Je me rappelle avoir été bouleversée par ma lecture de Partie de campagne au lycée, et j'avais été tout aussi bouleversée par le film de Renoir qui retranscrivait à merveille la poésie du style. J'ai lu ensuite Bel-Ami, Pierre et Jean puis certains de ses contes fantastiques et réalistes, et si les intrigues m'ont emportée, je n'avais pas retrouvé ce même éblouissement stylistique. Puis j'ai lu Une vie cette année, et si le roman est - comme souvent chez Maupassant - sombre, il est aussi magnifique, et tellement juste dans ses ressentis.
"Le soleil, plus bas, semblait saigner ; et une large traînée lumineuse, une route éblouissante courait sur l'eau depuis la limite de l'océan jusqu'au sillage de la barque.
Les derniers souffles de vent tombèrent ; toute ride s'aplanit ; et la voile immobile était rouge. Une accalmie illimitée semblait engourdir l'espace, faire le silence autour de cette rencontre d'éléments ; tandis que, cambrant sous le ciel son ventre luisant et liquide, la mer, fiancée monstrueuse, attendait l'amant de feu qui descendait vers elle. Il précipitait sa chute, empourpré comme par le désir de leur embrasement. Il la joignit ; et, peu à peu, elle le dévora. "
"Elle en voulait en son cœur à Julien de ne pas comprendre cela, de n'avoir point ces fines pudeurs, ces délicatesses d'instinct; et elle sentait entre elle et lui comme un voile, un obstacle, s'apercevant pour la première fois que deux personnes ne se pénètrent jamais jusqu'à l'âme, jusqu'au fond des pensées, qu'elles marchent côte à côte, enlacées parfois, mais non mêlées, et que l'être moral de chacun de nous reste éternellement seul pour la vie. "