L’Australie fait rarement la une de l’actualité, mais en ce moment on peut dire qu’elle vole tristement la vedette à n’importe quel autre sujet. Depuis septembre, des bushfires font rage dans le sud-est du pays et les conditions ne sont pas encore réunies pour qu’ils s’éteignent. De nombreuses personnalités australiennes se mobilisent pour récolter des dons, à l’instar de Celeste Barber qui a réussi à lever plus de 30 millions de dollars en quelques jours.
Les auteurs ne sont pas en reste, puisque certains ont décidé de venir en aide aux pompiers qui luttent contre les incendies. Les auteures de romans pour ados et jeunes adultes Emily Gale et Nova Weetman ont lancé une initiative de collecte de fonds sous le # Authors for Fireys. À elles se sont rapidement joints Trent Dalton, l’auteur de Garçons et l’univers qui a mis aux enchères un aperçu en avant-première de son prochain roman. Hannah Kent, qui a écrit l’excellent À la grâce des hommes, a proposé d’intégrer le nom du meilleur enchérisseur dans son prochain livre. Plusieurs auteurs et la maison d’édition Penguin ont offert de donner des conseils d’écriture aux donateurs les plus généreux. En un temps record, des auteurs renommés (Peter Carey, Christos Tsiolkas) et d’autres qui le sont moins ont mis aux enchères des articles (une couverture en crochet de Favel Parrett, un poème de Maxine Beneba Clarke) et des exemplaires signés de leurs manuscrits ou de leurs livres. Certains ont choisi de vraiment mouiller la chemise, comme Benjamin Law et Graeme Simsion qui ont mis aux enchères un déjeuner ou dîner en leur compagnie. Quel bel effort commun !
Si vous êtes curieux, une liste de toutes les initiatives est publiée sur le site de Readings.
C’est en lisant la lettre ouverte de Jackie French publiée sur le site du Sydney Morning Herald que j’ai eu envie de parler de cette initiative et de traduire des passages choisis de sa lettre.
Message adressé au peuple australien par Jackie French, auteur de « Je mange, je dors, je me gratte… je suis un wombat »
9 janvier 2019, 6 heures du matin
Nous ne pouvons pas pleurer.
Nous ne pouvons pas pleurer parce que ce n’est que le début. Les morceaux de bois calcinés s’accumulent sur nos crêtes, une marée d’animaux blessés envahit nos refuges. Voilà six semaines que je ne vis plus chez moi, que je ne dors plus dans mon lit et que j’accepte les nombreux actes de générosités qui me sont offerts.
Concentre-toi sur ce que tu peux faire. Ne t’apitoie pas sur ce que tu ne peux pas faire.
Je ne peux pas pleurer, parce que je n’ose pas imaginer ce que nous avons perdu.
Privé de leader, des leaders naturels ont émergé ; les courageux pompiers ainsi que tous ceux qui ont défendu leur maison et leurs prochains avec pour seul soutien leurs tuyaux d’arrosage et leur détermination. Notre voisine, Robyn, est restée seule sur place pour défendre sa ferme et les propriétés de ceux qui sont partis.
Avant le départ en vacances, on a demandé à des élèves combien étaient traumatisés par ces feux de forêt. Leur réponse ? Tous. Tous les enfants avaient été témoin de la violence du feu qui s’approchait de leur maison ou avaient une ou un ami(e) encore livide et mutique.
Peter Marshall combattait les flammes jour et nuit depuis plusieurs semaines. Les eucalyptus explosaient sous l’effet de la chaleur. Et puis, le feu a atteint sa ferme et il s’est arrêté. Depuis 30 ans, il a créé un jardin capable d’arrêter les flammes. Oui, c’est possible, tout comme il est désormais possible de construire des maisons qui résistent aux feux, aux inondations et aux vents. Ce n’est que le début.
N’OUBLIONS PAS. Qu’il s’agit d’un avant-goût des conséquences du changement climatique en Australie. Mais nous sommes les héritiers de peuples qui ont survécu à l’ère glaciaire, à la peste, aux guerres et aux famines. La plupart des humains sont morts. Nos ancêtres ont survécu. Dans les moments les plus dramatiques, l’homme est capable d’une grande bonté et d’inventivité.
N’OUBLIONS PAS. Parce qu’une fois les incendies éteints, les enfants resteront traumatisés. Un demi-milliard d’animaux sauvages auront été tués et autant auront été blessés, seront affamés, cherchant de la nourriture et de l’eau pour survivre.
N’OUBLIONS PAS. Que nous avons coopéré, nous avons lutté contre ces catastrophes sans leader politique ; nos voisins faisant désormais figure de leaders. N’oublions pas que c’est en agissant ensemble que nous pouvons changer les choses.
Nous ne devons pas oublier.
Jackie French est l’une des figures les plus importantes de la littérature jeunesse australienne. Elle a écrit plus de 140 livres pour enfant, dont « Je mange, je dors, je me gratte… je suis un wombat » et de nombreux ouvrages sur l’écologie, le jardinage et la faune locale. Elle a reçu plus de 60 prix littéraires tout au long de sa carrière.
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