Dans la lumière oblique, Françoise Matthey nous invite à écouter et à regarder le monde qui nous entoure, et à nous en pénétrer, corps et âme.
Dans une manière d'introduction, elle indique en quelque sorte la méthode à suivre, au rythme des saisons:
S'ouvrir à ce qui jamais ne pourra rejoindre
ni l'ortie ni l'épine
Quand le printemps s'annonce et que les frimas ne figent plus les pâtures:
L'heure est venue de mettre en déroute
le langage des fumées
de déchiffrer le manuel des mousses
Déchiffrer, parce que les êtres et les choses ne se révèlent qu'à la condition d'y mettre du sien:
Nul besoin de comprendre
Il suffit d'éprouver
à même nos mains offertes
l'évidence de la vie qui brasille
Quand l'été survient, il nous prend de vitesse et
Les horloges se dilatent
Il est alors temps de:
Donner forme au fragile
Danser
C'est une renaissance, jour après jour:
avec tout ce qui chancelle
les gorgées d'impatience
les lits de pierre
pleurs et paroles
Comme les conflits thermiques de saison, les esprits s'échauffent pendant le jour, mais heureusement:
Restent
quand arrive le soir aux senteurs de tilleul
les tendres bavardages
alliés aux souffles apaisants
Après la dernière moisson, l'automne pointe:
Déjà les feuilles se perdent dans une déroute frileuse
retournent à la terre
Les jours diminuent:
Dans la fraction d'une focale
révélation d'images méconnues
d'angles exaspérés
Ne pas confondre distances et perspectives
Cette fois, bientôt
Dans les replis du soir
songer à rassembler d'indulgentes légendes
de celles que l'on entend encore
malgré le poids des ans
Le passage à l'heure d'hiver est un tournant, un présage de ce qui est tout proche:
Arrivée par surprise
la neige a bleui le regard
On ne voit désormais que ce qui est véritable
Et quand la nuit tombe:
Dans l'entrebâillement du soir
chacun tient comme il peut
le fuseau de sa vie
Toute la laine du monde
L'hiver est là et
Le ciel
d'un ton
s'est déplacé
C'est comme une mort annoncée:
Dans l'attente du dégel
blottis à l'abri des gerçures
- leurre ou aspiration? -
nous évaluons nos chances de survie
Cette trame du temps ne doit justement pas faire oublier qu'il s'agit d'un passage:
Admettre qu'il nous faudra la terre
pour demain prendre congé
Quel est l'essentiel du passage, à ne pas manquer?
Aimer
Attester que demeure
insistante
La Vie
C'est pourquoi
Rien jamais ne nous affolera
sinon l'oubli d'aimer
Francis Richard
Dans la lumière oblique, Françoise Matthey, 84 pages, L'Aire