ON NE DIALOGUE PAS AVEC DES CADAVRES...
Partout l'on se gausse des vertus présumées du dialogue interculturel et interreligieux. Or, l'échange" auquel nous venons d'assister entre le Hezbollah et Israël à la frontière libanaise marque l'absolue limite du genre, il constitue : le funeste incarné.
Des cadavres que l'on n'attendait pas, échangés contre des prisonniers, parfois criminels avérés ! Voici bien l'affichage d'un fossé culturel qui, dans son silence assourdissant, brise toutes les ambigüités et peut saper d'un même coup toutes les espérances
Deux univers s'affrontent ainsi, sous les cèdres d'un Liban qui n'en finit pas de paraître se réconcilier.
Si la logique de ces équations funèbres équivaut à échanger des cadavres contre des vivants, il n'y aura à la longue que des perdants.
Cela n'est pas non plus de la "Realpolitik", car la politique se fait pour le moins entre inimitiés vivantes. Seule l'éternité fédère les défunts, dans son insondable Vérité.
Or au Moyen-Orient où l'on vante si souvent le berceau, pourtant bien rugueux, des monothéismes, les logiques proclamées n'ont pas cours. Il vient d'être affiché aux yeux du monde que l'une des parties ignore jusqu'à l'essence fondatrice de tout dialogue, même politique. On ne dialogue pas avec des cadavres.
L'Europe réconciliée, notamment la France et l'Allemagne, savent qu'elles sont en droit de donner cette leçon là au reste du monde.
Cette Europe, réalise aujourd'hui bien des efforts en vue de faire du dialogue interculturel et interreligieux une réalité viable. Il n'est qua voir les multiples déclinaisons de cette thématique en cours au sein du Conseil de l'Europe par exemple.
Un tel dialogue n'est pas une fantaisie intellectuelle généreuse et quelque peu littéraire, c'est un impératif politique planétaire au même titre que la bataille pour l'environnement. Il s'agit d'un impératif catégorique, non pas d'un choix parmi d'autres.
Cet impératif de dialogue concerne en premier lieu nos propres sociétés occidentales qui ont à gérer en continu une intégration dans le double respect des différences et de la laïcité.
Mais ce dialogue sous-tend aussi l'ensemble des relations internationales dont il constitue désormais un élément politique surajouté... Il serait périlleux que cet élément devienne en réalité un deuxième front.
L'image projetée à la face du monde par le Hezbollah lors de l'"échange" avec Israël au Sud -Liban est de bien mauvais augures.
Au moment où le roi d'Arabie Saoudite lance au reste du monde un appel riche en promesses, pour un dialogue inédit entre cultures et religions, au moment ou la Méditerranée se réconcilie, il est essentiel que les obscurantismes religieux ou politiques, comme celui de l'Iran ou du Hezbollah, ne viennent pas briser cette fragile logique de Paix...
Francis Rosenstiel
*Ambassadeur de bonne volonté du Conseil de l'Europe, président-fondateur du Forum pour l'Europe démocratique
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