Deux arrêts récents de la Cour de Justice démontre à l'envi l'extension du domaine de la lutte contre les discriminations.
1. Dans un premier arrêt rendu au début du mois de juillet, la Cour a jugé que:
"Le fait pour un employeur de déclarer publiquement qu’il ne recrutera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale constitue une discrimination directe à l’embauche au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, de telles déclarations étant de nature à dissuader sérieusement certains candidats de déposer leur candidature et, partant, à faire obstacle à leur accès au marché du travail (...) Il incombe alors à cet employeur de prouver qu’il n’y a pas eu de violation du principe de l’égalité de traitement. Il peut le faire en démontrant que la pratique réelle d’embauche de l’entreprise ne correspond pas à ces déclarations. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que les faits reprochés sont établis et d’apprécier si les éléments apportés au soutien des affirmations dudit employeur selon lesquelles il n’a pas violé le principe de l’égalité de traitement sont suffisants". (CJCE, Arrêt du 10 juillet 2008, Aff. C-54/07, Feryn)
L'extension vient du fait que, dans un tel cas, il n'y a pas de victime définie et identiofiable d'une discrimination. En punissant un employeur qui produit de telles déclarations générales, la lutte devient, terme à la mode, "préventive".
2. Dans un arrêt du jour, la Cour a dit pour droit que:
"La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 2, sous a), doivent être interprétés en ce sens que l’interdiction de discrimination directe qu’ils prévoient n’est pas limitée aux seules personnes qui sont elles-mêmes handicapées. Lorsqu’un employeur traite un employé n’ayant pas lui‑même un handicap de manière moins favorable qu’un autre employé ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable et qu’il est prouvé que le traitement défavorable dont cet employé est victime est fondé sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel traitement est contraire à l’interdiction de discrimination directe énoncée audit article 2, paragraphe 2, sous a)". La même conclusion s'applique en ce qui concerne l'interdiction de harcèlement portée par cette directive. (CJCE, Arrêt du 17 juillet 2008, Aff. C-303/06, Coleman)
Il s'agissait en l'occurrence du cas d'une mère de famille qui se plaignait d'avoir été licenciée parce qu'elle devait s'occuper de son enfant handicapé.
La Cour décide donc que la directive 2000/78 ne s'applique pas seulement aux personnes qui subissent une inégalité de traitement au travail du fait de leur propre handicap, mais également aux travailleurs qui subissent une inégalité et/ou un harcèlement parce qu'ils ont à charge une personne proche souffrant d'un handicap.
Il est souvent de bon ton de souligner - à tort ou à raison - le caractère anti-social de certaines décisions de la Cour (Laval, Viking etc.). Encore faut-il souligner - pour faire bonne mesure et tempérer les ardeurs des contempteurs de l'Union - l'extension du champ d'application des règles européennes visant à la lutte contre les discriminations de toutes sortes et ceci, en premier lieu, sous l'impulsion de la Cour de Justice.