Jacques Réda, " L'Intermittent " [1969], in Celle qui vient à pas légers, Fata Morgana, 1985, p. 20.
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Celle qui vient à pas légers, inexplicablement peut se retirer de l'espace habitable où nous nous tenons dans la faveur de son souffle. C'est alors que notre dépit l'abandonne à son tour à la dégradation des hypothèses. Sans doute elle qui jamais ne nous répond, mais questionne silencieusement dans sa distance, comme si quelque chose en nous aussi pouvait se lever et s'en aller à sa rencontre, sans doute il est tentant pour moi de l'appeler poésie. Et, usant du levier rigide qui, aujourd'hui, dans son illusion d'une approche, porte pesamment la critique d'un ne... que arrogant à un autre ne... que servile, je pourrais même dire qu'elle n'est que poésie, et que la poésie... Mais il ne faut rien dire. Car étant celle qui appelle, il n'y a pas de nom qui lui convienne - ni quand elle se retranche, qui réduise ou surmonte l'étendue innommable de son mutisme. Sans rien troubler par l'étendue intérieure où comme entre les mots, sa trace demeure inscrite dans les cristaux de neige, il faut attendre, simplement. Attendre. Alors, peut-être, elle reviendra.
Jacques Réda, " L'itinéraire " [1969], in Celle qui vient à pas légers, Fata Morgana, 1985, p. 34.
[Proposition de Jean-Nicolas Clamanges]