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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 3), le 43 : épisodes 22-23-24

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 3), le 43 : épisodes 22-23-24

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 3), le 43 : épisodes 22-23-24

Photo de Simon Woolf

Le 43, épisode 22 : Doudou

J'vadrouille en direction du 43 avec Layla quand une 405 aubergine balaye la rue dans un bahut de flamenco bouillant comme de l'huile. Elle s'arrête à notre hauteur et déplanque le trognon tout rond de Doudou, le gitan le plus reconoblé de Besac. En deux temps trois marrades nous voilà raflés dans sa Peugeot farcie de conneries, les tympans déchiquetés par le rouski de Manitas de Plata et compagnie. À fond de caisse on se retrouve rue Versot, où notre Bouddha poussah des Saintes Maries de la Mer se gare à l'arrache, à traîne-cul sur une place et demie de bagnole. Doudou, c'est pas son véritable nom, cela s'entend. Chez les gitans, chacun tâte un surnom. Et ce blaze lui sied à merveille puisqu'on jouerait au pok avec lui les yeux fermés, les mains dans les poches, uniquement sur sa bonne mine. Quand il amène sa barbaque au 43, on ne voit que lui, tel un ogre au milieu d'une foule de nabots. Doudou ne fait qu'une bouchée de toute l'attention du rade et avale la vie comme un verre d'eau. Y choit comme un veau sur une dossière et délatte son bidon globuleux sans se sentir merdeux. Le mec a tout le monde à sa pogne et c'est « bonjour bonsoir », j'te rince la dalle jusqu'à plus soif, et vas-y qu'on refait le monde à grands coups de biffetons. Le monstre est inarrêtable, incassable, infatigable. Y dégage une telle assurance qu'y doit donner dans l'œil des nanas, malgré son allure de maous rondouillard. Y jette un jus bestiasse à la Depardieu. Quand j'ui demande ce qu'y fait dans la vie. Doudou me répond qu'il est tatoueur. Étonné, j'ui fait remarquer qu'il n'arbore aucun tatouage apparent, jusqu'à ce qu'y soulève son t-shirt et m'étale sa viande bouzillée comme un mur de chiottes. Et le cours des événements s'enchaîne très vite avec le gitan. Pas le temps de se les prendre et de se les mordre qu'on se retrouve à nouveau dans la 405 en direction d'un restaurant blindé de foutraille. Quelques boutanches et rognures de taxi plus tard, nous v'là repartis dans le tacot pour une sauterie dans un café de Morre, un patelin situé à côté de Besançon. Là, les fistons de Doudou, grands, forts et ronflants comme leur darons sortent les guitares. Un concert de flamenco nous fait péter des flammes et met nos âmes au vent. Du poil nous pousse au cul et nous fait pincer des frétillantes. La boîte à ragoût de Doudou engloutit tout... de par sa tendre guignolerie... la boîte à ragoût de Doudou engloutit tout... de par son pétage de plombs généralisé... la boîte à ragoût de Doudou engloutit tout... de par ses craquages de slip imprévus... la boîte à ragoût de Doudou engloutit tout. La boîte à ragoût de Doudou engloutit TOUT !

Le 43, épisode 23 : Jean-Seb

Sacré nom d'une putain de bordel à lépreuses birmaniennnes, j'ai fait dans la guimauve avec le portrait de Doudou et c'est pas dans mes habitudes. J'vais sauver la baraque avec Jean-Seb, promis juré sur le Kamasutra. Ché plus dans quelle chierie de fragment j'ai évoqué le fait que Besac était farci de zicos. Du vingt-quatre carats aux quatre coins de la ville, à l'image de mon poteau Karl... du miel en barre. Et ça pullule de pointures à toutes les sauces. Alors c'est difficile d'être colombé dans le milieu. Mais y'a quand même un croque-notes de première bourre : Jean-Seb. Un caïd du jazz hip-hop, aussi fort en saxo qu'en flow. Ce gonze est crevant de santé, il a pas pris une ride en vingt ans. On se pêche toujours par hasard au 43, y s'pose une demi-heure et boit un demi, on potine à la douce et deux trois gars s'installent peinardos avec nous. Ça chie guère plus que dans un Tcheuling bouddhiste, sauf que Jean-Seb est contraint de nous zapper car il a toujours une répète par-ci, un concert par-là. C'est un intermittent du spectacle. Chez les prostituées, on appelle ça une occasionnelle. Il y a vingt ans, j'étais racleur de guitare et je taquinais ma rape dans un groupe à tabac. J'ai jointé un bec à gaz qui s'appelait Jean-Seb, un foutu caïd du jazz hip-hop, aussi balèze en bon dieu de merde de saxo qu'en foutre bite de flow. Y montait souvent sur scène avec nous pour faire des impros, il avait toujours un bordel à cul de concert par-ci, une putain de chiottes de répète par-là. V'là-t-y pas que je débarque à Besac, il y a trois ans et que je prends mes quartiers au 43. Voyant ma viande collée à ses murs jusqu'à la Saint Trou-du-Cul, Mireille, une poteau du bistrot, me fait des appels du pied pour qu'on aille au Disque Dur, un café branchado situé au conservatoire, où se déroulent des impros jazz tous les jeudis soirs. Après avoir torché trois litrons de bibine au 43, j'prends ma caisse et je file rejoindre Mireille dans son aquarium à bobos. Sur place, la mère du foutre de Dieu, je bicle un fromage de tête qui s'appelle Jean-Seb, un sacré nom d'une putain de caïd du jazz hip-hop aussi corne au cul à la putain de ta mère de saxo qu'à la mort de ma vie de flow. Je m'enquille une rouille de rouge tandis que Mireille sirote son dé à coudre de blanc. L'ambiance est de l'ordre de la constipation chicandouillarde, en feignasse à cul tout en cassant des croûtons d'amuse-gueule. Et pi y'a les impros... m'enfin... quelles impros ? Du récital de Perroquet rebiffé tous les quarts de lune, avec un peu de popote de temps à autre. Jean-Seb a tout pour lui : plutôt bogoss, asperge, charismatique et talentueux. Mais il n'a pas bougé d'une chienne de case en vingt ans. Est-ce par vertu d'un oignon de sa part ? J'crois pas. Par Trotsky ! Quand on ressert la même barbe à jet continu en s'écrasant toujours les balloches, faut s'remettre en question. J'veux bien croire qu'il ne veut pas vendre son âme au diable, qu'il est droit dans ses bottes, que c'est un véritable artiste. Mais en vingt années, passer des bœufs sur scène aux fausses impros du Disque Dur, ça fout les boules. Perso, j'trouve ça triste comme un fond de bouteille. La fourchette plantée dans son bordel de bémol, Jean-Seb en a oublié de pousser jusqu'au putain de dièze.

Le 43, épisode 24 : les poilus à propos desquels j'peux rien déballer

Au 43, y'a des poilus à propos desquels j'peux rien déballer. Me voilà donc à nouveau embandé dans un défi d'écrivain qui va me refiler une fièvre cérébrale. En fait, dès les premiers jours, je grille des mectons qui me regardent de travers, accoudés au zinc, l'œil en coulisse. J'ai alors l'impression d'être clair comme du jus de chique. Et quand je m'installe à table en terrasse, avec mon cuir, ma carrure de gorille et mon crâne rasé, y'a du gnac autour de moi. Puis Dédé me jointe avec sa mise de stup, et c'est pire encore, on est fléchés direct et les jojos dressent l'oreille. Trois apaches albanais se tirent en fond de salle et un grand type au teint mat et à la touche de randonneur me détronche à chier des cordes à puits. Cloche de vélo sur le caillou, le pélo serre le grappin de Fred et me tourne le dos comme s'il voulait cacher la merde au chat. Faut pas croire mais on a du gratin au 43 : de la gueusaille, du vieux cellulard, du képi-blanc à la retraite, et du ravitailleur de boulons, de pochons, de bonbons et de ballons. La lessive se fait sous les yeux des barmans et de Linda, toujours sur les chagnottes, à ne plus savoir où donner de la tête. On peut pas leur en vouloir sur ce coup-là. D'autant plus que le marché de la défonce est à tarter partout. Sauf que maintenant, tous les gibiers de centrale ont les dents au cul avec mon allure de condé civilot en plan de came. Et les lascars essaient de tirer les vers du tasseau de Fredo : - Tu l'connais, l'mec assis là-bas ? - Ouais, c'est un pote à moi. Pourquoi ? - Pour rien... comme ça... et tu l'connais depuis longtemps ? - Ché pas. Un mois environ. - Ça fait pas des lustres, un mois. - Kestu veux dire ? - Tu l'trouves pas zarbi, avec sa tronche de pékin ? - Non. - Y sent la rshnouf. - Il est professeur de français, pi même si c'était un keuf, perso j'ai rien à me reprocher. - Moi non plus... 'fin... j'aime pas les schmits, c'est tout. P'y ressemble autant à un prof que j'ressemble à une danseuse étoile. Y m'faut un an pour que le type au teint mat me serre la pogne avec la banane. Idem avec les crapses albanais, qui squattent l'arrière cour du 43 quand ils gnouffent et qui font mine de rabouler des chiottes à trois, sans pour autant donner l'impression d'être des cocottes en sucre. Après, je jette pas la pierre au 43, c'est du même pot dans beaucoup de mastroquets bisontins. Bordel à cul de chien marin ! Ça bourre et ça bibelote à la crapoteuse à chier partout. Et vive les camés, tant que les bagnoles ne crament plus dans les cités ! Tant que la paix sociale est assurée, tant que chacun fait son petit marché, tant qu'on ne s'en prend plus aux autorités... Vive les camés !

Richard Palachak

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