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" La trompette de Satchmo " Michèle Hayat

Publié le 11 janvier 2020 par Assurbanipal

Editions Ecriture. Paris. 2020. 207 p. 18€.

Lectrices Hot, lecteurs Swing, je vous ai déjà chanté les louanges du Roi du Jazz Louis Armstrong (1900-1970) sous plusieurs formes:

- une leçon de Jazz d'Antoine Hervé, " Louis Armstrong, l'invention du Swing "

- un roman policier de Michel Boujut, " Souffler n'est pas jouer ".

- un album hommage d'Eric Le Lann (trompette), " Thanks a Million ".

- un concert de soutien aux troupes en 1944, " Louis Armstrong at the Esquire All American Jazz Concert "

- un concert hommage en 2019 organisé par Couleurs Jazz Radio, radio sur laquelle je sévis le vendredi et le dimanche à 1h et 18h (heure de Paris).

Louis Armstrong était chrétien, haut dignitaire franc-maçon et ne quittait jamais un collier avec l'étoile de David. Le christianisme c'était son éducation. La franc-maçonnerie, c'était sa façon d'aider son peuple (Lorsqu'on lui demanda pourquoi il ne manifestait pas pour les droits civiques, il répondit qu'il ne voulait pas prendre le risque qu'un flic blanc lui casse les dents . Comment jouerait-il et chanterait-il après?). Le judaïsme, c'était la religion du couple Ester et Morris Karnofsky qui fit son éducation à La Nouvelle-Orléans.

C'est cette histoire de double éducation, dans sa famille biologique noire protestante et sa famille adoptive blanche juive que raconte Mme Michèle Hayat dans son premier roman " La trompette de Satchmo ".

En s'inspirant de faits réels, Mme Hayat la recrée et la fait vivre de façon saisissante. J'ai lu son livre d'une traite. Je ne suis ni Noir, ni Juif, ni Protestant, ni originaire de Lituanie comme les Karnofsky. Je n'ai jamais mis les pieds à La Nouvelle Orléans. Pourtant, je me suis senti chez moi en lisant ce roman. Signe de sa qualité à mes yeux.

Le Jazz est né d'un chant des déclassés, d'une volonté éclatante d'exister par la Beauté. Le minority factor comme disent les Américains. La musique des Noirs, des Italiens, des Tziganes et des Juifs. Les Irlandais ont juste apporté les pas des claquettes qui mêlent les danses irlandaises aux danses africaines.

Venus de Lituanie en Amérique pour fuir les pogroms tsaristes, le couple Karnofsky fait son trou dans la société de La Nouvelle Orléans, à la frontière entre Blancs (ils le sont mais ne sont ni Anglo-Saxons ni Protestants) et Noirs (ils ne le sont pas mais reconnaissent dans les lynchages les mêmes persécutions sanguinaires que les pogroms de l'Empire russe). Ils ont deux fils: David meurt à La Nouvelle-Orléans et Nathan part en Palestine pour faire vivre l'idéal sioniste.

Morris travaille beaucoup (il est brocanteur) et Ester s'ennuie en femme seule au foyer. Elle est trop sage pour prendre un amant alors elle prend sous son aile un petit garçon qui déborde d'énergie et d'intelligence, Louis Armstrong dit Satchelmouth ou Satchmo en raison de ses grosses lèvres (ses confrères musiciens, eux, l'appelaient " Pops " d'où le " Goodbye Sweet Pops " d'Archie Shepp, enregistré après la mort de Louis Armstrong, par exemple). Louis Armstrong sèche l'école pour aller écouter King Oliver (1885-1938), celui qu'il surnommait " Papa Joe ". Il finit même en maison de correction à 13 ans pour avoir tiré des coups de feu en l'air un soir de fête à La Nouvelle-Orléans.

Louis Armstrong n'a pas eu de père ( Papa was a rolling stone. Wherever he laid is hat was his home comme le chantent si bien les Temptations) mais il a eu deux mères, Mayan et Ester. Les deux femmes se connaissaient, s'appréciaient et se partageaient la tâche d'élever un génie. C'est ce que raconte Michèle Hayat avec les difficultés de vie des Juifs venus de Russie en Amérique pour échapper à leur condition sociale mises en parallèle de celle des Noirs d'Amérique qui ne sont plus légalement esclaves mais qui restent traités comme des êtres inférieurs. Au procès de Nuremberg, les dignitaires nazis répondirent au magistrat américain qui leur reprochait leurs lois anti juifs, anti tziganes, anti tout ce qui n'était pas Allemand et nazi, qu'ils n'avaient fait que reprendre et adapter au Reich les législations des Etats du Sud des Etats-Unis des Amériques contre les personnes de couleur.

Malgré les lois, les préjugés, les déterminants économiques et sociaux, le génie de Louis Armstrong a éclaté à la face du monde et y brille encore. C'est la construction de ce génie que raconte avec amour et empathie Mme Michèle Hayat dans " La trompette de Satchmo ". Grâces lui en soient rendues. Puisse ce roman propager le même message d'amour et de tolérance que la voix et le chant de Louis Armstrong.

La fuite de Moïse et des Hébreux hors d'Egypte (Livre de l'Exode dans l'Ancien Testament) est un message très parlant pour les descendants d'Africains transportés comme esclaves en Amérique. D'où ce fameux gospel " Go down Moses ". Cf extrait audio au dessus de cet article.

Puisque cette histoire se passe à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, aux Etats-Unis d'Amérique, vous trouverez dans la vidéo ci-dessous, lectrices Hot, lecteurs Swing, Billie Holiday chantant " Do You know what it means to miss New Orleans ? " accompagnée par un groupe de Maîtres du style New Orleans Jazz, Louis Armstrong (cornet), Kid Ory et son Creole trombone, Barney Bigard (clarinette). A rapprocher du Psaume 137 ( ou 136) du Livre des Psaumes: " Si je t'oublie O Jérusalem, que ma main droite se dessèche... "


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