Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV
Photo de Simon Woolf
Le 43, épisode 7 : Igor
Nom de dieu d'enfant de salope hongroise herpétiforme, quand j'arriverai au bout de cette saison trois, la moitié de la ville de Besançon me détestera. C'est pas que je m'en bats les œufs, mais je privilégie toujours mon bon plaisir aux convenances. Et cette fois, mon fragment va carrément déchaîner de la polka, car je vais vous parler de ce sacré lèche-fions d'Igor. Dès les premières secondes de la première fois où j'ai posé mes miches sur la terrasse du 43, je n'ai vu que lui. Un type aux cheveux noirs et à la peau de cuivre, haut comme un nain à genoux, qui défouraille dans tous les sens de la rue Versot, son énorme appareil photo giga Olympus à l'épaule. Et la taille de l'engin, c'est pas tant pour ses perfos que pour la montre. Igor est un gros faiseur qui a clairement besoin d'être calculé comme un pro du cliché, du book pour mannequin photo studio, du casting de rue sauvage. C'est pour cette raison que le loup des Balkans n'agriche que de la bombax. Et les couennes de gourdes n'y voient que du feu. Tant de vaseline au cul leur fait perdre la raison, si bien que ces betteraves comtoises s'imaginent déjà défiler à la fashion week de Milan. L'objectif du chacal ombrageux consiste à rabouler ses proies dans son repaire impudique, où le roublard peut s'adonner à son domaine de prédilection : le nu artistique. Après, je ne suis pas un sac à chien, j'vais pas balancer ce que je ne cale pas. Aucune idée de ce qui se passe au studio. Est-ce que le marlou passe une pair par derrière dès qu'y peut ? Ou est-ce qu'il a simplement la passion de la poésie du corps féminin ? Ce qui m'en bouche une rondelle à chaque fois, c'est l'énormité de la toile imbibée de pollen où viennent se coller toutes les abeilles bien roulées qui butinent rue Versot. Puis la popularité du rapin !!! qui chie la honte à courir après les gonzesses avec son engin phallique à longueur de journée. (?) Je veux en avoir le cœur net en me rendant à son vernissage avec Layla, Karl et Dédé. Déjà le volume et le raffinement de la galerie me les coupent. Un tel populo grouille devant l'entrée de l'expo que le bitume est obstrué jusqu'au bout du gland. Toute la rue Versot se les agite à fanfarer dans ses nippes de la Saint-Sylvestre, en particulier les nanas qu'ont sorti leurs plus beaux cotillons et qui posent une coupette à la main. Au rez-de-chaussée nib de viande, à part un orchestre de jazz manouche qui envoie du bois, sauf que tout le monde s'en cogne. Y sont là pour enjoliver le tableau. Sinon, ça se passe au sous-sol, enflé de trottants qui viennent recharger leurs godets, dégoisant quelques civilités spirituelles en passant, dos tournés aux immenses reproductions photographiques accrochées aux murs. En gros, tout le monde se torche le cul des œuvres d'Igor, hormis quelques lots de perdrix qui renâclent en fumaillonnant les courbes dénudées d'une prétendue copine. Autrement, niveau photo, y a des vues de Besac en noir et blanc, bien réalisées, sympas pour les bisontins qui découvrent la porte à côté de chez eux, mais y a pas d'âme, aucune identité, pas de style, aucune profondeur. Je sais, ça reste mon jugement perso, sauf que parmi d'autres clichés de la même salsa, je serais incapable de reconnaître mon loup des Balkans. Ce serait comme reconnaître un tireur de mariages parmi d'autres. Impossible. Après c'est propre, c'est beau, c'est net... et banal. En faisant le tour des toiles une par une, je réalise que je suis le seul cornichon qui s'intéresse véritablement à son travail, qui prend le temps de méditer chaque image, qui vient pour voir... et non pas pour être vu. Quelques jours plus tard, sur la terrasse du 43, le prince Igor est assis juste à côté de moi, prêt à dégainer son matos à chaque instant. Mais vu ky a rien qu'est susceptible de mordre à l'hameçon de la rue Versot à cette heure, il se tourne vers moi et me sort : - Il est trendy, ton look ! - Ché pas... - Comment tu t'appelles, déjà ? - Kalache. - Je t'ai vu à l'exposition, l'autre soir. Et t'avais l'air branché par mon travail... - Belles épreuves, en effet... - J'ai sorti un bouquin pour l'occase. Y va te plaire. - Combien ? - Allez pour toi, j'le fais à 60 euros. - Trop chéro, j'ai pas les moyens. - T'inquiète, j'te le laisse et tu me payeras plus tard. - Pour l'instant, j'peux pas. La vie continue de s'écouler comme une courante à travers la grille d'une évacuation de caniveau, les pochtrons du 43 continuent de pochtronner, Karl et Layla continuent de s'engueuler, Fred continue de courir dans tous les sens comme un dératé, Jacques continue de divaguer dans ses pensées, Linda continue de faire tourner la baraque, Malti continue de tirer la gueule et Clara continue de lancer du jet dans son bénard. Tout va pour le pire dans le pire des mondes possibles. Attablé comme d'hab à la terrasse du 43, une pinte à la main, je dicave Igor passer au travers de la rue Versot en tricycle électrique "mountain sport" noir. Arrivé à ma hauteur, le pélo me lance : - Eh Kalache, je t'ai laissé un bouquin dédicacé au comptoir du 43. Tu me le régleras quand tu pourras. Sur le coup, j'en pisse des épingles.Le 43, épisode 8 : Franco
Je n'ai pas le moindre souvenir de ma rencontre avec Franco. C'est comme s'il avait utilisé un neurolizeur MIB, histoire d'effacer ma mémoire en tant que témoin gênant, pour éviter de me tuer. En revanche, avant même que je croise son cabochon, mille potins pouraves couraient sur le numéro. D'un air mauvais, des filles me demandaient : - J'ai vu que t'étais ami avec Franco sur Pèzebook, tu le connais bien ? - Comme-ci comme-ça... que je répondais sans trop savoir quoi piper. Pi y avait des couilles du 43 qui me disaient de prendre de l'huile avec ce mec, de me gaffer de ce prétendu parasite emmanché qui squattait chez tout le monde, aux quatre coins de la France... En gros, fallait que je sois sur mes gardes. Mais la rumeur est une marie-salope estonienne et je le sais pour en avoir fait les frais. À la terrasse du 43, je dicave un miroir à gonzesses grisonnant, gentleman et très courtois. Y se pose à notre table, avec Énora, Layla, Dédé, Karl et Momo. De prime abord, le type est caressant, raffiné, calme, équilibré, pi surtout, plein de jugeote. Illico, le bougre envoie du coup de torchon. D'abord sur Layla : - Dis, la fellagha michetonne, ça te dirait qu'on fasse une pita grègues à trois merguez ? - Avec la knacky ball qui te sert de pine, y faudrait que tu puisses encore avoir la tringle. Puis le charrieur se rabat sur Karl et balance : - Si tu participes au kebab, j'te refile une bouteille d'antigel. Dédé se tord les boyaux quand vient le tour d'Énora : - Ça sera sans salade verte, la gousse, donc ché pas si ça t'intéresse. Cela dit, tu peux toujours abouler tes pécos, Kalache est un mordu de hot-dogs. Énora le dévisage d'un air de tueuse et de mon côté, je laisse pisser ces conneries. Vlà-t-y pas qu'Émilie sort en terrasse à moitié cuite, un canon de bibine à la main. Ni une ni deux, Franco l'alpague : - Eh, la pompeuse, quand est-ce que tu passes à la maison boire au goulot ? Mal lunée, l'alcoolo nympho lui enjoint d'aller se faire empaler par un chameau, ce qui crève de rire l'assemblée. Pour résumer, Franco renvoie grossièrement les petits vices et faiblesses de chacun dans sa tronche, éhontément, ce qui plaît aux personnes épargnées, ce qui fait chier des pendules comtoises aux autres. Franco ne rime à rien, dans le sens où l'on ne bite pas le moindre bout de queue de sa personnalité. Ce frappa-dingue est abject avec les donzelles, en particulier sur les réseaux sociaux, puis il se montre sentimental avec une môminette de dix-neuf ans, tout en se vantant de bourrer des mamies pétées de graisse...?! Et vient le jour où, juste après s'être payé la gueule de tous les idéaux possibles, de leurs principes qui font rire une borne et de leurs morales qui font chier la honte, il m'avoue son obédience catholique avec le plus grand des sérieux. Sinon, le marlou se tape des barres à pasticher la pire des ordures, par le biais de vidéos et d'interventions monstrueuses sur Pèzebook, en jouant au taré de raciste, au connard de néo-nazi, à la charogne anti-gauchiste, à l'enflure homophobe, à la fripouille misogyne, au sous-enculé de facho. Veut-il faire parler de lui ? Provoquer ? Faire marrer ? Personne n'y pige que dalle en réalité. Pas un rat n'entrave l'anguille sous roche. Franco casse tout et son contraire. Il ne dévoile rien de ce qu'il est réellement. Pour cette raison, je suis à peu près sûr qu'il s'agit d'un agent secret voué à la collecte de renseignements, au sabotage, à la captation ou l'effacement de données, la capture de matériel, l'infiltration ou l'exfiltration d'individus, la désinformation ou la manipulation, racolé par la DGSE ou bien la DST, qui vient se reposer de temps à autre sur Besançon. C'est vrai, quoi ! Personne ne sait où il habite. Il prétend passer l'essentiel de l'année dans une maison familiale près de Toulouse, mais personne n'y a jamais foutu les pieds. Personne n'a d'ailleurs jamais constaté la moindre attache familiale chez ce mecton. Le faisan réapparaît de temps à autre à Besançon, dans un Airbnb de luxe. Il se lève à l'aube et débarque au 43 avec son ordi, déclarant qu'il étudie les cours de la bourses en sa qualité de trader freelance. Puis, après quelques heures enfermé dans sa bulle autistique, il sort s'acheter un paquet de cigarillos. Ensuite, le requin disparaît jusqu'au soir, où il rejoint notre clique et tous les détraqués du bistrot. C'est d'ailleurs par affection pour ces décérébrés sympatoches que Franco soutient qu'il aime tant la région. Lui !!! Lui qui est capable de scanner l'âme d'une personne sur un simple lapsus, un seul geste, un mot. Lui !!! Franco... se dévouerait à la détection des folles du 43 et se repaîtrait de leur présence ??? Et s'il arrive à coller ses potes au délire, pour LUI, c'est l'extase... Sauf que ses amis ne savent et ne sauront jamais qui il est vraiment. Des gens le détestent pour son premier degré... d'autres le détestent pour son second degré... mais ceux qui le connaissent le mieux, savent qu'ils ne savent rien sur son troisième et véritable degré. Perso, Franco ne m'a jamais fait le moindre reproche (pas direct, en tout cas). Il a toujours été chic avec moi. Je me rappellerai toujours ses fameux conseils en communication sociale et séductrice : répondre n'imp et fourbi. Franco m'en fait la démo sur Pinder et ça fonctionne. Il détruit toute logique, toute direction, toute orientation. Il assume la folie pure et insinue le chaos dans ses relations avec les autres. Franco adopte le « Pendulum Waves » hypnotique du Cobra, qui fascine et finit toujours par dévorer sa prise... Aie confiaaaaance... Kaa... Aie confiaaaaaaaance...Le 43, épisode 9 : Émilie
Quand j'arrive sur Besançon, je suis dans une telle merdasse que mon ami Dédé se met dans le toupet de régler ma béchamel à coups de bourrages de derches. Et le cul le plus facile à tringler selon lui, c'est celui d'Émilie. Faut qu'y me la présente au plus vite. Elle a beau être nympho, alcoolo, complètement barjot, ça reste de la belle marchandise. Elle est hâlée, bien foutue, mimi, pas non plus belle à faire sortir un feignant de l'ombre, mais largement fourrable et chaude comme un volcan... paraît-il. Et c'est comme ça chez Dédé, cette couille se bidonne à manigancer des plans tordus, comme une belle chaude pisse résultant d'un coup de queue compulsif. J'le vois venir gros comme un camion polonais. Du coup, je temporise et lui assure que le tirage de chique n'est pas ma priorité. Mais le zoulou ne lâche pas l'affaire, et le jour où la nana passe à côté de notre table au 43, il l'accoste illico pour me la présenter. De prime abord, pas de quoi fouetter un chat, d'autant plus que la nénette est pleine comme une barrique albanaise. J'la trouve ni thon ni sirène, et surtout pas férue d'eau, qu'elle soit douce ou de mer. Ç'a l'air plutôt le genre pistache et chicoré, version très imbibée de Kanter. Imaginez-vous une viande saoule avec des nibards qui se traînerait tel un gastéropode étalant sa bave et qui dégobillerait des séries de mots mugies par un yak enroué... guère affriolant, que ce soit pour un mec ou pour une meuf. En moins de rien, l'alco passe derrière moi et entame un massage du dos lascif. Elle se met à me sucer le cou de manière indécente et si excitante que je craque et finis par lui prendre la bouche en lui faisant une langue fourrée. Le délire dure bien dix broquilles durant lesquelles toute la rue Versot me fait chier la honte. J'en sors confus comme un renard qu'une poule aurait dauffé. Dédé se tape sur les cuisses et je reprends mes esprits, tandis qu'il m'encourage à filer terminer la pétée dans son appart'. Émilie m'invite à la suivre avec des yeux de biche beurrée. Linda me jette un cil consterné, je cours me réfugier à l'intérieur du rade. Une fois n'est pas coutume, Émilie n'est pas un chaton qui lape du pernod de nouveau né, mais une tigresse allumée du tord-boyau. Ses autres approches avec moi sont de l'ordre de la torchée. La miss m'envoie chier, m'insulte et montre carrément les dents. Elle est hyper-agressive par moments, si bien que Malti en fait les frais en se bouffant un coup de tronche un soir où le Tamoul fait son caïd. J'avoue que ma considération pour Émilie durant mes premiers mois sur Besac ne vole pas haut. D'autant plus que Karl, un soir de murge au 43, me rapporte des bruits de cuisine peu ragoutants. Dédé l'aurait ramenée à son appart' et offerte en pâture à Franco, qui ronquait dans la chambre d'amis. Il l'aurait réveillé en lui sortant : « Tiens l'puceau, jt'emmène de la nympho givrée en cadeau. » La suite se passe de commentaire, hormis des radots qui disent que le propriétaire des lieux se serait pogné dans le noir en observant le coup de cul par l'entrebâillement de la porte. Honnêtement, j'y crois pas trop. Pi y a le mythe du carnet de bourre, qui relève plus d'une image que de la réalité d'un calepin concret. Pour résumer, les soirs où la fille est chaude comme une patate à la cancoillotte, elle fait défiler la liste des mecs à se taper du plus bogoss au dernier rat d'égout. Je suis quand même vachard avec le rat d'égout, car il s'agit systématiquement de Damien, plutôt charmant, cool, mais complètement schyzo... Ce dernier point ne joue pas en sa faveur et c'est pour ça qu'il se situe tout en bas de la liste. On peut comprendre. Et voilà, j'ai bien défilé mon chapelet, j'ai bien chié dans la malle à cette pauvre Émilie, j'ui ai bien sali la façade. Sauf qu'il n'est pas toujours bon de se fier aux premières impressions. Une fois de plus, en terrasse au 43 (ben ouais putain, c'est le titre de cette saison 3 !!!), Dédé me tend son smartphone et me dit : « t'as vu ça un peu ? » Et là, je découvre un article d'une demie page dans l'Est Répugnant, consacré à l'alco nympho. Elle y est encensée pour mener un projet de grande envergure afin de développer l'art poétique dans les quartiers populaires de Besac. En lisant son portrait qui fait office de CV, je réalise qu'Émilie est loin d'être une tourte au comté. Je suis sur le cul tandis que Dédé hoche de la tête en me fixant dans le blanc des yeux, comme s'il savait tout depuis des lunes et qu'il attendait le bon moment pour me cracher le morceau. Maria Santissima !!! Le soir même, Fred nous fait goûter tous les shooters flambés de la maison. Y a Karl, Énora, Franco, Dédé, Clara qui gratte ses morpions, Malti qui joue au serial-killer, Émilie qui lit le journal sur le comptoir, calmement, d'un air étrangement sobre, et ma gueule. On échange quelques phrases et je reconnais à peine son minois et sa voix : doux, laineux, stoïques. - J'vais partir en cure, Kalache. - Ah bon... Quand ça ? - Dans trois jours. - Pour combien de temps ? - Au moins deux mois. - Et tu fêtes pas ça ? Genre une grosse biture avant l'abstinence. - Non... Même pas envie. Sur ces mots, Fred pose sur le zinc deux shooters que j'ai commandés pour Karl et moi. Je me retourne et un crâne de piaf passe au même moment, me renversant le pétrole sur les pognes. Un halo de flammes bleues auréole soudainement mes paluches et me fait ressembler à un pokémon prêt à lancer son attaque. Ni une ni deux, je me jette au sol et m'allonge sur mes deux brochettes de kebab histoire d'étouffer la fournaise. Au final, ç'a pas l'air grave mais Émilie insiste pour me faire des soins dans son logis. J'apprends qu'elle est infirmière. Une fois chez elle, tout n'est que douceur, précaution, délicatesse... et l'œil expert de la soignante qui conclut : « désolé Kalache, faut que t'ailles à l'hosto. » Comme faut que je termine cette foutue chronique, j'vais faire dans la phrase non-verbale. Un mois de moufles autour des mimines. Une galère inconcevable pour s'habiller, se laver, se torcher... Enfin la morale de l'histoire : sans alcool, les filles sont beaucoup moins folles.Richard Palachak
© Black-out