Depuis les promesses de ses origines, il y a une quinzaine d'années, la finance participative a beaucoup évolué, s'assagissant progressivement, jusqu'à devenir une composante acceptée du paysage, mais généralement cantonnée à une niche relativement étroite. Pourquoi certains observateurs s'acharnent-ils alors à vouloir la discréditer ?
Les dernières attaques proviennent d'un professeur de finance de l'EDHEC, Gianfranco Gianfrate, apparemment familier du sujet (il a plusieurs publications à son actif), et elles semblent rencontrer un certain écho dans le milieu. Elles concernent plus spécifiquement les plates-formes de crédit « de pair à pair » (P2P), entre particuliers ou à destination des entreprises, qui exposeraient donc les prêteurs à des risques inconsidérés, susceptibles de justifier une intervention musclée de la part des régulateurs.
Tout en reconnaissant les bénéfices du crowdlending, notamment en termes de maîtrise des coûts d'intermédiation, de diversification des portefeuilles d'investissement, d'élargissement de l'assiette de financements disponibles, voire d'inclusion pour des emprunteurs marginalisés, l'auteur s'inquiète de son développement rapide alors qu'il estime que le concept manque de mécanismes intrinsèques garantissant son auto-contrôle et que, par ailleurs, sa résilience n'a pas encore été testée en cas de crise.
Concrètement, G. Gianfrate accuse les acteurs de la finance participative de ne pas exercer une extrême rigueur dans la sélection des dossiers proposés sur leurs sites ou sur les conditions des prêts accordés, sous prétexte que, d'une part, la demande et l'offre sont toutes deux tellement fortes qu'ils font tout pour y répondre, sans discernement, et, d'autre part, et surtout, ils n'ont aucune incitation à la prudence puisque, en tant qu'intermédiaires, ils ne portent pas d'engagement sur les opérations conclues.
Le raisonnement est aussi absurde que déconnecté de la réalité du marché. Ainsi, par exemple, les critères de sélection des demandeurs sont progressivement devenus de plus en plus stricts, au point d'être désormais quasiment identiques à ceux des banques. Une des raisons de ce resserrement dans les politiques est l'entrée dans le jeu d'institutionnels, qui viennent combler un déficit chronique d'apporteurs de fonds et dont les exigences de gestion du risque ne laissent évidemment aucune place à l'amateurisme (comme l'a justement appris Lending Club, cité en épouvantail dans l'article).
Ridicule également cette idée que l'organisme qui met en relation des prêteurs et des emprunteurs – à l'instar d'un courtier… – ne porterait aucune responsabilité dans les transactions qu'il rend possibles ! Comme dans tout métier de commerce et d'autant plus quand l'objet en est l'argent, la confiance est la clé d'un modèle viable et durable. Les plates-formes sont contraintes de démontrer continuellement la valeur et la sécurité des campagnes qu'elles partagent si elles veulent attirer des participants !
Naturellement, en contrepartie d'un rendement plus ou moins élevé, le financement direct d'entreprises ou de particuliers sera toujours plus hasardeux qu'un livret d'épargne à taux fixe (et dépôt garanti). Il est aussi certain qu'il existe des acteurs à éviter dans la finance participative, comme dans tous les domaines, et que la jeunesse du secteur ne facilite pas le tri. Mais il faut arrêter de chercher des problèmes là où ils n'existent pas : le crowdlending n'a aucune raison d'être traité comme un mouton noir par essence.