Qui n'a pas encore sa banque 100% mobile ? Le Crédit du Nord viendra bientôt s'ajouter [PDF] à la liste des établissements traditionnels s'aventurant dans ce modèle de distribution. Mais, plutôt que d'aborder le marché (encombré) des particuliers, comme ses consœurs, Prismea visera plutôt les professionnels et les petites entreprises.
La nouvelle offre ne se contentera pas de proposer un parcours entièrement « digital », dont, par exemple, un processus de souscription prenant la forme d'une conversation avec un chatbot et promettant une entrée en relation en moins de 10 minutes. Elle ne se limitera pas, non plus, à son catalogue de produits réduit au strict minimum, puisque comprenant un compte courant et une à quatre cartes de paiement (réelles et virtuelles), selon la formule retenue (pour un prix de 9 à 75 euros par mois, tout de même !).
Au-delà de ce socle essentiel, il est également – surtout – question d'accompagner l'utilisateur, au quotidien, dans sa vie d'entrepreneur, à travers, notamment, des fonctions extra-bancaires de suivi d'activité et de prédiction à long terme de la trésorerie. Ces capacités d'analyse – qui reposent (évidemment) sur des technologies d'intelligence artificielle – permettront en outre, nous assure-t-on, de lui prodiguer des recommandations personnalisées destinées à l'aider à anticiper ses besoins et à piloter sa croissance.
L'objectif du Crédit du Nord est donc de faire de Prismea bien plus qu'un simple compte, avec sa classique palette de produits financiers, et de fournir un véritable assistant professionnel ou, comme l'affirme la campagne sur Twitter, un DAF (Directeur Administratif et Financier) attentif et toujours présent. Le concept rejoint de la sorte une tendance actuellement en hausse, qui devrait rencontrer un écho positif chez tous les professionnels qui se sentent débordés par le fardeau de la gestion d'entreprise.
Si la vision est tout à fait convaincante, sa concrétisation m'inspire hélas quelques doutes. En particulier, les illustrations dans lesquelles on ne voit, sous le titre pompeux d'analyses, que des comparaisons, par mois ou par année, d'une synthèse des entrées et sorties d'argent (même quand elles intègrent des données de comptes externes, grâce à l'agrégateur embarqué) laissent imaginer que les clients risquent de rester sur leur faim… Espérons que le futur DAF virtuel possédera plus de compétences…
Autre sujet d'inquiétude majeur, l'évocation d'une solution innovante de crédit instantané, qui serait le complément idéal aux estimations prévisionnelles de trésorerie… mais qui ne sera pas disponible avant la fin 2020 ! S'il faut s'attendre à de tels délais, en années, avant d'obtenir une solution suffisamment complète pour être réellement utile, il y a de quoi être pessimiste. Dans l'intervalle, le Crédit du Nord vante l'accès possible à son propre catalogue… mais, dans ce cas, à quoi bon passer par sa filiale mobile ?
Ces limitations sont, en fait, une illustration supplémentaire de l'impact des lourdeurs internes des banques historiques sur le développement de nouveaux modèles. En effet, Prismea a beau être présentée comme un projet d'intrapreneuriat (issu de l'Internal Startup Call de Société Générale) et être bâtie sur des infrastructures indépendantes (dont les services de paiement de Treezor), le cadre existant s'avère trop rigide pour procurer la latitude nécessaire à la création d'une vraie startup, compétitive.