Magazine Cinéma

Le dernier voyage de Rincevent

Par Darkstein

Mon premier voyage à Ankh Morpork a été dans « Feet of Clay » (Pieds d’Argile, le Tome 19 de la saga), en anglais s’il vous plaît.
Devant la difficulté à comprendre l’argot morporkien, je me suis jeté dans la version française et là, révélation. L’oeuvre, foisonnante en personnages et péripéties regorge de jeux de mots, de références que l’on sent propres à la version française (rien que le Guet des Orfèvres sent la francisation, la version originale parlant de « Pseudopolis Yard ».) Où l’on se rend compte que le travail de traducteur n’est en rien un copier/coller du texte original, mais une réelle interprétation, voire une appropriation de l’oeuvre.
Le 12 mars 2015 la Mort nous aura ravi Terry Pratchett, un auteur majeur dans le monde de la fantasy et du fantastique (N’oublions pas les romans « De bons présages » en collaboration avec Neil Gaiman ou la trilogie de la Longue Terre avec Stephen Baxter), mais aussi un homme de coeur qui s’investissait dans le droit à la mort assistée et la sauvegarde des orang-outans.
Entretien exclusif avec Patrick Couton, traducteur officiel du Disque-Monde depuis le début, récompensé en 1998 par le Grand Prix de l’Imaginaire. Afin d’éviter le bis repetita d’interview précédemment faites (notamment par le site Vademecum, interview riche et intime), petite entrevue décalée sur l’homme derrière les mots.

Stein : Patrick Couton bonjour, avec la disparition de Terry Pratchett, vous voilà au chômage partiel… L’humour si particulier de Sir Pratchett va-t-il vous manquer ? Pourriez-vous aujourd’hui concevoir votre travail de traducteur sans cette rencontre littéraire ? (Foisonnante, avec d’illustres noms tels Michael Moorcock ou Tennessee Williams quand même !)
Patrick Couton : L’humour de Terry Pratchett va très certainement me manquer. Je serais étonné qu’on me propose un autre auteur de la même veine. Cela dit, je viens de terminer un recueil de ses nouvelles (qui ne relèvent pas du Disque-Monde) et je vais enchaîner avec « Mrs Bradshaw’s Handbook » (Mme Chaix dans la version française, personnage qui apparaît dans « Déraillé », puis dans le dernier Tiphaine Patraque.) Après quoi d’autres romans d’autres auteurs m’attendent à l’Atalante.

Stein : Avez-vous eu l’opportunité de rencontrer d’autres traducteurs du Disque-Monde,
de confronter leurs interprétations à la vôtre ?
Patrick Couton : Non, jamais.

Stein : Vous êtes-vous intéressé aux autres romans de Pratchett, « Good Omens » et « The Long Earth » notamment, oeuvres collaboratives certes, mais où la patte de l’intéressé se fait fortement ressentir ?
Patrick Couton : Hélas, non. Quand j’en ai le temps, je lis essentiellement des auteurs français, très rarement des traductions.

Stein : Le travail du traducteur, surtout sur une oeuvre telle que celle-ci, foisonnante et jouant tant sur la langue, nécessite forcément un investissement personnel, une appropriation du texte. Ne vous sentez pas parfois « coauteur » et fier du succès des romans, succès autant du à la trame narrative de Pratchett qu’à votre sens du jeu de mots, de la mise en scène et de la “régionalisation” des lieux et personnages qui permet aux français d’avoir sous leurs yeux des références “parlantes” ?
Patrick Couton ; Non, je ne me sens pas co-auteur. Parfois adaptateur, oui, quand il s’agit de faire passer des références ou des blagues à un lectorat français. Je suis bien entendu fier quand les romans ont du succès chez nous, car j’ai alors le sentiment d’avoir su rendre le sel de l’oeuvre originale dans notre langue. Je suis également fier quand des lecteurs anglais bilingues achètent aussi la version française.

Stein : Patrick Couton, traducteur mais aussi musicien, vous jouez, entre autres de l’autoharp (j’ai lu, notamment, que vous avez fait connaissance avec Pierre Bordage grâce au banjo !) Alors comment avez-vous découvert cet instrument et quel rapport entretenez-vous avec icelui ?
Patrick Couton : J’ai découvert l’autoharp en écoutant des disques de musique américaine dans les années soixante. J’ai appris très vite à en jouer au début des années 70 (on obtient des résultats très rapides quand on est déjà guitariste). Je me suis fait connaître en tant qu’autoharpiste aux Etats-Unis parce que je me suis très vite démarqué du répertoire habituel de cet instrument. C’est désormais mon instrument fétiche. Grâce à
lui j’ai déjà tourné plusieurs fois aux Etats-Unis, et je vais participer en juin prochain à un festival en Pennsylvanie puis en juillet à un autre festival en Ecosse (tous deux consacrés à l’autoharp).

Stein : Musicalement, quelles sont vos influences, vos inspirations ? Qu’écoutez-vous
en ce moment ? Et, car après tout c’est mon rôle premier dans Ecce, que pensez-vous
et que connaissez-vous du heavy metal et de ses rejetons ?
Patrick Couton : Mes influences sont multiples : Musiques traditionnelles américaine (old time, bluegrass, blues, cajun), française (toutes régions, mais surtout Bretagne), irlandaise, anglaise, écossaise… Mais aussi parfois le jazz, et même le musette (surtout le musette swing car, mon père étant accordéoniste amateur, j’ai baigné toute mon enfance dedans.) En ce moment j’écoute beaucoup Bill Frisell.
A ma grande honte, je ne connais pas grand-chose en Heavy Metal. J’ai bien sûr écouté comme tout le monde Led Zeppelin, Black Sabbath, AC/DC voire Hawkwind (parce que Michael Moorcock a collaboré avec ce groupe)… les classiques, quoi. J’en réécoute de temps en temps, surtout depuis que j’ai vu Robert Plant chanter, dans un autre genre musical, avec Alison Krauss dans un festival aux Etats-Unis, et aussi depuis qu’un groupe américain qui m’amuse beaucoup, Hayseed Dixie, reprend du AC/DC dans le style bluegrass.
Pour ce qui est des groupes actuels, j’avoue mon ignorance quasi-totale, bien qu’habitant à Nantes, c’est-à-dire tout près de Clisson et du Hellfest.

Stein : Pour finir, petit portrait chinois
Si vous étiez une musique ?
Patrick : Un blues de Skip James ou une valse swing de Tony Murena
Un personnage de fiction ?
Patrick : Arsène Lupin
Une figure du XXe siècle ?
Patrick : Albert Einstein
Une bière ? (On est belge ou on ne l’est pas !)
Patrick : La Duvel (et pourtant je ne suis pas belge)
Je signale tout de même que ces réponses pour le portrait seraient sans doute différentes dans un mois, une semaine, voire demain (sauf pour la bière, je pense).

Encore merci Patrick Couton !

Pour en savoir plus :
Le site de Patrick Couton : http://patrickcouton.fr/
Entrevue initialement parue dans l’e-zine culturel Ecce N°6 (Octobre 2015)


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