En janvier 2017 Bouygues Construction et l’école Centrale de Lille ont créé la chaire construction 4.0 dans le but d’accompagner la digitalisation et l’industrialisation du secteur, un des moins avancés aujourd’hui. Avant de détailler votre projet, pouvez-vous nous présenter en quelques mots en quoi consiste cette chaire ?
L’industrie a connu trois grandes révolutions par le passé : la machine à vapeur, la production en masse, puis l’électronique et l’automatisation. Elle vit depuis quelques années maintenant sa quatrième révolution : la connectique et la liaison du physique au virtuel. La construction, une industrie à part entière, fait partie des industries les moins avancées mais est un formidable terrain de jeu pour la recherche. L’objectif de la chaire est d’adapter les principes de l’industrie 4.0 à notre secteur pour améliorer sa productivité, mais aussi gagner en sécurité et en qualité. Les sujets sont très variés : de la préfabrication, à la conception automatisée, en passant par la maintenance prédictive, le chantier connecté, la robotisation, la logistique et l’impression 3D, les sujets ne manquent pas. Le partenariat de recherche sur 5 ans est soutenu par la région Hauts-de-France et la métropole de Lille. Composé d’un professeur titulaire Zoubeir Lafhaj, d’ingénieurs de recherche et de doctorants, la chaire est aussi épaulée par un comité scientifique d’experts très reconnus et d’autres partenaires académiques comme l’université de Berkeley et de Stanford.
Commencée en juin 2017, votre thèse intitulée « Industrialisation et Robotisation de la construction : Vers le gros œuvre 4.0 » a pour objectif de guider de façon objective et transparente les collaborateurs vers le meilleur mode constructif. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le but de ce projet est de créer l’outil qui permettra de faire un comparatif entre une grande quantité de possibilités afin d’aider l’Homme-métier à choisir le meilleur mode constructif pour une opération, de manière transparente et objective.
C’est un outil d’aide à la décision multicritères et multi-acteurs. Parmi les critères on peut retrouver par exemple les conditions du chantier, les réglementations, l’optimisation des performances de coût, de la qualité, de la sécurité, la disponibilité de la main d’œuvre, les facteurs environnementaux comme la réduction des déchets, l’isolation du bâtiment, le facteur logistique, le niveau de répétitivité ou encore l’utilisation ou non d’outils digitaux comme la réalité virtuelle. Plusieurs parties prenantes font également partie du processus de décision : l’architecte, les bureaux d’études, le client, etc. Selon le projet et si l’on se trouve en appel d’offre classique ou en conception-réalisation par exemple, les recommandations seront donc très différentes.
L’outil est développé spécifiquement pour une entreprise de construction, plusieurs niveaux de recommandations sont possibles, de l’amont d’un projet jusqu’au niveau du chantier très opérationnel. Il est pour l’instant consacré au gros œuvre pour les bâtiments de logements essentiellement.
Quelles étapes ont été franchies et que reste-t-il à faire ?
La première année de ma thèse a été consacrée à l’état de l’art et au diagnostic des problématiques sur plusieurs chantiers de Bouygues Construction. De plus, grâce à la chaire, nous avons un réseau international d’experts qui nous permet de réaliser un benchmark complet des entreprises de préfabrication.
Nous avons ensuite réalisé plusieurs campagnes de collecte de données, via des observations, des questionnaires et des interviews semi-structurés des collaborateurs. Les développements sont en cours et l’outil pourra être testé à partir du mois de juin.
Des méthodes de prises de décision ont déjà été testées lors de workshops avec des collaborateurs. J’accompagne également quelques chantiers pendant plusieurs semaines pour mettre en place des solutions de préfabrication et évaluer leur performance. Le travail sur le terrain et le contact direct avec les collaborateurs nous permettent d’être au plus proche des besoins et de la réalité, c’est une vraie opportunité pour la recherche appliquée.
L’outil sera testé sur des chantiers déjà existants et leurs retours seront primordiaux pour l’améliorer continuellement. Chaque étape du projet de recherche est faite en co-construction avec les collaborateurs. L’homme est en effet au centre de notre outil et sera toujours le décisionnaire final, l’outil nous apporte une vision globale multicritères. Il nous permettra aussi de capitaliser sur les expériences passées et sur les performances des solutions testées.
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