(Note de lecture) Introduction à l’ostéonirismologie, de Julien Boutonnier, par Ludovic Degroote
Par Florence Trocmé
Après un livre dérangeant centré sur la maladie et la disparition de sa mère*, qui brusque la langue et se prête à la performance, Julien Boutonnier propose un bref traité très savant, Introduction à l’ostéonirismologie. Cette science, comme son nom l’indique, étudie les rêves des os, car « le rêve d’un os n’est pas comparable à celui d’un être humain » (p. 10) ; ainsi que l’indique l’exergue : « Il y a des os. / Les os rêvent. / En rêvant les os produisent le réel. / Tout est créé par l’onirisme des os. » On voit par là la place centrale de cette science. En bon scientifique, l’auteur s’applique à la décrire, en distingue le lexique, situe les origines, identifie les processus, propose des champs d’application. Ainsi apprend-on que « chaque catégorie d’os produit une activité onirique dont procède une part du réel suffisamment distincte et complémentaire des autres » (p. 20). « En l’état des connaissances actuelles, quatre catégories sont différenciées » dont je retiens particulièrement les deux dernières : « les os des êtres qui ne sont pas encore nés / les os des êtres qui ne naîtront pas ». Ceux-ci ont une activité onirique au même titre que les os des êtres vivants ou ceux des êtres morts, qui évolue « en fonction du stade de développement du squelette » : la preuve en est faite avec l’exemple du scaphoïde. Toujours en bon scientifique, l’auteur applique une distance critique face à « cette science [qui] est une connaissance béante » (p. 27). Béante comme le réel qu’elle fabrique ? Je n’oserai développer, n’étant pas ostéonirismologue... Mais cet opuscule qui mêle rigueur de surface et dérision à l’intérieur est savoureux ; par ce contraste et ses décalages, sa prose se fait poétique.
Ludovic Degroote
Julien Boutonnier, Introduction à l’ostéonirismologie, Dernier Télégramme, 32 p., 8 €
*Ma mère est lamentable, Publie.net, 2015.