Sarkozy est tout, sauf fou !

Publié le 18 juillet 2008 par Guy Deridet
« Et si Nicolas Sarkozy se fichait royalement de sa popularité ? » Cet article paru le 5/7 dans Libé m'a interpelé profondément. En effet, si tout le monde s'accorde à dire que Sarkozy est obsédé par les sondages comment ne pas être frappé par le fait que depuis le début de son mandat il a tout fait pour être impopulaire ?

Tout le monde glose sur l'omniprésence du président et, surtout depuis sa chute dans les sondages, tout le monde se gausse de la façon qu'il a de s'occuper de tout, de court-circuiter son premier ministre, et même ses ministres.

Certains ont résolu la question ; Sarkozy est fou. C'est l'opinion de JFK : Sarkozy est un malade mental. En revanche son épouse, récente, mais qui s'y connait un peu en hommes, a déclaré tout à fait sérieusement que Sarkozy a 6 cerveaux ! Cette dame étant tout sauf idiote, et tout de même aux premières loges, il vaudrait mieux ne pas négliger son opinion.

A propos de l'omniprésence du président si on veut bien regarder tout ce à quoi il s'est attaqué depuis à peine un an on ne peut qu'être impressionné. Essayons de résumer toutes les domaines dans lesquels il est intervenu, et j'en oublie certainement :

Les 35 heures et la gestion des heures supplémentaires. But : que les français travaillent plus pour que les entreprises les paient moins. Résultat : les 35 heures sont enterrées. Et les heures supplémentaires couteront beaucoup moins cher aux entreprises.

Le financement des chaînes de Tv publiques. But : leur coupe l'accès à la publicité, officiellement pour des raisons de salubrité publique, mais en fait pour mieux les étouffer. Et ce faisant rendre service aux chaines privées, et surtout à M. Bouighes. Résultat probable : la mort programmée des chaines publiques, je suis prêt à prendre les paris.

Les cadeaux fiscaux aux plus favorisés ; ça a commencé par le paquet fiscal, continué avec le bouclier fiscal, sans parler des aides publiques aux entreprises (plus de 65 milliards de cadeaux en tous genres depuis quelques années) Résultat : les riches sont de plus en plus riches, et/parce que les pauvres sont de plus en plus pauvres.

Les autoroutes devenaient (enfin) rentables. On les a livrées, clés en mains, au secteur privé. Le mouvement a été certes lancé par les gouvernements précédents mais Sarkozy a mis la dernière main à l'opération. Résultat : Il n'y a plus d'autoroutes publiques en France. Merci pour eux !

Les hôpitaux, et la santé en général ; les hôpitaux publics sont au bord de la banqueroute, de plus en plus de médicaments sont dé remboursés, les médecins conventionnés appliquent les tarifs qu'ils veulent sans aucune sanction ni réprimande, des franchises ont été mises en place qui ne manqueront pas d'augmenter avec le temps. Résultat : la privatisation du secteur de la santé est en bonne voie.

Le droit de grève : ne cesse d'être attaqué par Sarkozy ; dans les transports publics il est désormais bien « encadré » Dans l'enseignement on demande aux mairies de remplacer les fonctionnaires en grève. Résultat : de plus en plus de secteurs autrefois gérés par l'État sont transférés au privé (cantines scolaires par exemple) Les personnels de service ont déjà été transférés aux collectivités locales.

L'enseignement : Outre la tentative de s'opposer au droit de grève des enseignants une profonde réforme des contenus est actuellement en cours. Le but : on n'apprend plus à penser, on apprend à s'insérer dans la société. Résultats très encourageants ; avec le concours actif de la publicité et de la TV à jet continu, les générations montantes ne remettent plus en cause le modèle de société qu'on leur propose; ils ne lisent plus, ne savent plus écrire, n'ont de culture que télévisuelle et publicitaire et n'ont qu'une idée en tête : travailler plus pour gagner plus ! Je parle évidemment d'un point de vue statistique, et j'ose espérer qu'il y a des exceptions.

La RGPP : Régression générale des politiques publiques. Mine de rien, et dans l'indifférence générale, Sarkozy est en train de redessiner à marche forcée toute la carte administrative de la France. Ce qui, vu l'histoire de notre pays, n'est pas rien ! Si le but officiel et louable est de simplifier l'administration française le résultat effectif est de livrer l'investissement public (en attendant la gestion directe des services) au secteur privé. Le grand truc en ce moment ce sont les P.P.P = Partenariat Privés Publics. Exemple : il faut construire une prison, l'État n'a plus de sous, c'est le privé qui va investir et l'État paiera à crédit pendant 25 ans. Avantages : pas d'autorisation à demander à qui que ce soit, pas de planification des années à l'avance, tout passe en frais de fonctionnement, donc ni vu ni connu, du moins dans un premier temps. Le privé est ravi ; il est largement au delà des 15 % obligatoires de rendement. Résultat ; vous allez voir que très bientôt, comme aux USA, les prisons vont devenir plus que rentables.

Les privatisations continuent à tour de bras. Admirez le travail de l'artiste : Je déclare à tout le monde que la privatisation d'Edf et Gdf ne se fera pas de mon vivant. Je privatise Edf et Gdf. Et enfin, je livre Gdf, ex entreprise publique à Suez, entreprise privée, sur un plateau ! Résultat : quand ils auront vendu tous les bijoux de famille la France, et les français, n'auront plus que leurs yeux pour pleurer.

La justice, l'armée : toujours dans le but officiel de faire des économies, la carte de France des tribunaux et des régiments, comme celle des hôpitaux, est en plein bouleversement. Comme l'a dit élégamment l'ineffable Morin ; l'armée n'est pas là pour faire de l'aménagement du territoire. Si certaines villes, comme Mourmelon, crèvent après le départ des militaires, ce n'est pas le problème de M. Morin. L'aménagement du territoire il y a des sous-sous-secrétaires d'Etat pour ça !

Le droit du travail : modifié considérablement, et ce n'est qu'un début. But : faciliter la vie des entreprises, et rendre la vie plus difficile aux chômeurs. Dernière initiative en date : les chômeurs ne pourront plus refuser les « emplois » qu'on leur propose, même s'ils sont payés moins chers, même s'ils doivent se déplacer au diable et même s'il s'agit d'un emploi précaire ! Autre astuce : L'Unedic (florissante) est l'Anpe (exsangue) sont fusionnés : officiellement pour faciliter les démarches des chômeurs (Ouaf, Ouaf !) en fait pour « rationaliser » leur indemnisation. En français de tous les jours « rationaliser » c'est réduire. Je vous renvoie à l'excellent dessin paru, entre autres, sur ce site qui disait « Chérie! Y a plus de code du travail dans les toilettes ! » Cela me parait assez bien résumer la situation.

La gauche : elle a été proprement atomisée par Sarkozy. Il n'y a plus de gauche en France ; il ne reste plus que quelques éléphants, et une biche aux abois. Même lorsque son approbation est indispensable, comme avec la loi constitutionnelle qui doit être votée très prochainement en Congrès par le parlement, il n'est pas sûr que la gauche ne se couche pas devant Sarkozy. De toute façon dans le Kamasoutra un congrès c'est un coït, et dans un coït, il y a, au moins...un baiser.

La presse, et les médias en général, sont aux ordres. Bien sûr, pas directement, mais de façon indirecte. On n'écrit pas du mal de Sarkozy (à part Marianne et le Canard) parce qu'on a peur de Sarkozy. Ou de ses chefs qui ont eux même peur, avec raison, de Sarkozy. Si on se préoccupe de sa carrière, et par les temps qui courent il vaut mieux ne pas se retrouver chômeur, on s'autocensure. Et qu'y a-t-il de mieux accepté qu'une censure qu'on s'impose soi même ? Il n'y a plus de ministre de l'information mais c'est pire ; les journalistes et les gens des médias ont tous un Peyrefitte dans la tête. C'est pour ça qu'ils ont l'air coincés. Au demeurant la réforme en cours, en faisant dépendre le financement des chaines publiques du seul pouvoir, avec nomination directe des présidents par Sarkozy, va encore contribuer à diminuer toute velléité de rébellion, s'il en restait encore.

Au final si on considère dans son ensemble le tableau des réformes entreprises,l a plupart avec succès, on ne peut qu'être impressionné. D'autant que, ce faisant, Sarkozy, s'est quand même mis à dos :

Les fonctionnaires et assimilés
Les militaires
Les enseignants
Les magistrats
Les syndicats
Et les 68% de français, selon les derniers sondages !

On peut donc raisonnablement penser :

1/ Que Sarkozy est tout ce qu'on veut sauf fou !

2/ Qu'effectivement en politique si vous voulez changer les choses il ne sert à rien d'être bien placé dans les sondages. Bien au contraire ! Plus vous êtes mal placé et plus vous pourrez faire bouger les lignes dans le sens où vous l'entendez.

Ce qui pousse quelqu'un comme Sarkozy c'est moins la volonté de plaire (il adorerait mais ce n'est vraiment pas possible) ce qui le pousse, comme tous les hommes de pouvoir, mais chez lui à un point rarement atteint à ce jour, c'est effectivement la volonté de puissance. Peser en permanence sur les hommes et sur les évènements, c'est son pied à lui. Si l'on considère son tableau de chasse, de son point de vue, et de celui des amis puissants qui le soutiennent, il ne s'est pas mal débrouillé jusqu'à présent.

Question : comment quelqu'un qui a si profondément ancré le goût du pouvoir pourra-t-il s'en passer en 2012 ?

L'exemple de Bush devrait nous faire réfléchir. On le disait idiot et incompétent, mais les américains l'ont réélu tout simplement parce qu'il apparaissait comme l'homme le plus puissant du monde. A mon humble avis, si Sarkozy continue pendant 4 ans encore, au rythme qui est le sien, à cadenasser tout ce qui peut lui faire ombrage et à livrer la France aux mains des intérêts privés, les français vont se retrouver en 2012 avec le choix suivant : Sarkozy ou... rien ! Impressionnant retournement de situation. Avant son élection c'était : tout sauf Sarkozy! Après un seul mandat ce sera : Sarkozy ou rien !
Le drame c'est qu'on n'a jamais vu «rien» gagner une élection !


N.B
Si d'aucun décelaient, chez le vieil opposant à Sarkozy que je suis, une fascination suspecte, je leur répondrais que j'éprouve actuellement pour Sarkozy la fascination qu'on peut éprouver devant un cobra. En d'autres termes si je suis impressionné par l'ampleur de ses résultats, je déteste son œuvre. Et je vous encourage vivement à ne plus, à l'avenir, sous estimer cet homme, à mon avis, dangereux pour notre pays.










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