(Note de lecture) Des poèmes comme des îles, de Pierre Lartigue, par Alain Lance

Par Florence Trocmé

Un heureux concours de circonstances s'invite parfois dans la vie éditoriale. Au printemps dernier, j'avais reçu un courriel d'un libraire de la région lyonnaise qui s'apprêtait à créer une maison d'édition. Il m'écrivait être tombé sur mon livre Fantômémoires, paru peu auparavant chez Tarabuste, et en y lisant le texte en hommage à Pierre Lartigue, il avait retenu ces lignes : « J'aimerais qu'un éditeur rassemble et publie les poèmes de cet "enchanteur du verbe"comme l'a si bien qualifié Claude Adelen, poèmes éparpillés dans de trop rares ouvrages ou dans des revues. » Et ce futur éditeur, Alain Chassagneux, me proposait de rassembler ces poèmes et de les présenter pour sa maison d'édition sur le point de naître. Convaincu que Claude Adelen était le poète le plus qualifié pour opérer ce choix et le présenter, je le lui proposai. Il accepta et le livre vient de paraître ! Il est composé de neuf sections, pas forcément par ordre chronologique, chacune d'elles étant située comme une île dont les coordonnées nord et ouest sont indiquées en heure, minute et seconde...Les poèmes sont tirés de différents livres de Pierre Lartigue, mais aussi publiés en revue, ou inédits. Claude Adelen évoque dans son éclairante préface sa découverte de la poésie de Pierre Lartigue quand Aragon réunit sur la scène du théâtre Récamier, en décembre 1965, plusieurs poètes de la nouvelle génération: Jacques Garelli, André Libérati, Maurice Regnaut, Jacques Roubaud, Bernard Vargaftig et Pierre Lartigue, auquel Aragon avait écrit :"Je persiste à penser que vous êtes un des très rares poètes qui comptent aujourd'hui et qui compteront demain. Les gens le savent-ils ? Cela ne restera pas toujours un secret. Ces poèmes sont simplement très beaux." Ce livre va permettre, je l'espère, de découvrir ou redécouvrir la richesse d'une poésie toujours chantante, même lorsqu'elle est savante. Et voici, pour invitation, une chansonnette octosyllabique de ce poète qui maîtrisait si bien la sextine :
RER
La tour Eiffel est la bergère
Et les nuages, les moutons.
Ri et Ron petit patapon.
Il pleut comme il pleut en hiver
Et nous voyons du RER
Le piéton qui passe le pont
Serrant contre lui son imper.
Est-ce Guillaume Apollinaire?
Il désirait en sa maison
Une femme ayant sa raison
Quelques livres et des chatons.
Un jour, il préféra la guerre.
Ri et Ron petit patapon.
Restent la tour et la bergère
   Les nuages, les moutons,
   La pluie sur le RER.
Alain Lance

Lire ici deux autres extraits du livre.
Pierre Lartigue Des poèmes comme des îles. Préface de Claude Adelen. Sous le Sceau du Tabellion, 2019, 132 p., 15€.