La Poste mérite sans doute une gestion optimisée de ses ressources. L'annonce de sa transformation en société anonyme suscite l'interrogation.
Dimanche 6 juillet sur Europe 1, Claude Guéant, secrétaire général de la Présidence, a déclaré que le projet de transformation de La Poste en société anonyme, qui sera présenté prochainement au gouvernement, "mérite intérêt". L'objectif de privatiser la gestion de la Poste est évident. Le gouvernement souhaite que la Poste soit gérée comme une entreprise du secteur privé. Certains objecteront que les missions de service public de la Poste pourraient lui épargner une telle mise aux normes : courrier accessible à tous, banque des plus pauvres, aménagement du territoire, ses missions d'intérêt général sont nombreuses et essentielles.
La Poste pense à ce changement de statut pour nouer plus facilement des alliances, à l'aune de la libéralisation générale du courrier qui la frappera en 2011. C'est le sort de France Télécom qui l'attend à moyen terme.
Bizarrement, une autre annonce brouille le message d'un gouvernement de la France tout occupé à "privatiser" la gestion du pays. La semaine dernière, Nicolas Sarkozy, a confié qu'il avait l'"intention de faire de la Caisse des dépôts (CDC) un fonds souverain (...), parce qu'il n'y a pas de raison que la France n'en ait pas". La CDC ne dépend pas du gouvernement ni de la Présidence, mais du Parlement. Qu'importe. Le Président entend se servir de l'entreprise comme du bras armé de la France pour protéger les entreprises stratégiques du pays des attaques spéculatives étrangères.Lestée par une dette de 5,8 milliards d'euros, qu'elle s'efforce d'alléger d'un exercice à l'autre, La Poste s'estime aujourd'hui pénalisée face à ses concurrents pour financer sa croissance. Elle est l'un des derniers opérateurs postaux européens à ne pas avoir été transformé en société par actions, dans le cadre d'un mouvement amorcé au milieu des années 1990 dans les pays nordiques qui a, depuis, gagné l'Allemagne et l'Italie.
Le règlement du dossier des retraites à la faveur d'un chèque de deux milliards d'euros payés à l'Etat en 2006, et contre la promesse du versement d'un dividende régulier, en outre, a pesé sur ses comptes.
Dans une économie mondialisée et financiarisée, l'Elysée demande à la CDC de se centrer sur sa mission d'investisseur à long terme des entreprises les plus stratégiques, pour en stabiliser le capital, à la manière des fonds d'Etat des pays émergents.
"Cela doit devenir sa mission principale", précise un proche de M. Sarkozy, alors que la CDC exerce aujourd'hui plusieurs missions de front, finançant notamment les grandes politiques publiques - logement, développement des territoires, soutien aux petites et moyennes entreprises (PME), etc. La CDC est le premier ou le deuxième actionnaire de vingt des principales sociétés du CAC 40, avec des participations pouvant atteindre 10 %. Son portefeuille en actions s'établit autour de 23 milliards d'euros, hors sa filiale, la CNP.
On jugera le projet peut être "irréaliste et démagogique", à l'instar d'AUTHUEIL. Le projet est certainement coûteux, puisqu'il s'agit d'investir pour des motifs de protection nationale plutôt que de rentabilité financière à court ou moyen terme.
On jugera le projet surtout incohérent.Privatiser à l'intérieur, nationaliser contre l'extérieur. Une conception poutinienne de la politique sans doute.