"Depuis qu’elle lui avait appris l’été dernier qu’elle était enceinte de deux mois, il l’avait regardée changer. Elle restait muette des heures durant. Certains jours, par temps clément, il rentrait des champs pour la trouver debout dehors, à scruter la prairie comme s’il y avait quelque chose à voir. Son sommeil était agité. Elle était grincheuse. Elle triait les aliments dans son assiette. Elle souffrait de maux de tête. Jadis si fière de sa chevelure noire qu’elle coupait, lavait et brossait avec une régularité infaillible, elle la laissait désormais pousser, grise et sale. Les filles disaient qu’elle balayait parfois la maison trois fois de suite et laissait entrer le froid, mais il arrivait à Vester de rentrer et de la trouver assise sur une chaise à scruter la pièce autour d’elle. Il se faisait du souci pour elle. Il l’observait et le varron lui revenait à l’esprit – elle avait un ver sous la peau, en elle, qui dévorait la femme aimante, joyeuse et forte qu’elle avait été, et il n’avait pas d’huile de charbon pour s’en débarrasser. Un ver ? Le bébé ?" Glendon Swarthout - Homesman(Gallmeister - trad.Laura Derajinski)