Poezibao propose ici les cinq premiers poèmes (sur 31, complétés par un texte « sqq. ») de la première section du livre « Et il y avait une odeur de menthe ».
1
et il y avait une odeur de menthe sous les auvents
de la tente
surtout après la pluie »
et les dindons rouge bourbon
étincelaient dans la poussière dès
qu'ils battaient des ailes
ô mon amour
amoureuse avec;ou sans;moureusement
ton petit bouquet
de roses à cent lires
le roucoulis le pompon la splendeur de ce qui fut
persiste et caracole
— comme si le manège devait ainsi
repartir
2
et recommencer à courir
après les Été et l'Etc. après la poézie
ce jour d'automne
le ciel déjà à la neige
sous les pales de l'hélicoptère Caracal qui décolle et soulève
les huppes des roseaux
couronnées par des tourbillons de mouches
vertes même
si je m'évertue sans relâche à resserrer à
l'essentiel à la mélopée au vent au faux
poivrier sur la terrasse
où viendrait se poser, parfois, notre petit martin-
pêcheur
3
et les conjonctions de coordination relancent
la mécanique du poème comme
elles nous relancent
toi;et;moi;
depuis;n'as pas envie
de compter;un temps
pas croyable en effet;
nous qui rentrions tout juste des prez jaunissans
sous ce ciel de soye inlassable
avec du regret
mais léger dans l'âme comme
Ez — et le Campo Santo reste
vert à cause des morts et des vivants bras dessus bras dessous et des oies
qui volent la nuit dans la forêt obscure
c'est la vision de Pisanello
en turban bleu outre-mer mélangé
avec du blanc de plomb
4
et la pluie tombait dru cet été-là et la menthe
remontait par bouquets — Ezra
Pound
en personne — torse nu
croupissait dans sa cage du camp disciplinaire
via Emilia
au milieu des jeeps
il esquissait des pas de danse
« vole comme un papillon et pique
comme l'abeille et vas-y cogne mon gars cogne »
mais il faut rendre à Drew Bundini Brown ce qui appartient
à Drew Bundini Brown
qui fut à Ali
un peu ce que Dante fut un temps à Pound
sans que beaucoup de pluie malgré les averses fût tombée
5
et ni les papillons ni les abeilles
ni la grâce
n'auront sauvé
ce pilote exposé la nuit de Noël
dans une cage en acier noir
avant d'être aspergé d'essence et incendié
— à Raqqa — où les nuages
étaient roses ce soir d'août 2010
nous y dormions
sans imaginer
une seule seconde
la tragédie qui se préparait
et le matin au réveil les oiseaux chantaient et notre
drap trop court était tout chiffonné ta nuque perlée
de sueur
et repartîmes alors en autocar
vers Deir ez-Zor
Bernard Chambaz, Et, Flammarion, 2020, 162 p., 18€, en librairie le 15 janvier 2020.
Sur le site de l’éditeur (on peut feuilleter le début du livre)
Bernard Chambaz dans Poezibao (1ère occurrence en 2005)
extrait 1, extrait 2, extrait 3, le compte rendu d’une lecture, extrait 4, fiche de lecture de Eté (Flammarion 2005), extrait 5 (Eté), extrait 6, au lundi des Poètes, mai 07 extrait 7, ext. 8, notes sur la poésie, Eté II (par F. Trocmé), ext. 9, ext. 10, Eté II(par M. Gosztola), ext. 11, (revue Sur Zone) n° 18, Bernard Chambaz, cinq poèmes, (anthologie permanente) Bernard Chambaz : "joindre - dans la phrase - ce qui se disjoint"