La démarche et la création plastique de Pascale Marthine Tayou s’inscrivent résolument dans la contemporéanité. A quoi le reconnaît – on ? Pour commencer à la prévalence de l’installation, forme artistique contemporaine apparue dans les années soixante alors que les tableaux se raréfiaient sur les cimaises. Il semble bien que Code noir soit l’une des rares peintures sur panneau de bois. L’installation domine donc et agence un ensemble d’éléments qui forment un tout adaptable au lieu d’exposition. Différentes techniques d’expression et de représentation, comme la mise en espace de peinture, de sculptures ou d’objets, la constituent. Parfois la participation du spectateur est sollicitée affirmant ainsi le rôle du regardeur de manière dynamique. L’installation ne sollicite pas seulement le regard, elle est parfois immersive : elle enveloppe le spectateur dans un espace imaginaire et lui propose des expériences sensorielles nouvelles. Dans Black Forest, Pascale Marthine Tayou va plus loin puisque l’exposition est une unique et immense installation au sein de laquelle on retrouve des installations murales, Colonial labyrinth, Plasic Bags, Pascale Eggs pour n’en citer que quelques unes, une installation multimedia, Human being, olfactive avec Sugar cane qui répand une puissante odeur de canne fermentée, mais aussi des propositions novatrices de Pascale Marthine Tayou qu’il appelle les installations – invasions, comme Colorful line.
On note également la diversité des matériaux de création. L’une des caractéristiques de l’art contemporain, c’est bien de créer à partir de toutes sortes de matériaux, des excréments dans Merde d’artiste (1961) de Piero Manzoni aux diamants de For the love of God (2007)de Damien Hirst. Pascale Marthine Tayou crée à partir de toutes sortes d’objets et de matériaux : des pailles en plastique (Colorful line), des pavés (La paix des braves), des clous (Fetish Wall), des sacs en plastique (Plastic tree), des craies (Chalk fresco), du charbon (Charcoal fresco), de la canne à sucre(Sugar cane), du néon (Néon graffiti ou Timbuktu university), de l’albâtre (Pascale Eggs), du cristal de Murano (Poupées pascale), des casseroles (Ritual pots), des calebasses (Calebasses, calebasses), de la terre d’Afrique (Boboland), des bandes magnétiques (Diamondscape), du bois , du ciment (Echelle Dogon ), des tongs usées (Eseka). Ce sont des objets banals souvent récupérés même si le plasticien n’apprécie guère ni n’accepte le terme de recyclage. « Les objets que j’utilise sont des outils. Chaque objet est une nouvelle occasion de refaire mon panier de plasticien. Tout est possible avec ce que l’on rencontre sur sa route ».
A la diversité des matériaux correspond la dilution des frontières entre les genres artistiques. Par exemple, Pascale Marthine Tayou dessine avec du néon : Graffiti Néon. Il crée un effet « touches picturales » avec des bâtions de craie : Chalk Fresco.
Une autre tendance, peut – être la plus déconcertante pour le public, née sans doute de la pratique de l’installation qui adapte l’œuvre au lieu d’exposition, a pour conséquence, qu’au gré des expositions, l’œuvre n’est plus tout à fait la même ni tout à fait une autre.
Pour reprendre la terminologie de Nelson Goodman et Gérard Genette, une œuvre d’art peut – être autographique. C’est un objet concret, unique, stable, clos sur lui-même, non reproductible. La Jeune fille à la perle de Veermer ou le Baiser de Klimt sont des œuvres uniques, autographiques donc.
Par contre certaines formes artistiques sont par essence allographiques et à partir d’un code de notation, présentent plusieurs occurrences correctes (théâtre, musique et performance artistique). Une pièce de Molière, l’Ecole des femmes par exemple, conserve son identité en dépit des différentes interprétations et mises en scène. Nathalie Heinich explique que les œuvres plastiques contemporaines sont de moins en moins réductibles à un objet unique et de plus en plus équivalentes à l’ensemble de leurs actualisations. Elles passent du régime autographique au régime allographique c’est-à-dire qu’elles existent à travers la série indéterminée de leurs interprétations. Il existe donc plusieurs versions d’une même œuvre.
C’est ce qui se passe pour bien des œuvres de Pacale Marthine Tayou car son œuvre fonctionne comme un écosystème où tout est recyclable.
Ainsi Pavés colorés, Pascale’s Eggs, Human beings s’incarnent différemment en fonction du lieu et du projet. Ce sont des œuvres allographiques.
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