Roger-Arnould Rivière – J’étais tout criblé de lumière…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

J’étais tout criblé de lumière
et mes doigts allègres ne connaissaient point
les statues ni les hommes
mais cherchaient le contact immense
des coquillages sur des plages de lune
ou bien bouclaient les morts
de cétoines de l’azur
dans les épis barbus qui scintillaient
de mille espèces d’yeux
une rosée furtive posait ses lèvres
innombrables sur mes pieds agiles
et ma joue fraîche n’avait de rougeur
que celle de la pomme
je me baignais dans la lumière

Or un jour
dans les rameaux malades de la pluie
et la séduction de ton pied nu
me dit les pas du temps
écartées tes cuisses ombreuses
me furent les tenailles du désir
et sur ton visage où vint se perdre
la libation des eaux du ciel
se creusèrent les ornières
de la souffrance et de l’affliction
où mes yeux se consumèrent

Je t’ai dédié la fêlure de mon âme
mais je ne connais plus la lumière

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Roger-Arnould Rivière (1930–1959)Poésies complètes (Guy Chambelland, 1963)