Les choses humaines

Publié le 26 janvier 2020 par Lorraine De Chezlo
de Karine Tuil
Roman - 340 pages
Editions Gallimard - juin 2019
Prix Goncourt des Lycéens - 2019
Prix Interallié - 2019
La famille Farel est assez privilégiée. Le père Jean est un célèbre journaliste politique français, qui dure qui dure et défend sa place bec et ongles contre la nouvelle génération. Avec son épouse Claire, féministe engagée, ils prennent leurs distances, d'autant plus qu'elle fréquente un homme marié, Adam Wizman, professeur dans une école juive. Alexandre Farel, le fils de Claire et Jean, est étudiant dans la prestigieuse université américaine de Stanford. Bien sûr, il est promis à un bel avenir. Mais voilà qu'un jour, il est accusé du viol de Mia Wizman, la fille d'Adam. Un engrenage inacceptable pour les Farel….
Les choses humaines est un roman conséquent, lourd de propos, et de reflet de la société contemporaine face aux viols, au problématiques féministes et de consentement. Les premières pages qui plantent les portraits des protagonistes principaux et secondaires sont un peu laborieuses. Et puis l'histoire de ce viol, de cette soirée où Alexandre a entraîné la jeune Mia à fumer et à un rapport sexuel non consenti, démarre en entraînant sur son passage toutes les réactions des entourages, en séparant Claire la mère de l'accusé et Adam le père de la plaignante. Malgré quelques répétitions, la progression dans l'engrenage de la justice est bien menée, jusqu'à arriver en seconde partie du roman, au déroulement du procès.
Extrait :
"Ce fut une période noire au cours de laquelle elle fit l'apprentissage de la solitude, de la trahison et de la déception. Elle avait toujours été du côté des femmes dans la lutte contre les violences, du côté des victimes, mas à présent, elle cherchait avant tout à protéger son fils. Elle avait découvert la distorsion entre les discours engagés, humanistes, et les réalités de l'existence, l'impossible application des plus nobles idées quand les intérêts personnels mis en jeu annihilaient toute clairvoyance et engageaient tout ce qui constituait votre vie."
Le lecteur est exposé à un grand degré de réalisme, sachant que Karine Tuil ouvre son roman en évoquant le destin de trois femmes qui effectuèrent des stages dans l'environnement de Bill Clinton et eurent à souffrir de répercussions de près ou de loin : Monica Lewinsky, Huma Abedin et Claire Davis-Farel. L'auteure s'est inspirée du procès d'un étudiant de Stanford, l'élite du futur. Elle nous donne à voir un jeune homme qui est à la fois très inquiet pour son avenir, pour l'effondrement de son statut privilégié, mais aussi et surtout, très arrogant dans sa conduite, dans le déni, dans la non reconnaissance des faits. Et ses parents appuient, les avocats sont puissants. Comme dans toute affaire, les choses ne sont pas si simples et le procès donnera à connaître des éléments nouveaux, notamment sur Mia. Jusqu'au bout, tout est bon pour tenter la victoire. A travers de nombreuses années, ce sont les destins d'hommes puissants que l'on suit, dont le pilier est ce Jean Farel, habitué aux conquêtes féminines, qu'il semble normal que sa puissance médiatique ait rendues faciles.Et puis, à travers toutes ces années, les frémissements de la société sur ces questions de rapports homme-femme sont évoqués. La dure lutte des femmes violées à Cologne, le spectre de l'affaire Strauss Kahn, la négation de la sexualité dans les milieux religieux ultra conformistes, le poids de la parole des femmes, et bien sûr la délicate question du consentement, et des signes supposés annuler la notion de viol….Une lecture très intéressante.
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