Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 3), le 43 : épisodes 13-14-15

Par Blackout @blackoutedition

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV

Photo de Simon Woolf

Le 43, épisode 13 : Momo (partie 1)

Encore un gars sur lequel y'a rien à balancer... 'fin presque. Un autre Jacques, et c'est sans doute pour ça qu'ils s'entendent comme deux gorets serbes et font du rythme and blues ensemble. Momo, en deux mots, c'est sourire et guitare. Y traîne évidemment sa carcasse de soixantenaire au 43, frusques en jean de la tête aux panards, un étui de guitouse à la main et deux culs de bouteille sur le tarin. Qu'il vente ou qu'il tsuname (du verbe tsunamer), le gonze a la banane. Un peu plus quand il se beurre la tartine, un peu moins quand y négocie du bizz. Et la banane à Momo, c'est pas de la blague, c'est pour de bon. La joie de Momo se la coule douce, à carreau, sage comme un pape : le « pape du rock and roll ». Il a choisi l'autoroute de l'enfer pépère depuis des lunes, en bitumant des salles de répètes aux salles de concert en passant par le 43, des salles de concert aux salles de répètes en passant par le 43, du 43 au 43 en passant par le 43... car faut le reconnaître, Momo et le 43, c'est un peu comme Dupont et Dupond, Starsky et Hutch, Mario et Luigi (pour les plus jeunes). À chaque fois qu'on y fout les miches, on tombe sur le croque blue-note, pété de bibasse et les mirettes envapées par la bédave. Son, picton, chichon : voilà le triangle des bièrmudes où vient systématiquement se scratcher son vieux coucou. Chose ébouriffante pour un crâne chauve comme le mien, qui vient d'une ville où la moindre odeur de gazon vous coûte un toucher rectal, Marie-Jeanne est ostensiblement bien tolérée en terrasse à Besac. Enfin, pour en revenir à Momo, malgré la torgnole, il reste calme, humble et discret... surtout pour un mecton qu'a oublié d'être con. Pour résumer, c'est un viveur. Il a choisi sa vie et n'a jamais laissé la vie décider de son sort. Il a fait des sacrifices, il se contente de nib et se torche le cul des lendemains. Ses préoccupations du moment ne varient jamais : trouver des « dates », et de préférence en Suisse, où l'accueil est royal, où ça crache du cash, et surtout... là où la weed est bonnarde !!!

Le 43, épisode 14 : Momo (partie 2)

J'ai dit que Momo était le pape du rock and roll, sauf que pour moi, il a tout du bluesman. Avec son feeling à la BB King, il envoie du pâté new-orléanais dès qu'il sort la rape de son étui. Mais nib doué ! Momo ne dégaine jamais sa carabine à boogie woogie pour se faire reluire la merguez. C'est seulement quand le 43 s'encanaille, qu'on s'est tous mis à l'envers et ksa chante comme des seringues, que Momo déplanque sa gratouille et fait mouiller l'auditoire. En véritable Juke-box humain, le rapin fait défiler les tubes à la demande, en piochant dans son insondable ciboulot collector. Et ça finit toujours pareil : Dédé braille son Johnny en gesticulant des pognettes à la twist again, pliant Linda en deux et la contraignant à lui dire d'y aller mollo sur la gueulante. Mais la vie de bluesman, c'est pas la chouille tous les jours. Ché plus pour quelle brioche, v'là le jour où un dégât des eaux expulse Momo de chez lui, sans abri, sans pine et sans canif. Et c'est pas le genre à gratter, jamais, ni pognon, ni canon, ni chichon. L'a toujours su se démerder tout seul, par je ne sais quelle diablerie. Sauf qu'à la rue, force est de constater que le 43 ne fait pas dans l'hôtellerie et qu'il faut songer à un plan B. Une issue de secours. Un nouvel El Dorado... qui s'appelle Karl Kroupe. Ah ce bon vieux Karl... et ses corridas légendaires avec sa compagne Layla. La cohabitation doit durer deux trois jours au départ, mais la passion commune des deux asticots pour le son, la schnik et la cool up way of life étire les jours en mois, si bien qu'au bout de quatre menstruations, Layla chie des pendules comtoises (normal...). Et la harissa lui monte vite au nez quand elle réalise qu'elle n'est que la troisième roue de la diligence boiteuse, arrivant bien derrière Momo et le 43. Elle fait alors planer l'histoire d'une relation dauphiène entre les deux colocs afin que Momo déguste un coup de taser psychologique et qu'il dégage illico de la tanière comme une taupe jarté aux ultrasons. La méthode est radicale, on ne voit plus l'animal durant des lunes. Certes, ce ne sont que des racontars, je n'ai pas la moindre certitude à propos de ce que j'avance. Je sais en revanche que cela n'empêche pas l'appartement de Karl d'être sans cesse infesté de pochtrons déglingués, dont je fais partie. Mais c'est une toute autre histoire... Pour en revenir au 43, 43 jours précisément après la crucifixion de Momo par Layla, nombreux sont les apôtres du Bon Picton, de son Fils et du Saint Casse-Poitrine qui affirment l'avoir vu ressusciter en terrasse... toujours aussi discret, guitouse dans le dos et kronembourg à la main... puis sur les lèvres : son éternel sourire.

Le 43, épisode 15 : La Zot

Déjà, quand on assume un surnom comme La Zot, c'est mal barré. La Zot assume tout, non par force de sagesse, mais parce qu'elle a du mou de veau à la place du cerveau. Avec sa tête à chier dessus, son crin de sac à poil de brique et ses frusquins bigarrés à la desigual au bout du rouleau, la rombière a tout de l'épouvantail à moineaux. Vous allez dire que je suis vachard avec la panoufle, mais elle le mérite. Sa paillasse moisit comme d'hab au 43, souvent seule à siroter son ballon de blankass. Et la rosse a toujours de la merde à dire en ramenant son vieux tarin dans toutes les discutes. Et c'est plutôt bono de jacter le bout de gras double au 43, d'une table ou d'un coude à l'autre... c'est pour ça qu'on a ce bistrot dans la bidoche. Sauf que la Zot est plutôt du genre à lâcher des gluaux faiblards et cyniques, ironiques et sarcastiques, prenant les piliers du café pour des cucurbitacées. La miss tomate se tient penchée en arrière, le coude à drink levé, la binette altière, histoire de donner des leçons de philo pour nain de CM2. Sans tortiller, la flèche est persuadée que les chalands de PMU sont des moules à gaufres, sans envisager ne serait-ce qu'une seconde que les tronches préfèrent un rade où ils peuvent dégoiser qu'un bar-boîte de bobo poseurs où l'on ne s'entend pas parler. La Zot n'a pas la jugeote superficielle... non, détrompez-vous. La Zot sait tout. Un soir, un Congolais, bâti comme un semi-remorque hongrois, vient poser ses bras carrés sur une table du 43. Le gars rompt la glace à coups de gueulées rigolardes. Y fait de l'œil à la Zot pour la poilade et paye sa tournée. La grue comtoise le toise en signifiant qu'elle ne va pas s'abaisser à lui baiser les panards pour un verre de blanc. D'autant plus que l'armoire d'ébène braille et se gondole sans retenue. « Nous ne sommes pas du même monde » se dit la Zot. Quelques broquilles plus tard, il nous apprend qu'il est plâtrier-plaquiste et féru de judo. « Tout dans les bras et rien dans la tête » en conclut la Zot, qui s'adresse dorénavant au mecton comme si elle sortait de la cuisse de Charlemagne. Cerise sur la forêt noire, le type avoue sa fervente obédience catholique... il se rend même à la messe tous les dimanches matin. Ç'en est trop pour la penseuse éclairée, qui se sent obligée de lui prodiguer un cours de matière grise, en démontrant par une succession de marottes emplâtrées, la sottise de cultures millénaires dont elle connaît peau de zébi. Pour finir, elle envoie chichement : « de toute façon, MOI, ça fait bien longtemps que j'ai dépassé tout ça ! » Donc, si vous cherchez désespérément la démiurge engoule-bouteille du nouveau millénaire : demandez La Zot, vous ne serez pas déçus.

Richard Palachak

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