Anas Kournif, 22 ans, étudiant en L2, s’immole par le feu devant le CROUS de l’université Lyon 2. Il est désespéré par son statut précaire et angoissé par un avenir incertain.
Cet acte n’est pas sans résonner avec celui de Christine Renon, directrice d’école de 58 ans qui s’est suicidée dans le hall de son école à Pantin, il y a un mois. Epuisée par le dissensus entre le travail exigé par l’institution et le terrain, et anéantie par son quotidien surchargé, elle laisse une lettre ouverte à l’institution scolaire et l’accuse.
Rappelons ici quelques chiffres. En France, l’enquête i-Share révèle qu’il y a 6 à 9% (sur 14 700 étudiants sondés) des étudiants ont déclaré avoir fait une tentative de suicide, en 2018. Il faut aussi rappeler que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans soit 16% du total des décès dans cette catégorie d’âge. Chez les professeurs, le taux de suicide serait de 5, 85% (sur 100 000 professeurs sondés) d’après l’Education nationale en 2018-2019.
Les causes de ces décès sont souvent liées à des problèmes personnels et/ou une certaine fragilité des personnes. Mais qu’en est-il réellement ? Combien d’étudiants ou de directeurs, comme Anas et Christine, subissent des pressions sociales et économiques, et sont démunis face à l’institution scolaire ou universitaire ?
Les politiques néolibérale et capitaliste se sont engouffrées dans les systèmes d’enseignement actuels. Le modèle économique, la compétition sociale et le "capital humain" représenté par les étudiants, se sont incorporés progressivement depuis ces 30 dernières années dans les institutions scolaire et universitaire.
Les étudiants sont sous la pression du marché du travail qui les attend. La compétition sociale s’est accrue entre les classes et les groupes sociaux, et l’égalité des chances est loin des idéaux promus par la société. Les directeurs et les professeurs, sont soumis à une précarisation de leur emploi. Les économies réalisées sur les comptes de l’enseignement, n’ont fait qu’aggraver les conditions de travail de la profession. Des dizaines de milliers de postes ont été supprimés, les départs à la retraite ne sont pas remplacés, les heures d’enseignement diminuent à l’université, et les tâches administratives ne sont pas délégués à des personnes compétentes, mais sont laissées aux directeurs et enseignants.
Tout ceci concours à une dégradation des conditions d’études des élèves et des conditions d’emploi des professeurs, et in fine de la qualité de l’enseignement. L’investissement en "capital humain" se détériore alors, et n’est plus efficient.
Les politiques entreprises pour améliorer le système éducatif n’ont fait que de créer de nouvelles contraintes. Le système est en dégradation constante depuis ces dernières années. Les lettres laissées par Anas, toujours entre la vie et la mort, et Christine, décédée, ont retenties comme des appels au secours à la société tout entière.
Aujourd’hui, il est nécessaire de replacer l’amélioration des conditions de vie des étudiants et des personnels de l’Education nationale, au centre du système. Aussi, la qualité de l’enseignement et l’égalité des chances doivent constituer de nouvelles règles du jeu. Tout ceci ne peut se faire qu’avec de nouvelles décisions politiques nettement moins axé sur l’économie.
Il devient indispensable que les politiques actuelles mettent en place de véritables transformations humanistes de l’école, du niveau scolaire au niveau universitaire, sur toute la hiérarchie (directeurs, professeurs, personnel administratif et étudiants). Mais la vision d’une "école humaniste" est-elle possible pour l’avenir ?
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