La double-peine des grands adolescents atteints de cancer
Par Véronique MARTINACHE
PARIS (AFP) - A mi-chemin entre l'enfance et l'âge adulte, les grands adolescents atteints d'un cancer voient s'ajouter au sentiment d'exclusion dû à la maladie
l'isolement au sein de structures de soins mal adaptées à leur tranche d'âge.
Les cancers chez les adolescents sont rares en France et les données sur leurs spécificités peu nombreuses, relevait une étude publiée en mars par l'Institut de
veille sanitaire. Chaque année, 700 nouveaux cas sont diagnostiqués chez les 15-20 ans. Au total, ce sont 2.000 cas qui sont observés tous les ans si l'on inclut les préadolescents (10-14 ans) et
les post-adolescents (21-24 ans), selon l'Association Jeunes Solidarité Cancer (JSC). L'association a organisé mardi, au congrès Eurocancer à Paris, une session
consacrée à la prise en charge hospitalière des jeunes adultes atteints de cancer. "Depuis une dizaine d'années, il y a eu énormément d'évolution, de réflexion", constate son président, Damien
Dubois. Mais la France est encore en retrait par rapport à certains pays comme l'Angleterre, avec un seul centre "vraiment dédié" à l'accueil spécifique des
adolescents et jeunes adultes, à l'Institut Gustave-Roussy (IGR) de Villejuif. En septembre devrait ouvrir à Lyon, au Centre Léon-Bérard, un espace dédié aux adolescents au sein de l'Institut
d'hémato et d'oncologie pédiatrique. "Trop vieux" dans un service pédiatrique, "trop jeune" dans un service d'adultes, le grand adolescent ou le jeune adulte se
retrouve isolé lorsque la maladie vient compliquer les questions propres à cette période de la vie. "C'est l'âge où est en train de se construire l'image de soi,
l'image qu'on donne aux autres, l'âge de la formation universitaire, des premières rencontres", explique Sarah Dauchy, psychiatre à l'IGR. Le cancer et les soins liés à la maladie viennent priver
le patient de cette phase de découverte et de construction.
A cette "soustraction au temps présent", viennent s'ajouter "deux mouvements contraires": le jeune va moins construire son avenir que les autres et en même temps "va
mûrir différemment". Face à cette "première grande épreuve", les adolescents mûrissent plus vite, alors que leur autonomie matérielle et affective régresse. Outre leur intérêt d'abord médical (recherche, épidémiologie...), les services spécifiques permettent aux jeunes de se retrouver entre eux, mais aussi, avec des activités ou des loisirs
adaptés, de "rester en phase avec les gens du même âge", de conserver leurs repères, souligne le Dr Dauchy.
Damien Dubois insiste sur l'importance de "la préparation de l'après", d'autant que les taux de guérison chez les jeunes "vont dans le bon sens". La préparation de l'après cancer à l'hôpital "est
porteur d'espoir, de projets", souligne-t-il. Cela inclut les projets professionnels, mais aussi des questions délicates à aborder par les médecins - parfois dans l'urgence - comme les risques de
stérilité que peuvent entraîner les traitements.
Pour le Dr Dauchy, il faut améliorer la possibilité de "suivi au long cours", lorsque les jeunes adultes "se retrouvent à faire un bilan et qu'ils ont trois années
d'études de retard par rapport aux autres, une image corporelle mise en péril, une estime de soi un peu diminuée, un sentiment d'autonomie qui vacille".
Jeunes Solidarité Cancer (www.jeunes-solidarite-cancer.org) a pris forme au sein de la Ligue contre le
cancer. Son forum de discussion et de soutien a été ouvert en 2000 et elle est devenue une association indépendante en 2002.