Jusqu’au 16 mars, Christian Boltanski « habite » le Centre Pompidou! Une grandiose rétrospective de ses oeuvres y est présentée: « Faire son temps ».
Une vraie rétrospective, puisqu’on retrouve les principales oeuvres de sa carrière d’artiste, remises en scène pour l’occasion. Et ces différentes installations sont réunies à la manière d’une seule et même oeuvre. « Faire son temps » est une oeuvre en elle-même. Construite comme un parcours, d’un « Départ » à une « Arrivée » (deux portiques en néons colorés pour entrée et sortie, pour naissance et mort).
D’un bout à l’autre, Christian Boltanski vous rappelle inlassablement que vous êtes mortel, que la vie n’est qu’un passage, que le temps s’écoule inexorablement etc.
Mais, quelle magnifique façon de vous le rabâcher! Vous êtes au spectacle. Non! Même pas! Vous êtes acteur, vous vivez chaque mise en scène de l’intérieur. Vous marchez dans la pénombre permanente, et vous entrez dans des sanctuaires, vous vous laissez frôler par des voiles fantômes, vous vous recueillez dans la maison des âmes errantes, vous vous arrêtez devant des reliquaires ou des autels…
Dit comme ça, on pourrait penser à un jeu vidéo! Au manoir hanté! Loin de moi cette idée! Le travail de Christian Boltanski est bien au-dessus de ça. Tout est évocation. Suggestion. Allusion. Création. C’est l’art du théâtre.
Les deux principaux moyens utilisés par l’artiste sont -1- l’accumulation et -2- le jeu de l’absence ou du flouté.
-1- La collection est chez lui chose courante. Il collectionne entre autre, les photos anciennes, uniquement des portraits. Par milliers. Et ils sont tous là: présences émouvantes, obsédantes.
Il entasse aussi des boîtes de gâteaux secs en fer rouillé: murs de boîtes, cités de boîtes, monuments de boîtes. Il réitère également sa montagne de vêtements (ex expo au Grand Palais). Il place des centaines de petites lampes, veilleuses sacrées… L’accumulation et la répétition ont une force.
-2- Les images des personnes décédées sont imprimées (ou projetée) sur rideaux blancs, ou sur voilages, ou sur tentures en lanières. Des êtres irréels, flous, flottants…
Les vêtements sont vides, même si certains parlent d’une voix d’outre tombe. Les miroirs sont noirs, ne reflétant aucune image. Les tableaux représentant des portraits sont cachés sous des tissus de deuil, qui se soulèvent timidement au gré d’un courant d’air. Ambiance funèbre. Mais objectif atteint: on est saisis.
Cependant, le côté joueur de Christian Boltanski est présent aussi dans cette exposition. Quand il nous raconte ses installations in situ, sous forme de vidéos (importance du son et même des odeurs!): ses clochettes dans le désert de Atacama ou ses trompes à chants de baleines en Patagonie, par exemple. Ou quand il nous fait sourire avec son petit théâtre d’ombres.