Invité par la Maison des Écrivains de Beyrouth (Bayt el-Kottab), l'auteur va s'intéresser à tout ce qui fait que les Libanais en sont arrivés à cette désastreuse paralysie qui sévit au pays aujourd'hui. Et c'est bien au noyau de base qui forge la vie des Libanais, qu'il s'attaque : le noyau familial. La famille dicte tout à son enfant : " Je vais te dire, pour moi Afifé, ce que c'est, la famille ! La famille, c'est violent...le bébé tu te le fais kidnapper pendant un mois par ta mère, les soeurs, toutes les cousines....Pendant un mois ton enfant est pour les autres. " (il me semble avoir déjà vécu ça, personnellement).
Le mérite de ce livre est qu'il représente un document, comme un documentaire, il n'aborde pas la question par des généralités. On peut enfin mettre des mots sur les maux des Libanais. Je répète : comment en sont-ils arrivés là ! C'est par les voix individuelles, que nous apparait le portrait de la société libanaise, dans sa diversité, ses appartenances religieuses et ses classes sociales.
Plusieurs sujets sont traités : les réfugiés syriens, les immigrés libanais en Afrique et à travers le monde, toujours à partir d'exemples de personnes rencontrées. François Beaune raconte tout. Tantôt avec humour, ironie, mais toujours avec humanité.
Le clou du bouquin est la 39ième "position". La 39ième personne rencontrée, c'est Perla, l'écrivain réussit à l'esquisser, en imitant son accent, son attitude, son burlesque; et la lectrice que je suis ne peut se retenir de rire de plaisir : "En fait ce que j'adore c'est les sports d'adrénaline, les sports extrêmes, le zipline à Hawaï, je fais Jane Tarzan, ...Je fais des tiramisus meilleurs qu'en Italie." Le ton est donné.
En lisant le livre de Beaune, j'ai pensé à Sélim Abou*, bien connu pour ses recherches en anthropologie. L'auteur site par ailleurs La République des cousins de Germaine Tillon, spécialiste du Maghreb.
Plus loin il écrit : "La famille et les communautés, c'est vraiment un des drames de ce pays. Ce sont deux mécanismes qui empêchent la formation d'un État de droit".Oui il y a beaucoup à dire sur les droits humains, des femmes, et des homosexuels, dans notre beau pays. Encore faut-il qu'ils existent ! Les mentalités, ce sont elles qui dictent nos comportements et agissent sur nous inconsciemment. Ils nous faut beaucoup de bonne volonté et de bonne foi pour s'en détacher et les contrôler avant qu'elles ne nous contrôlent.
Un livre à lire pour apporter un éclairage de plus sur ce que nous vivons aujourd'hui au Liban.
* Sélim Abou, L'identité culturelle. Relations interéthniques et problèmes d'acculturation, éditions Perrin.
L'esprit de famille. 77 positions libanaises, François Beaune, Éditions Elyzad, 2018