Edouard Ferlet & Violaine Cochard. Duo accordé au Bal Blomet.

Publié le 26 janvier 2020 par Assurbanipal

Le Bal Blomet

Paris. Vendredi 24 janvier 2020. 20h30.

Edouard Ferlet : piano

Violaine Cochard: clavecin

Lectrices Baroques, lecteurs Be Bop, je vous ai déjà chanté les louanges de l'album " Bach Plucked Unplucked " (2015) du duo à cordes pincées et frappées, Violaine Cochard et Edouard Ferlet ainsi que de deux concerts parisiens de ce duo, au Sunside en 2015 et au Café de la Danse en 2016. Leur deuxième album, " Plucked 'n Dance " (2018) ne m'avait pas inspiré et je n'en avais donc pas parlé.

2 ans après, je redécouvre cette musique.

Ils installent l'ambiance en douceur. Puis, les mains sur le clavier, se parlent. Elle mène et lui répond. Un ai qui sonne oriental au piano. Un brin de mélancolie mais en rythme. Plusieurs mélodies s'enchaînent dans le même morceau en restant dans un tempo calme.

Edouard commence en résonnance, main gauche sur les touches graves, main droite tripotant les cordes. Avec un son qui rappelle le didgeridoo des Aborigènes d'Australie. [ Illisible ].

Edouard nous explique sa méthode de déconstruction et de reconstruction de morceaux issus de la musique dite classique. D'abord, seul chez lui, avec la partition et le piano. Puis dans le dialogue avec Violaine Cochard et son clavecin.

Une oeuvre basée sur une composition d'un Turc du XIV° siècle de l'ère chrétienne, " Révérence ". L'Orient s'entend dans le jeu de clavecin. Jeu de chant contrechant entre piano et clavecin. La musique suggère bien l'idée de la révérence, un salut gracieux mais pas obséquieux.

Un air léger, vif, entamé en duo. Comme un canon instrumental. C'est puissamment rythmé. Je bats la mesure du pied droit. Ca marche, avance. Tout se calme d'un coup pour une ambiance liquide, fluide. " Envoûté " vient d'une danse italienne du XVIII° siècle.

" Danse de profil " (Edouard Ferlet). Un titre parfaitement logique puisque c'est de profil que nous voyons Edouard Ferlet et Violaine Cochard sur scène ce soir au Bal Blomet, clavecin et piano étant accotés. Une composition inspirée d'Esoterik Satie. Rythme lent, doux balancement. La musique reste en place car elle se trouve bien là où elle est.

Edouard dispose des objets sur les cordes de son piano qui sonne comme un cymbalum. Il lance le débat, Violaine le rejoint et le duo part comme une seule femme. Dialogue de haut vol entre piano et clavecin. " Qui vive " (Edouard Ferlet).

" Les cinq sauvages " (inspiré des Indes Galantes, 1735, de Jean-Philippe Rameau). Joué en 5 temps comme le titre l'indique. Très bel air baroque français pour le clavecin que le piano souligne avec gaieté puis reprend.

Premier morceau à démarrer par un solo de clavecin. Un air décalé. Ca balance et accélère progressivement. Comme un air de bastringue mais savant. D'après Henry Purcell (1659-1695).

" Magnetic Tango " (Edouard Ferlet). Cf extrait audio au dessus de cet article. Mon morceau préféré du premier album de ce duo " Bach Plucked Unplucked " bien qu'il ne soit pas inspiré par JS Bach. Ca danse. C'est rythmé, majestueux et magnétique comme le titre l'indique.. Ca sonne comme une très belle musique de film romantique. C'est tellement bon que j'en ai le frisson jusqu'à la racine des cheveux. C'est une musique pour faire une déclaration d'amour passionnelle. Morceau final du premier album et de ce concert. Fausse fin. Le duo revient sur scène.

Main gauche sur les touches graves, main droite trafiquant les cordes, Edouard reproduit le bruit du vent dans les arbres en agitant doucement sa partition. Une mélodie mélancolique à souhait s'ensuit. Le clavecin entame un air de JS Bach tiré du premier album du duo. Le clavecin accélère et swingue. Le piano aussi. C'est du Bach, par tous les Dieux! " Dieu doit beaucoup à Bach " (Nietzsche). " Dieu doit tout à Bach " (Cioran). Le dialogue se lance entre les deux claviers. Vite mais sans précipitation. La tension monte mais sans stress. Je sens que la musique ne peut que s'interrompre brusquement. Mais quand? Envolée finale. Inéluctable. Stop. Ils se lèvent, saluent et reprennent.

Cf vidéo sous cet article pour une autre version de cet " Aparté " tiré du " Clavier bien tempéré " de Johann Sebastian Bach. Musique enregistrée pour France Musique le 25 janvier 2016. Rien à ajouter.

Un air lent pour calmer le jeu. Beau et planant mais toujours bien ancré rythmiquement.

Le public en veut encore. Les musiciens aussi. Edouard joue des percussions dans les cordes de son piano avec des maillets alors que Violaine lui répond depuis son clavecin. Les 4 mains sur les claviers se parlent. Dialogue riche et vif. Edouard maintient une tension alors que Violaine l'allège. Puis ils se rejoignent en montant en flèche.

En conclusion, un air rapide joué prestement.

Le double mixte Edouard Ferlet - Violaine Cochard a gagné la partie. Le public est conquis et ravi. J'ai ravivé mes souvenirs. Mme M-H ne connaissait pas une note de cette musique avant ce concert, m'a suivi en confiance et est ravie du voyage. Le clavecin peut swinguer avec un piano. Nouvelle découverte musicale. Le chant des possibles s'élargit.