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Non, la Grèce ne va pas mieux !

Publié le 26 novembre 2019 par Raphael57
Non, la Grèce ne va pas mieux !

La soirée ciné-débat, organisée par l'Université Populaire de Sarreguemines Confluences (UPSC), en partenariat avec les cinémas Forum de Sarreguemines, fut un grand succès ! De très nombreuses personnes ont fait le déplacement pour voir nouveau film de Costa-Gavras Adults in the room, qui s'appuie sur le livre de l'ancien ministre des Finances grec Yánis Varoufákis, et participer ensuite au débat (près d'une heure trente de discussions, parfois intenses !). Il m'a donc semblé utile de compléter mon propos par quelques chiffres précis sur la situation actuelle de la Grèce, afin de montrer que les politiques d'austérité ne soignent pas une économie malade mais la tuent !

Le lecteur intéressé par la crise grecque, les politiques d'austérité et leurs conséquences, pourra utilement se référer au chapitre 33 de mon dernier livre Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'économie ! ou au chapitre 9 de mon petit manuel d'économie Les grands mécanismes de l'économie en clair (2e édition). Accessoirement, c'est aussi une bonne idée de cadeau de Noël !

La croissance

D'aucuns se persuadent que si le taux de croissance est positif, cela signifie que le pays va nécessairement mieux :

Mais outre que le taux de croissance ne dit rien de la réalité productive du pays (spécialisation, viabilité du modèle économique, etc.), un tel indicateur achève de ravaler un problème social/politique au rang de simple problème économique chiffré. Autrement dit, après une telle dépression économique, il n'y a rien d'exceptionnel à voir le taux de croissance redevenir légèrement positif, mais cela ne dit rien de la situation sociale et économique du pays.

Baisse du taux de chômage à la faveur d'une hausse du travail précaire

Là aussi, bien que le taux de chômage demeure le plus élevé de la zone euro, certains notent qu'il est passé sous la barre des 20 % :

Mais la baisse du taux de chômage s'accompagne hélas d'une progression salariale défavorable aux ménages, en raison de la libéralisation du marché du travail exigée par la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne) :

Les emplois créés à la faveur de cette libéralisation sont en effet précaires et peu rémunérés, constat que l'on fait dans tous les pays qui ont pratiqué ce genre de politiques. Même les médecins ont quitté le pays faute de conditions d'embauches acceptables. Rien d'étonnant donc à ce que la part de la population exposée au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale s'élève à plus de 30 %, un record dans la zone euro !

Non, la Grèce ne va pas mieux !

[ Source : Eurostat ]

Il n'est donc pas certain qu'un modèle économique basé sur le tourisme, la culture et le transport maritime soit à même de permettre un développement soutenable du pays.

Une dette publique stratosphérique

Malgré tous les plans de la Troïka pour limiter l'endettement à défaut de la restructurer, le taux d'endettement public demeure à des niveaux stratosphériques :

Non, la Grèce ne va pas mieux !

[ Source : Eurostat ]

Face à une telle montagne de dette, la seule solution est le défaut partiel, quel que soit le nom qu'on lui donne pour mieux faire passer la pilule... Même le FMI se prend à douter de la convalescence de la Grèce : dans un rapport publié il y a quelques jours, l'institution de Washington évoque une croissance plus faible qu'anticipée, un sous-emploi structurel élevé, des banques fragiles, etc.

Mais la Troïka a préféré poursuivre le jeu de massacre en accordant un moratoire sur 40 % du stock de dette publique pendant 10 ans, ce qui revient à dire que la Grèce ne commencera à rembourser qu'en 2032 et terminera vers 2069 ! Mais pour ce faire, le gouvernement devra dégager chaque année un excédent budgétaire primaire de 3,5 % du PIB jusqu'en 2022 et 2,2 % ensuite ! Seules des pétromonarchies sont pourtant capables de telles prouesses... ce qui revient à dire que la prochaine génération devra à son tour, inévitablement, négocier un plan de restructuration de la dette publique ! En attendant (Godot), le gouvernement privatise à tout-va pour être bien vu de ses créanciers et remplir désespérément ses caisses...

Les fragilités bancaires

Les créances douteuses représentent plus de 40 % des bilans bancaires et les taux d'intérêt pratiqués par les banques restent très élevés :

Non, la Grèce ne va pas mieux !

[ Source : https://www.bankofgreece.gr ]

En définitive, derrière des indicateurs économiques qui ne donnent en réalité aucune information pertinente, se cache une réalité socio-économique (et politique) bien moins reluisante. Disons-le clairement : la Grèce va très mal ! Sans changement profond des structures sociales et économiques du pays, il ne retrouvera jamais le chemin du développement, d'autant que la crise migratoire complique encore les choses. En tout état de cause, ce ne sont pas les mesures d'austérité qui l'y aideront, c'est certain ! Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, malgré ce contexte dépressif, l'opinion publique grecque reste fortement attachée à la zone euro.

Mais actuellement, la Grèce a quelque peu disparu des radars médiatiques, remplacée par l'Italie, dont la situation socio-économique est elle aussi très dégradée...


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