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Les rencontres de Bamako évoluent

Publié le 10 décembre 2019 par Aicasc @aica_sc

 ©Source Artprice 06/12/2019]

La capitale malienne accueille ce grand rendez-vous dédié à la photographie, qui s’est imposé comme le plus important du genre en Afrique. Cette 12e édition des Rencontres de Bamako, coïncide avec les 25 ans d’existence du projet et devrait rassembler quelques 5 000 visiteurs jusqu’au 31 janvier 2020 mais elle rayonnera bien au-delà. Dans un pays fragilisé par les violences de son passé récent, la tenue d’un événement artistique de cette ampleur est un acte de résistance et un refus clair de l’obscurantisme : “La photo, c’est la lumière. La lumière, dans ce temps où certains voudraient nous faire croire que c’est le contraire, le temps de l’obscur que nous vivons. Non, non, non. Ce temps obscur, nous le refusons“, affirme Ibrahim Boubacar Keïta, coordinateur de l’Union africaine pour les Arts et la Culture.

athi patra ruga

Athi Patra Ruga, The Knight of the Long Knives I, 2013

Ce qui change

Parmi 85 artistes issu du continent africain et de la diaspora, la moitié sont des femmes. Un signal fort sur l’évolution de ces Rencontres. Autre avancée : le nombre de sites d’expositions a presque doublé par rapport à l’édition précédente, avec 12 lieux cette année, depuis le hall de la gare ferroviaire au Palais de la Culture où la Biennale a pris naissance, en passant par le lycée de jeunes filles Ba Aminata Diallo, dont l’ancien internat est transformé en musée-galerie. Auparavant co-organisé par le ministère malien de la Culture et l’Institut français, l’événement est organisé cette année par le ministère malien de la Culture. L’Institut français en devient partenaire. De ce fait, pour la première fois, la quasi totalité des 1 500 clichés exposés ont été imprimés au Mali.

Intitulée Streams of Consciousness, Les Courants de conscience, cette 12e édition multiplie les interprétations sur la façon dont les photographes visent, perçoivent, interprètent et pensent le monde dans lequel ils vivent. Les projets retenus sont donc très variés dans la forme comme le contenu. Soucieux de dépasser le cadre de la photographie en tant qu’expérience visuelle, l’événement aborde la textualité, la tangibilité, la performativité et surtout la sonorité de la photographie.

Focus artistes

Cette Biennale de la photographie africaine offre au public malien l’opportunité exceptionnelle de découvrir la richesse de la création photographique de leur vaste continent. Elle constitue aussi une plateforme unique pour les photographes consacrés, permettant à certains d’entre eux d’acquérir plus rapidement une stature internationale.

Les Rencontres de Bamako ont ainsi contribué à développer la carrière de plusieurs générations d’artistes africains comme le malien Malick SIDIBÉ, premier artiste africain à recevoir le Lion d’Or à la Biennale de Venise (2007). Plus récemment l’on a vu émerger le jeune Athi-Patra RUGA (1984). Encore méconnu il y a quelques années, sa cote explose désormais. Il a signé un record aux enchères au début de l’année 2019, avec un cliché à l’esthétique très travaillée, The Knight of the Long Knives I, 2013 vendu plus de 108 000$, près de dix fois son estimation basse !

L’artiste sur-africaine Zanele MUHOLI a été remarquée lors de l’édition 2009 des Rencontres de Bamako, en recevant le prix de la fondation Blachère. Dix ans plus tard, elle expose aux Rencontres d’Arles, à la Biennale de Venise, sur la foire AKAA et c’est elle que choisit le salon Paris Photo 2019 pour ses supports de communication. Cette active militante de la cause LGBT en Afrique du Sud combat les préjugés à travers des clichés aussi puissants qu’engagés. En 2017, elle est distinguée du titre de Chevalier des arts et des lettres à Pretoria. Son travail est depuis exposé dans les plus prestigieux musées et événements à travers le monde (Documenta 13, Fondation Louis Vuitton.. etc) et ses collectionneurs sont de plus en plus nombreux.

zanele muholi

Zanele Muholi, Isililo XX, 2014

Parmi les tendances mises en exergue sur cette nouvelle édition, la place du corps de la femme noire dans la société est un sujet largement abordé, notamment par Buhlebezwe Siwani (Afrique du sud), Emmanuelle Andrianjafy (Madagascar) et par l’artiste italo-sénégalaise Adji Dieye, qui reprend les codes publicitaires d’un cube de bouillon très populaire en Afrique pour démontrer comment ils perpétuent des stéréotypes sur la façon dont la femme africaine est supposée être et agir.

Un marché en pleine évolution

Si le marché de la photographie représente moins de 2% du chiffre d’affaire global dans les ventes publiques, la part progresse dans les capitales européennes. Les lignes bougent également sur le strict marché de l’art contemporain africain, avec des acheteurs africains de plus en plus nombreux (Sud-Africains, Marocains, Nigérians), des occidentaux de mieux en mieux informés, et la multiplication de foires dédiées, comme AKAA à Paris, 1-54 à Londres, New York et Marrakech, Art X à Lagos au Nigeria, la Biennale d’art contemporain de Rabat et enfin, non des moindres, la Biennale de Venise qui accorde une place de plus en plus importante aux pays africains.

Les résultats aux enchères affichent une tendance à la hausse pour les grandes signatures de la photographie africaine, avec des nouveaux records obtenus en décembre 2018 pour Seidou Keita (Sans titre (l’Odalisque), 73 000$), en février dernier pour Malick Sidibé (Exuberant photographs highlighting graphic elements of West African culture, 87 500$), en avril pour J. D. ‘Okhai Ojeikere (Modern Suku, Hairstyles Series, près de 15 000$). Des records respectivement tombés à Paris, New York et Londres : les acheteurs internationaux sont désormais conquis.

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Seydou Keita, Untitled (1952-1955)


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