Le premier choc a été d’apprendre que j’avais un nouveau diagnostic.
Ensuite, que l’insuffisance surrénalienne (IS) était, elle aussi, une nouvelle maladie rare.
Donc sans ressources, sans plan de traitement, à devoir encore m’arranger toute seule.
J’ai d’ailleurs pu constater rapidement que même mon endocrinologue ne s’y connaissait pas vraiment très bien. J’en parlerai dans le prochain article.
Puis ce fut le choc de réaliser que j’aurais pu mourir… et que je pourrais, en fait, mourir n’importe quand.
Avec le syndrome d’Ehlers-Danlos, je sais, depuis des années, que ma vie est un peu plus fragile que la moyenne. Mes organes internes sont plus fragiles. En cas d’accident d’auto, je suis plus à risque. Lors d’une chirurgie aussi. On surveille mon coeur et mon aorte, et tout est bien, mais je suis toujours un peu à risque d’un anévrisme de ce côté.
J’en ai déjà parlé… pour moi c’est une réalité, mais une fois le choc passé, je n’y pense pas. Je ne vivais pas avec une espèce de nuage noir au-dessus de la tête. Les premières semaines après en avoir pris conscience (comme quand j’ai écrit cet article), oui, un peu… mais pas depuis.
Mais là? Ouf. C’est complètement différent.
Une nouvelle réalité
À chaque instant je dois être à l’affut, car dès l’apparition de symptômes précis, je dois prendre de la médication supplémentaire et m’assurer de ne pas tomber manquer de cortisol.
Si j’attends trop… je me retrouve à risque de l’arrêt cardiaque.
On dirait que je dis ça pour faire de l’effet.
Les premières fois que j’en parlais, ça me semblait trop gros. Ça me gênait. J’avais l’impression de vouloir jouer la drama queen. J’étais très mal à l’aise. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai espéré que mes parents parlent à ma place lors des réunions de famille au Fêtes, qu’eux expliquent ce qui se passait.
Mais depuis, j’ai entendu trop d’histoires de décès sur ce groupe de soutien FB dont j’ai parlé dans l’article précédent. Des personnes comme moi. Certaines ont simplement négligé d’augmenter leur dose avant un exercice physique particulièrement intense (comme courir un marathon). D’autres ont été dormir après une petite chirurgie dentaire, sans avoir pris de dose supplémentaire, et ne se sont jamais réveillées.
C’est gros. C’est horrible. Mais c’est ma nouvelle réalité.
Et j’ai réalisé que je devais partager ça, comme j’ai partagé les informations sur le SED.
Mais en fait, j’avais une motivation de plus : ma survie pouvait tenir au fait que les gens autour de moi soient informés ou pas!
Je m’étais commandé un nouveau bracelet d’alerte médicale moins de 3 semaines avant de recevoir le diagnostic d’insuffisance surrénalienne. J’avais voulu changer mon bracelet en argent sterling. Je l’aimais beaucoup et qui m’avait duré 3 ans, mais j’avais besoin d’aide pour le mettre et l’enlever, et comme je devais souvent porter des orthèses au poignet ou porter une attèle à l’épaule, je devais l’enlever (ou alors il me blessait la peau en raison de la petite chaîne).
J’ai trouvé les bracelets de la ID Band Company, qui ont plusieurs modèles, incluant ce que je voulais (et pas si facile à trouver) : 100 % en silicone, avec beaucoup d’espace pour personnaliser.
Mais je devais avoir l’information en tout temps comme quoi j’étais atteinte d’insuffisance surrénalienne et dépendante de stéroïdes pour survivre (corticostéroïdes). J’ai pensé faire refaire le nouveau bracelet pour inclure l’info… mais alors j’aurais dû enlever d’autres informations essentielles, et j’avais déjà coupé au minimum (en anglais, comme ça c’est compris en voyage et par la majorité des gens) :
-mon nom, Ehlers-Danlos, numéro en cas d’urgence
-beta-bloquants, arythmie, POTS, risque de dislocation
-Instructions pour trouver les infos médicales sur mon iPhone.
J’ai donc opté pour un 2e bracelet, indiquant seulement « Adrenal Insufficiency » (insuffience surrénalienne) et « Steroid Dependant » (dépendant aux stéroïdes). Parce que je me suis dit qu’en cas d’urgence, si j’étais inconsciente, il y avait plus de chance qu’on le remarque rapidement de cette façon-là qu’à l’intérieur de l’autre bracelet, parmi les autres informations.
En savoir plus
J’ai donc pris plusieurs semaines pour m’informer.
Apprendre tout ce que je pouvais sur le sujet.
Je me sentais dépassée…
Quand j’avais eu le diagnostic de d’intolérance orthostatique ou de SED, j’avais trouvé l’information moi-même, j’avais apporté la réponse…
J’avais donc eu le temps de me faire à l’idée et je connaissais tous les détails. Il s’est juste agi de coller la réponse à ma réalité, de confirmer le tout.
Cette fois-ci, on m’a pris complètement par surprise.
Je ne m’attendais à aucun résultat spécial ce jour-là, et on m’a appris que j’avais une maladie incurable, avec laquelle je devrai jongler à chaque instant pour toute ma vie, que ma vie sera en danger, tout le temps… et je n’y connaissais presque rien!
J’ai eu besoin de me sentir en contrôle à nouveau.
Je savais aussi qu’il est important de bien connaître sa maladie, surtout s’il s’agit d’une maladie rare.
Une fois que j’aie eu tout lu ce que j’avais trouvé, je savais quels signes surveiller pour la fameuse crise surrénalienne.
Comment départager le tout?
Le problème : la majorité des signes étaient des symptômes que j’avais déjà, liés à mes autres maladies!
J’ai tenté de faire un diagramme dans l’espoir de voir ressortir quelques symptômes du lot… mais j’avais trop de symptômes et trop de problèmes de santé, j’ai donc dû me résoudre à faire des listes et les comparer.
En soulignant ce qui était unique, j’ai pu constater qu’une dizaine de symptômes étaient uniques à l’insuffisance surrénalienne (sans savoir encore si j’allais avoir ces symptômes ou pas!).
J’ai surtout pu voir que trop de mes problèmes se recoupaient…
Par exemple, il y a le mal de tête, qui vient avec les migraines, l’instabilité cervicale, les problèmes de mâchoire, les troubles de vision et l’IS!
J’avais un plan!
J’ai été m’acheter un joli agenda, question de rendre la chose agréable… et j’ai noté tout, tout, tout, pendant environ trois mois.
Chaque symptôme, chaque activité ou stress, mon pouls et ma pression sanguine.
Je notais aussi la dose d’hydrocortisone que je prenais comme prescrit (puisque ça a changé au cours des premiers mois) et quand je devais en prendre en extra, combien j’avais eu besoin, si j’avais vu un changement, et si oui, pour quels symptômes.
À la fin du mois je rapportais l’information générale dans la vue mensuelle : les journées où j’avais eu ce qui semblaient être des épisodes de bas cortisol et mon état général (neutre, bon ou mauvais).
Ça donnait une bonne vue d’ensemble.
C’est comme ça que j’ai découvert, par exemple, que j’avais effectivement un mal de tête quand je manquais de cortisol… mais un mal de tête très spécifique, que je n’avais jamais autrement. Un pic à glace derrière l’oeil droit!
La première fois où j’ai pris suffisamment d’hydrocortisone et qu’en quelques minutes la douleur est disparue comme par magie… ça a été une révélation!
Wow! C’était vraiment ça!
Ce jour-là j’ai eu la confirmation personnelle de mon diagnostic. Je n’en doutais pas, mais de voir si concrètement le changement a balayé le peu de doute qui pouvait me rester.
Les mois ont passé et j’ai pu noter quels étaient mes symptômes lors d’une baisse de cortisol.
Ce ne sont pas toujours les mêmes, jamais tous en même temps non plus… mais ce sont toujours parmi la même quinzaine de symptômes… et sauf pour quelques-uns, ils sont différents des symptômes liés à mes autres problèmes de santé, comme ce mal de tête si spécifique.
La suite
J’ai fini par développer une bonne confiance en ma capacité de détecter une baisse de cortisol.
J’aimerais pouvoir me fier sur autre chose que des symptômes, pouvoir prévenir plutôt que devoir essayer de ramener mon cortisol à un niveau sécuritaire tout en endurant les symptômes.
Mais c’est ça, la vie avec une maladie rare.
J’ai vite appris, aussi, que je pouvais croquer un comprimé d’hydrocortisone. Ça goûte affreusement mauvais (et le goût reste longtemps!), mais ça fait effet en 5 minutes au lieu d’une vingtaine (voire plus, vu ma gastroparésie).
J’ai éventuellement demandé à mon dentiste si c’était un problème, et à mon grand soulagement, il m’a dit que ce n’était pas comme si je faisais ça tous les jours, et surtout, pas comme si je le mâchais par plaisir, en gardant la substance longtemps dans ma bouche. Le contact avec les dents est donc de courte durée, et probablement moins pire que bien d’autres choses que je consomme. C’est rassurant, parce que c’est pas comme si j’avais le choix!
J’ai passé presque 4 mois au bord de la dépression suivant le diagnostic. J’irais jusqu’à dire que j’étais probablement en dépression situationnelle (autrement dit, causée par les événements).
Je n’étais pas inquiète, car je savais pourquoi, et je me doutais que ça allait passer avec le temps.
C’est normal, suivant un gros choc de ce genre, d’avoir besoin de temps pour absorber, pour accepter.
En attendant, j’étais émotive, irritable, fatiguée.
Je me suis donné le droit d’être tout ça. De vivre ces émotions.
Je ne me suis pas forcée à rien, n’ai pas culpabilisé. Je me suis donné le temps.
Et, tout doucement, je me suis sentie mieux, autant émotivement que physiquement.
J’ai commencé à avoir plus d’énergie, à moins me sentir affaiblie, moins faire de pré-syncopes (qui n’en sont pas nécessairement, mais ça c’est autre chose).
Le corps et l’esprit ont commencé à aller mieux en même temps!
La peur, elle, n’est pas complètement disparue.
Chaque fois que je manque de cortisol, surtout si j’ai de la difficulté à reprendre le dessus et stabiliser mon état, tout comme chaque fois que je suis en état de quasi-perte de conscience, je réalise à quel point je suis un zèbre funambule, toujours en équilibre précaire.
Ce que ça veut dire pour Ma vie de zèbre
J’ai toujours voulu que ce blogue parle aux/des gens avec toutes les maladies rares, chroniques et invisibles, car je crois profondément que nos expériences se rejoignent.
C’est pourquoi le site web s’appelle « Ma vie de zèbre » et n’a pas un nom avec uniquement SED dedans.
Évidemment, le blogue continuera de parler des maladies rares.
Je vais continuer de parler des syndromes d’Ehlers-Danlos, mais l’insuffisance surrénalienne et l’ectasie cornéenne y feront aussi leur apparition.
Je ne vais pas diminuer le contenu SED, mais les autres vont augmenter, par la simple force des choses!
J’espère que vous allez continuer de me suivre dans mes (més)aventures médicales et dans ma volonté d’informer et de sensibiliser!
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