens, administrateur délégué du semi-marathon de Nivelles, et Pierre Leclercq, a.k.a Coach Pierre]
Cerise sur le gâteau : le temps était magnifique – et impeccable pour courir d’après les experts.
Je remercie mes proches
J’ai pu compter sur le soutien des miens. Clairement, je me suis senti porté et accompagné, même durant l’épreuve.
S’entourer, c’est bien entendu ça aussi. Et puisqu’on parle d’entourage, ce jour-là, j’ai pu être le témoin de gens qui se sont amusés, qui se sont dépassés, qui ont tout donné. D’autres qui ont peiné, qui ont abandonné, qui se sont blessés.
J’ai surtout été marqué par l’élan de sympathie et les encouragements des personnes présentes aux abords du parcours
Fanfare, cornemuse, djembés, guitare, chant, passants ou propriétaires à la fenêtre qui encourageaient toutes celles et ceux qui, certainement comme moi, relevaient ce jour-là un défi, il y avait toujours quelqu’un. Ca fait chaud au cœur. Des inconnus qui en soutiennent d’autres l’espace d’un instant, ça [re]donne foi en l’humanité. Toujours. Je préfère nettement ça aux journaux télévisés et aux médias qui vendent leur « soupe aux mauvaises nouvelles. »
Au passage, je recommande d’ailleurs le semi-marathon de Nivelles, réputé pour ses animations et son tracé convivial. Ce n’est apparemment pas le plus facile, mais il est loin d’être classé parmi les éprouvants.
Une constance quand on vit en mode projet et qu’on se fixe des défis
Très souvent, on profite d’un regard bienveillant de personnes qu’on ne connaît parfois même pas. C’est, je crois, une marque de l’être humain qu’on oublie trop souvent, au-delà des clivages et des clichés sur les jeux de pouvoir ou les affections pathologiques.
La plupart d’entre nous sommes heureux de voir quelqu’un qui progresse, se donne et se dépasse, même si on le connaît pas ou peu.
Je reste touché par 2 marques de soutien en particulier :
- A +/- 11,5km, au détour d’une montée crapuleuse sur un chemin en pavé, un joueur de cornemuse apparaît. J’y vois un signe : je me rends en Écosse la semaine qui suit. Je lui fais un signe de remerciement de jouer pour nous. Il me tend alors le bras pour qu’on se tape dans la main. Deux parfaits inconnus, dans un même moment, mus par une même intention : bien faire. Magique.
- A +/- 20km, quelqu’un qui, certainement, voit mon prénom sur mon dossard et me crie : « C’est super, t’es le meilleur Fred. » Alors que certains ont déjà terminé la même distance depuis 1h, il y a encore des gens pour encourager les « comme moi » qui mettent plus de temps, et certains resteront jusqu’à la dernière personne en course. J’espère qu’elle aura pu entendre son prénom et un « t’es la meilleure » ou « t’es le meilleur », parce que ça fait partie des petites merveilles de la vie.
Je ne sais pas si je peux parler de conclure, mais j’ai à cœur de terminer ce partage en citant Albert Einstein :
« Il y a deux manières de vivre votre vie. L’une comme si rien n’était un miracle. L’autre comme si tout était un miracle. »
J’ignore si on peut vraiment parler de miracles, mais ce 16 septembre 2018, il y a bien eu 2 pépites, 2 merveilles : l’humanité a repoussé les limites en établissant un nouveau record du monde du marathon, à Berlin. Et moi, j’ai couru mon premier semi-marathon.
EDIT : ce premier semi-marathon s’inscrit dans le cadre de la réalisation d’un défi plus ambitieux pour moi : courir un marathon. Le 6 octobre 2019, c’est ce que j’ai entreprise de faire à Lyon. Découvrez-mon compte-rendu.[1] Pour être complet sur cet aspect, retenez qu’à côté de quelque chose où vous êtes peut-être moins performant que quelqu’un d’autre, il y a des compétences, des aptitudes, des méthodes et façons de faire que vous avez développées que d’autres n’ont pas. C’est la richesse de l’être humain : personne n’a toutes les clés, personne n’a toutes les cartes, chacun.e a ses défis à relever, ses faiblesses à compenser, ses failles à gérer. Par ailleurs, pour que ça ait de la valeur, il s’agit bien de parler de quelque chose qui compte : nous sommes excellents pour échouer sans conséquence ni séquelle lorsqu’il n’y a, à nos yeux, pas d’enjeu. Et l’une des raisons pour lesquelles il n’y en a pas, c’est bien souvent parce qu’est concerné un sujet ou une action qui nous importe peu. Bien faire ou non nous est alors égal.