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L’affaire Pierre Rabhi expliquée en 3 minutes

Publié le 01 octobre 2018 par Ecosapiens
  1. Un journaliste indépendant, qui a réalisé auparavant de bonnes investigations pour dénoncer l’agro-business, fait une enquête sur Pierre Rabhi, le célèbre paysan philosophe de l’Ardèche. Ce vieux sage représente une certaine mouvance de l’écologie, plutôt centrée sur la spiritualité avec un mot d’ordre « se changer soi pour changer le monde ».
  2. Il publie cela dans le Monde Diplomatique, journal indépendant (mais filiale du Monde) anti-libéral. Il y révèle des choses… enfin des choses déjà connues, à savoir :
    1. son héritage intellectuel lié à sa religiosité et à sa philosophie anti-moderne et anti-Lumières
    2. ses incohérences à dénoncer les « salopards qui ne pensent qu’au profit » tandis qu’il accepte volontiers les invitations du Medef et de grands patrons.
    3. ses proximités avec les milieux à tendance ésotérique voire sectaire.
    4. ses revenus confortables liés à ses droits d’auteur et ses conférences.
  3. Des gens s’offusquent : « ca alors, Pierre Rabhi a des incohérences, c’est un être complexe, et il gagne de l’argent ».
  4. Parmi les anticapitalistes, deux camps multi-séculaires s’affrontent : les tenants de la lutte des classes qui veulent des solutions collectives ; les tenants de l’individualisme colibriesque « chacun fait sa part ».
  5. Chez les capitalistes on rigole bien. Même si on apprécie ce type qui faisait de l’écologie inoffensive pour eux en appelant à la sobriété heureuse.
  6. Chez les « bien pensants de gauche comme de droite mais en tout cas anti-écolos » on se défoule et on crie à la supercherie.
  7. Ah ! On me signale un journaliste écologiste, très offensif et renseigné sur les questions environnementales, l’impeccable Fabrice Nicolino. Il remet son jeune confrère en place « En défense de mon ami Pierre Rabhi« .
  8. Ah ! Et aussi la journaliste enquêtrice de Monsanto, Marie-Monique Robin, qui vient défendre Rabhi et met les points sur les i à propos de la biodynamie.
  9. L’impayable site « Conspiracy Watch » épingle un des fils de Pierre Rabhi pour ses penchants complotistes. Et déplore que le père ne se désolidarise pas des propos de son fils. Comme un parfum vieilli de Pierre-Antoine Cousteau, le frère maudit et ouvertement antisémite du célèbre commandant bien aimé (même s’il massacrait à tout va les océans. Décidément ce monde est complexe..).
    En tout cas, la chasse aux sorcières est définitivement ouverte.
  10. Mais au fait… toutes ces choses là n’ont-elles pas déjà été dites, redites, et ressassées à l’envi ?
  11. Comment on change le monde ? Avec des grèves ? Ou en cultivant seul son potager ? Le chômeur ne devrait-il pas tenter lui aussi l’aventure ardéchoise plutôt que de vouloir ranimer les syndicats banlieusards ?
  12. On me souffle que toutes ces questions , quoique pertinentes, sont un peu usées.
  13. On me souffle qu’au salon Marjolaine, il y a des gens formidables… et des vendeurs de breloques charlatanesques… On me souffle que le retour à la terre, ce fut de droite en 1940, et de gauche en 1968.
  14. On m’explique que le problème c’est le système. Pas l’individu.
  15. On m’explique ensuite que le problème, en fait, c’est l’individu. « Sois le changement que tu veux voir dans le monde » disait un certain Gandhi.
  16. « S’il ne reste le choix qu’entre la violence et la lâcheté, je préfère la violence » disait aussi Gandhi. Bigre  ! Lui aussi aurait quelques incohérences ?
  17. Dans les Lumières, il y avait le rationnel esclavagiste Voltaire. Et il y avait le naturaliste Rousseau. Déjà ça s’engueulait sévère…
  18. On me signale qu’un peu de nuances ne ferait pas de mal et que sur les résaux sociaux, cela se trouve chez Quitterie.
  19. [Ajout du 2 Octobre] : Quelques chiffres factuels (droits d’auteur, revenus des conférences…) viennent faire éclater les insinuations du journaliste. « Beaucoup de bruit pour rien« . On est bien d’accord !
  20. [Ajout du 8 Octobre] : comment ai-je pu oublier de mentionner le droit de réponse ?

Fin des 3 minutes. Vous n’êtes pas obligé de lire la suite 😉

Mon avis perso ?

Si vous cherchez des gens parfaits dans ce monde, au prochain karma, changez d’espèce animale…

L’affaire Pierre Rabhi expliquée en 3 minutes

Jean-Baptiste Malet a fait un bon boulot dans ses précédentes enquêtes. Dans celle-ci, il y a du factuel et un travail salutaire (quoique pas vraiment nouveau). Son interview est toute en nuances mais il ressort que de là où il parle (athée, rationaliste, progressiste), il est impossible pour lui de ne pas s’étouffer avec certains messages de Pierre Rabhi. Et quoiqu’il en dise, son parti pris transpire dans de nombreux sous-entendus (Pierre Rabhi aime le pouvoir, l’argent, a des idées pétainistes…). Et ces sous-entendus sont grotesques. Il lui reproche un moment de ne pas avoir de publication scientifiques à son actif pour les questions d’agriculture. C’est hors-sujet.

Pierre Rabhi est un vieux monsieur admirable. Un demi-siècle les séparent. C’est beaucoup. Et pourtant Rabhi est un visionnaire. Et pourtant Rabhi a des côtés réacs.

Moi aussi je pense que Rabhi gagnerait à être plus offensif. Et alors …?

Je me considère parfois comme un archéologue amateur de la pensée écologique.

Toute cette polémique, vous vous en doutez, m’a agacé non pas parce que je suis partisan de Rabhi (il n’incarne pas ma pensée, j’ai toujours trouvé la fable du colibri amphigourique… mais je me sens franchement ridicule par rapport à l’oeuvre de ce monsieur). Non cette polémique m’agace parce que « sous le soleil rien de nouveau ». Oui l’écologie n’est pas née d’une lecture de lutte des classes. Des passerelles existent mais au fond selon moi, les enjeux du Vivant dépassent de loin les enjeux de l’Histoire. Dit autrement : la matérialisme historique est un modèle plutôt efficace… mais on peut aussi changer de modèle…

Tenez, en 1992, peu avant avant la mort de Felix Guattari, le même Monde Diplomatique publiait ce texte, certes sibyllin, du penseur des « Trois écologies » qu’il appelle ecosophie : une écologie environnementale, sociale ET mentale.

Il est vrai qu’il est difficile d’amener les individus à sortir d’eux-mêmes, à se dégager de leurs préoccupations immédiates et à réfléchir sur le présent et le futur du monde. Ils manquent, pour y parvenir, d’incitations collectives. Or la plupart des anciennes instances de communication, de réflexion et de concertation se sont dissoutes au profit d’un individualisme et d’une solitude souvent synonymes d’angoisse et de névrose. C’est en ce sens que je préconise – sous l’égide d’un type d’articulation inédit entre écologie environnementale, écologie sociale et écologie mentale – l’invention de nouveaux agencements collectifs d’énonciation, concernant le couple, la famille, l’école, le voisinage, etc.

Voir de plus en plus grand. Et faire petit à petit.

Colibris Tatou


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