Une sélection, sans aucun classement, de plats qui ont nous ont marqué au cours de cette année 2019. Ce genre de plats qui dès la première bouchée vous éblouissent et vous étonnent mais surtout vous régalent. Ces assiettes qui provoquent le silence à une table, puis le sourire et enfin le bonheur d’être en face d’une sorte de chef d’œuvre.
Originalité, classicisme, créativité, tradition, esthétique, savoir-faire, talent, tous ces plats sans exclusive ont donné, donnent, ou donneront un plaisir particulier et éclatant à tous ceux qui les goûteront.
Poireaux Vinaigrette
Restaurant : La Table du 53 (Paris)
Chef : Hideki Nakamura
L’archi-classique Poireaux vinaigrette, battu et rabattu, massacré joyeusement dans la plupart des brasseries, gargotes, et autres bistrots faussement traditionnels, est ici quasiment sublime et d’une originalité qui le fait revivre dans notre palais ébahi. Le chef ne travaille que les blancs en une cuisson parfaite, pas croquante comme tous les faux suiveurs de mode, mais fondants, un émincé d’oignons citronnés et amandes, et une vinaigrette dite au vin rouge d’un goût exquis. En fait, le chef rajoute quelques gouttes de jus de raisin dans le vinaigre de vin rouge. Eblouissant.
Ris de veau croustillant en écailles de chataignes, salsifis farcis, jus de veau à la reine des près.
Restaurant : Laurent (Paris)
Chef : Justin Schmitt
Un Ris de veau d’anthologie, n’ayons pas peur des mots, grâce à une cuisson diabolique, doré et glacé à l’arrivée, un accompagnement qui le met en valeur comme cette mousseline fine de chou fleur au sésame noir, et un jus à la fève de tonka légèrement épicé qui allie puissance et finesse et qui rehausse le ris au lieu de l’envahir. Petit chef d’œuvre.
Vol-au-Vent
Restaurant : Café des Ministères (Paris)
Chef : Jean Sévègnes
Il réalise ce petit chef d’œuvre pratiquement toute l’année adaptant le contenu à la saison. En été, il emplit son feuilletage d’une légèreté diabolique (il doit voler au vent…) de homard breton, ris d’agneau, champignons et épinards. Une merveille de goût, de chaleur, de beauté et cette légende qui revit enfin, magnifique quand elle vous arrive sur l’assiette.
L’œuf parfait, carottes, lard
Restaurant : Anona (Paris)
Chef : Thibault Spiwak
Thibaut Spiwack, le jeune chef du nouveau restaurant Anona, n’y va pas par quatre chemins : « Je suis sans aucun doute le restaurant le plus écologique de toute l’Île de France ! ». La carte est actuelle, dans les produits utilisés, les alliances gentiment décalées et surprenantes, sans pour autant déstabiliser. Elle est chic, travaillée, intelligente et appétissante.
Le meilleur exemple de son travail est sans doute L’œuf parfait, posé sur un confit d’oignons, oignons frits, carottes, lard, et une touche de cèleri. Construction impeccable, saveurs en harmonie, du grand art.
Saint-Jacques, poire Williams, radis
Restaurant : Agapé (Paris)
Chef : Benoit Dumas
Chaque année, au bout d’un certain temps, on en a un peu marre des Saint-Jacques. On les a eu pochées, crus, en carpaccio, en salade, grillées, et tutti quanti. Quelques réticences naturelles de les voir annoncées sur la carte mais, O divine surprise ! ou confirmation que les idées et le talent renouvellent les sens épuisés ou tout au moins lassés. Elles viennent de Morlaix, noble lignage, et sont confrontées gentiment à un peu d’acidité (citron de Menton) confit), un fruit doux (poire Willams), et un poil de crunchy (radis). L’ensemble est d’un équilibre parfait dans les saveurs contrastées mais où chacun met en valeur son voisin. Joli coup…
Crémeux Bergamotte
Restaurant : Substance (Paris)
Chef : Matthias Marc
Tour et détour autour de la cuisine de Matthias Marc, ce jeune chef d’à peine 26 ans qui fait se pâmer le Tout Paris qui mange et qui pétille.
Devant l’embarras du choix de plats toujours surprenants et convaincants, optons pour un dessert qui est déjà son classique. Un dessert éblouissant grâce à la passion du chef pour le Crémeux bergamote, une meringue au poivre long et un sorbet oseille pour un jeu de trois couleurs et trois saveurs réussies à la perfection.
Omble de fontaine, absinthe, cassis
Restaurant : Hostellerie du Chapeau Rouge (Dijon)
Chef : William Frachot
Soyons clair, un repas chez William Frachot est une expérience qui marque et que l’on n’est pas près d’oublier. Originalité, créativité, découverte, mais aussi des saveurs ancrées dans le terroir qui l’entoure et qu’il exprime avec une force et une finesse qui n’appartient qu’à lui. Sa région, la Bourgogne, est omni présente, illustre et définit les plats, mais interprétée et revisitée par le talent de William Frachot.
Suivent deux plats absolument superbes tant dans l’idée que dans la parfaite réalisation à la fois complexe et limpide. Du grand art ! Un Omble de fontaine, absinthe et cassis. Un plat riche et épuré, une complémentarité en harmonie parfaite, un festival de saveurs tout en finesse, avec toujours ce rappel de la Bourgogne, que l’on retrouve d’ailleurs tout au long de la carte par un point, une virgule parfois, un clin d’œil, une évidence, mais toujours là.
Filet de bœuf clouté à la truffe noire et au lard de Colonnata
Restaurant : La Table de Franck Putelat (Carcassonne)
Chef : Franck Putelat
On ne se lasse pas de son plat-signature. Certes, on ne le mange pas toutes les semaines mais on pourrait. Pour mémoire : Filet de bœuf clouté à la truffe noire et au lard de Colonnata, bœuf-carotte, jus tranché, tagète, cette fleur qui s’utilise un peu comme un bouquet garni. On a tout dit sur ce plat génial, généreux, plein de saveurs marquées mais aussi de finesse, une viande d’exception attendrie par le lard et relevée par la truffe, bref un petit chef d’œuvre !
Brouillade aux truffes
Restaurant : Le Relais de la Poste (Magesq)
Chef : Jean Coussau
Un petit déjeuner devant la cheminée et dans la fraicheur d’un matin des Landes. Soudain, le chef a une hallucination, ou une prémonition. Il fonce en cuisine et revient sans sommation avec une des plus belles Brouillade aux truffes de notre vie de misérables gourmands. On s’en lèche encore les babines.
Pintade, légumes d’automne
Restaurant : La Ferme de la Ruchotte (Bligny-sur-Ouche)
Chef : Fred Ménager
Fred Ménager, le fermier, éleveur de volailles anciennes et de pintades qui gambadent dans de grands enclos, est un ancien chef de grandes maisons et non des moindres. Second d’Alain Chapel, a travaillé avec Pierre Gagnaire époque Saint-Etienne, entre autres joyeusetés. C’est dire si l’homme sait tenir une casserole et sortir le meilleur des produits d’exception qui sont autour de chez lui.
Voila la pintade. Le chef a été la zigouiller la veille dans son immense enclos. Il sait celle qu’il faut, celle qui va passer à la casserole. Il la fait cuire en cocotte au four bien chaud avec huile et beurre. Il découpe les légumes (betteraves, carottes, échalotes) en assez gros quartiers et les fait revenir dans une grande poêle au beurre presque marron. Bien saisis, il les rajoute au dernier moment dans la cocotte pour que les sucs se mélangent. Et hop, la cocotte arrive fumante sur la table. Odeur, beauté, jus de cuisson éblouissant pour un plat d’anthologie. Voila un animal qui n’est pas mort pour rien. Magnifique et inoubliable.