Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais j’ai été biberonné à Philippe Meyer.
Du collège au lycée sa voix – alors déjà familière – a accompagné la plupart de mes petits-déjeuners, sortant de la radio, régulièrement perturbée par les grésillements que provoquait la résistance du grille-pain installé juste à côté.
C’est en chroniqueur matutinal, préposé aux portraits des personnalités politiques invitées en conclusion du journal, qu’il officiait s’il m’en souvient bien.
J’avoue ne pas avoir toujours été très attentif mais me reste en mémoire une charge subtile et efficace sans brutalité contre Jean-Marie Le Pen, la façon dont on devrait toujours réussir à se comporter face à un dangereux démagogue agressif.
Sans être attentif, je m’imprégnais l’air de rien de ses propos et d’une forme de sagesse alliant mesure et rigueur, éclairée d’un sourire en coin. Le tout dans le confort douillet et rassurant du velours côtelé, du tabac à pipe et des lunettes à grosse monture.
En vieillissant je poursuivis l’imprégnation, toujoursans y faire trop attention. Entrant dans la trentaine je continuais à vivre régulièrement enveloppé par sa voix barytonnante. Le samedi déjà pour une émission de chansons dont je n’appréciais vraiment qu’une partie du contenu mais dont je ne ratais que rarement la diffusion, chantant et reprenant les différents génériques et gimmicks. Et puis le dimanche pour écouter de respectables messieurs et dames (plus rarement) débattre autour de lui avec, pour certain(e)s, une forme de sagesse alliant mesure et rigueur, éclairée, parfois, d’un sourire en coin. Et c’est dans ce confort douillet et rassurant du velours côtelé, du tabac à pipe et des lunettes à grosse monture qu’a évolué ma culture politique entre, grosso modo, 27 et 40 ans.
Bien sûr il est arrivé plus d’une fois que telle ou telle intervention de l’émission me fasse bondir. Et Philippe Meyer lui-même a pu m’agacer (lorsque, par exemple il cédait trop facilement à son envie de chanter), me décevoir ou me surprendre. Mais à l’entendre lors de chaque Esprit Public, résumer avec clarté et précision les faits et enjeux du sujet à débattre, je réalisais à quel point cet excellent travail journalistique est rare est donc précieux.
De même, à l’occasion de la disparition de Robert Castel, son hommage très ému me rappela les affinités qui tissaient mon affection pour lui.
Il est temps maintenant de vous parler d’un des effets les plus permanents et pour moi toujours surprenant de cette vie ou presque passée dans la proximité d’un homme, fut-il seulement de radio (encore que je me souvienne de quelques apparitions dans les fort réussis Maigret avec Bruno Crémer). La rythmique très particulière de la phrase Meyerienne, dans le velours (non côtelé) de sa voix grave m’a, comme je vous le disais plus haut, imprégné au point qu’aujourd’hui il me semble souvent l’entendre prononcer certains de mes propos, pensées ou écrits comme en ce moment ou je m’apprête à taper que le temps presse et votre patience s’use.