im Nebelspalter, September 1891
Karikatur im Schweizer satirischen Zeitschrift Nebelspalter, 26. September 1891. mit Bildunterschrift: "Triumph der Kunst / Lohengrin in Paris, trotz alledem und alledem."Caricature dans le magazine satirique suisse Nebelspalter du 26 septembre 1891, avec pour légende: "Triomphe de l'art / Lohengrin à Paris, malgré tout."
Guillaume II avec un porte-voix tonne au-dessus de la Tour Eiffel - Die Rede von Erfurt
Un mot d'explication sur la curieuse présence de Guillaume II en haut à droite du dessin. Il y est question du discours d'Erfurt, prononcé le 14 septembre septembre par l'empereur Guillaume II à l'occasion de manoeuvres dans cette ville. Voici comment Paul Degouy l'évoquait et le commentait dans le quotidien La Justice du 17 septembre 1891 :
Le discours d'Erfurt
Berlin, 16 septembre.
Le Moniteur de l'Empire publie le texte du discours prononcé avant-hier à Erfurt au dîner de parade. Il y est dit :
« Je me réjouis de pouvoir exprimer mon entière satisfaction. C'est une joie d'autant plus grande pour moi de passer en revue les vaillants fils de la Thuringe, de la Vieille-Marche et de la Saxe, que ce sol à une importance particulière pour nous, a cause des événements historiques qui s'y sont déroulés. « C'est dans cet endroit que le conquérant corse a surtout affligé les princes allemands et qu'il a le plu» profondément humilié notre patrie abattue. C'est alors que surgit dans l'âme de feu mon bisaïeul la pensée de la résistance à outrance, pensée qui aboutit au relèvement expiatoire de 1813.
Guillaume II a rappelé les manoeuvres qui ont eu lieu, il y a huit ans, devant son grand-père et a exprimé l'espoir que le corps d'armée se montrera semblable aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre. Il termine son discours par ces paroles :
« Je lève mon verre à la santé du quatrième corps d'année et de son chef- Vivat! »
LE TOAST D'ERFURT
Depuis quelque temps, l'empereur allemand broie du noir. Il y a de quoi. Il a été très éprouvé physiquement, moralement. N'insistons pas. Malheureusement, pour se donner du cœur au ventre, pour dissiper ses inquiétudes, il multiplie outre mesure les revues et les banquets. C'est ce que les hygiénistes appellent un régime très échauffant. Et le fait est que Guillaume s'échauffe. Or, comme cela arrive à tout le monde quand on s'échauffe ainsi, surtout après dîner, on dit des bêtises. Si la chose se passe entre vous et moi, cela n'a pas d'importance. Mais quand il s'agit d'un toast impérial, c'est une autre affaire.
L'autre soir,áh Erfurt, Guillaume a eu des mots particulièrement pénibles... pour lui. Ses convives devaient se regarder avec quelque inquiétude. C'était, comme qui dirait, un petit accès... Il faut avouer que le lieu s'y prêtait beaucoup. Erfurt rappelle à un Hohenzollern des souvenirs fâcheux. C'est là que Napoléon, à la prière de l'empereur de Russie, consentit à abaisser de 140 millions à 120 millions —en étendant les délais de paiement — la contribution de guerre dont la Prusse avait été frappée. C'est là que Talma jouait devant un parterre de rois. Le roi de Prusse n'avait pas été invité, mais il s'était empressé, le pauvre homme, de se faire représenter par son frère, le prince Guillaume ; c'est également dans les environs d'Erfurt, sur le champ de bataille d'Iéna, que Napoléon donna à tous les souverains d'Allemagne une fête célèbre... Le grand-duc de Saxe-Weimar eu faisait les honneurs, le sourire aux lèvres Il connaissait bien le terrain, le malheureux! Il y avait été battu à la tête d'une division prussienne ...
Le souvenir de tant d'humiliations et de tant de platitudes assombrissait forcément, l'autre soir, le front de l'empereur. Sou toast devait s'en ressentir. Il s'en est trop ressenti. Au lieu de puiser dans cette extraordinaire histoire de graves enseignements, l'empereur surchauffé n'en a tiré que des cris de rancune.
En évitant de prononcer le nom de Napoléon, en parlant dédaigneusement de ce « parvenu Corse » Guillaume II n'offense heureusement que ses ancêtres et son allié actuel, l'empereur François-Joseph... Ses ancêtres, parce qu'ils s’aplatissaient naguère devant leur vainqueur insolent... Son allié, parce que la Mère Maison d'Autriche ne dédaigna pas de glisser une de ses filles dans le lit de ce « parvenu ».
Et quand Guillaume II nous rappelle 1813, cela ne nous offense pas davantage. Nous savons, en effet, par une cruelle j expérience, que la Force est incapable de maintenir longtemps ce que la Force seule a fondé; nous savons ce que durent les hégémonies ; nous savons quelle est la fragilité des empires et des empereurs. Nous avons mis près d'un siècle à profiter de cette terrible leçon, c'est vrai. Mais la leçon en vaut la peine. Et, aujourd'hui, la France républicaine, maîtresse absolue de ses destinées, relit l'Histoire sans rancune et sans crainte, laissant à un jeune empereur la fatuité et la faiblesse de croire aux conquêtes éternelles, aux hégémonies et aux empires, quand, après boire, il porte la main à la garde de son épée.
Paul Degouy.
A noter que le toast d'Erfurt fut ressenti comme suffisamment offensant et inquiétant que d'aucuns songèrent à faire annuler les représentations Lohengrin parisien de septembre 1891.