Dans les journées sang et lait
Pain de sucre, cannelle en bâtonnets
jadis d’azur embaumaient
devant les portes par l’au-delà,
envoûtant de promesses fantomales.
Aux soirs de rouge nudité
spectralement ils flottaient,
enflant comme géants,
s’ensorcelaient les Où et Quand.
Tour des idoles à pierres tombales
suie de sorcières et leur algèbre,
l’incurvée coupe de cinnamome
barque sacrée à vergue et bôme,
enterrés pour l’éternité
sous un blanc pain de sucre,
nous y avions cédé
dans les journées sang et lait.
Bruns bâtons de cannelle mûrissant,
bosquet à réglisses les enlaçant.
Pour autant les creuses pipes friables
d’amer en âcre s’effritent.
Source : Oskar Loerke : Atem der Erde, Berlin 1930. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
In den Tagen Milch und Blut
Zuckerhut und Zimmetrohre
Rochen damals vom Azur
Aus dem Jenseits dicht am Tore
Voller Bann und Geisterschwur.
In des Abends roter Blöße
Schwebten sie gespenstisch an,
Wuchsen aus zu Riesengröße,
Magisch wuchsen Wo und Wann.
Götzentürme, Gräbermale,
Hexenqualm und -Algebra,
Und die krumme Zimmetschale
Zauberschiffes Spriet und Raa.
Immer bleiben sie begraben
Unter weißem Zuckerhut,
Denen wir gehorsamt haben
In den Tagen Milch und Blut.
Braune Zimmetrohre reifen,
Süßholzhaine, um sie her.
Doch die hohlen mürben Pfeifen
Bröckeln, bittern immer mehr.
Source : Oskar Loerke : Atem der Erde, Berlin 1930.
*
Manège
Comme un vent insufflant la chevelure
qui déjà jouet du rêve ondulait,
bourdonnant il tourbillonne.
Une torpeur me désoriente
et tambourine à la magie vouée
une marche de cavalcade bigarrée.
Lanternes tournoyantes enluminent
cavaliers barbus qui me restent inconnus.
Chaude éclaboussure l’écume des dentures,
sauvages les chevaux surplombent les cygnes,
gueule traque gueule.
Se boursouflant les animaux pâlissent,
des arbres transparaissent derrière une eau,
un jardin qui pourchasse, enchevêtrement vert.
Qui me crochète aux jambes,
râcle dans les cordages.
Déserts aux grands yeux de jument
qui éblouissent, absorbent
m’arrachant à chair et présent.
Emportés à tous vents les passagers,
tandis que trompettes et limonaire
embrasent mon galop.
Le marchepied s’érode aux pierres,
leurs chemins me sont inconnus.
Sur nous s’abattent des corbeaux et s’enfuient,
ludionnent vides les selles d’enfants,
les sacoches sans provende.
Montagne qui sombre entre alpages et glaciers,
tourniquent les savanes et derrière palmeraies
dégringole du ciel le bleu dans la mer :
sur un versant infini éclate
une armée d’ombres aux chardons brillants.
Ces ombres sur la montagne aux chardons
étaient auparavant cavaliers, nautoniers.
Des étoiles pointues les éclairent
plus nettement : inconnus ils demeurent.
Source : Oskar Loerke : Atem der Erde, Berlin 1930. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
Das Karussell
Wie Windes Anhauch in den Haaren,
Die schon Gespiel des Traumes waren,
Schwirrt es vorbei.
Dann bin ich an den Schlaf verloren,
Und in mir paukt, magieverschworen,
Ein Marsch der bunten Reiterei.
Kreisende Laternen bescheinen
Bärtige Reiter, ich kenne keinen.
Warm trifft mich Schaum der Zähne,
Wild überholen Pferde Schwäne,
Maul hetzt an Maul.
Aufschwellend werden die Tiere blasser,
Die Bäume scheinen wie durch Wasser,
Der Garten jagt, ein grüner Knaul.
Es greift mich an den Beinen,
Es schleift mich in den Leinen.
Die Wüsten großer Stutenaugen
Blenden, saugen
Mich fort aus Fleisch und Gegenwart.
Alle Passagiere verwehten,
Aber Orgel und Trompeten
Befeuern mir die Fahrt.
Das Trittbrett schleift an Steinen,
Ich kenne der Wege keinen.
Uns fliegen Raben an, entschlüpfen,
Die leeren Kindersättel hüpfen,
Die Taschen ohne Reisezehr.
Gebirge sinkt mit Eis und Almen,
Savannen drehn, und hinter Palmen
Rollt himmelab das Blau ins Meer:
Am Hang der Unendlichkeit bricht
Ein Schattenheer Disteln aus Licht.
Die Schatten am Distelberge
Waren eben noch Reiter und Ferge.
Zackige Sterne bescheinen
Sie heller: ich kenne keinen.
Source : Oskar Loerke : Atem der Erde, Berlin 1930.
*
Chrysanthèmes
Lors cette glaiseuse draperie de ciel moite
recouvre un fils qui a perdu son monde,
derrière vitrage kyrielle de chrysanthèmes –
rêve du soleil - il y aborde.
Mais vous me pénétrez, déracinés, coupés,
têtes blanc laineux et marron pâle,
par masques blêmes et gestes froids encerclés
où des lis rouge feu sculptent des labyrinthes.
Grouillement dense depuis la neige noire des villes
qui nourrissent masses de mots incompréhensibles ;
ainsi sur vous je me courbe et sarcle
les fanées feuilles cerfvolantes de vos tiges.
Elles m’ont transporté vers mon île de naissance
quand leur queue de dragon en ma main se brisait.
Sur le volcan un pinceau gris montait
mené d’un esprit vaste parlant aux étoiles.
S’interrompant il s’étendit,
en dénuement d’un bon ou mauvais,
aucune composition ne prospérait
car intemporelle elle était aboutie.
Son œil : « Tu rêves insecte-dragon
humain, ta sueur est pesante,
demeure outre-mer. Aucune marine
qui ne disparaisse dans l’océan évanoui.
Aux récifs funestes craquent barques vides,
des rouleaux de vagues claquent les proues
noyant les crocs de la Grande Ourse
dans un perpétuel austère regain. »
Depuis la ville j’entends la rumeur de vie
fuir vers le soir, mais quand elle retient souffle
résonne au loin, frileux et par à-coups,
un son du chant des chrysanthèmes.
Source : Oskar Loerke : Atem der Erde, Berlin 1930. Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
Chrysanthemen
Nun dieses Himmelslaken feucht und lehmen
Bedeckt den seiner Welt verlornen Sohn,
Stehn hinter Scheiben zahllos Chrysanthemen –
Ein Sonnetraum – und er betritt ihn schon.
Ihr drängt in mir, verpflanzt und abgeschnitten,
Die Köpfe wollig weiß und fahl und braun,
Umringt von bleichen Masken, kalten Sitten,
Wo Feuerlinien Labyrinthe baun.
Dicht wimmelt es im schwarzen Schnee der Städte,
Sie haben Worte unverständlich viel;
Ich neige mich auf euch hinab und jäte
Verwelkte Blätterdrachen euch vom Stiel.
Die trugen mich nach unsrer Heimatinsel,
Indem ihr Schweif in meiner Hand zerbrach.
Dort vom Vulkan hob seinen grauen Pinsel
Ein großer Geist, der mit den Sternen sprach.
Und er hielt ein und lag auf seinem Rücken,
Der guten wie der bösen Werke bar,
Und alles Planen wollte ihm nicht glücken,
Weils schon vollzogen und vollkommen war.
Da sah er mich. »Du träumst. Der Drachenmotte,
Du Mensch«, so sprach er, »war dein Schweiß zu schwer.
Bleib übersee. Und es gibt keine Flotte,
Die nicht verschölle im verschollnen Meer.
An Todesfelsen hacken leere Kähne,
Die Wellenkreise klappern bugentlang,
Dem Großen Bären wässern sie die Zähne
In unaufhaltsam ernstem Weiterdrang.«
Ich höre durch die Stadt das Leben brausen
Dem Abend zu, doch wenn es Atem zieht,
Ertönt von fern, verschämt, in Pausen
Ein Klang aus einem Chrysanthemenlied.
Source : Oskar Loerke : Atem der Erde, Berlin 1930.
Choix et traductions inédites de Jean-René Lassalle
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