A to Z of Caribbean art A à Z vient de paraître. Cette récente publication de la maison d’édition Robert & Christopher implantée à Trinidad complète leurs précédents et excellents ouvrages sur l’art contemporain de la Caraïbe, See me here et Pictures from paradise. Maintenir dans la Caraïbe une maison d’édition avec des publications aussi documentées et aussi pointues dans un secteur aussi spécifique que l’art contemporain, c’est déjà un challenge remarquable. Qui plus est, Robert& Christopher occupe un créneau qu’aucun éditeur européen n’aurait investi.
Cet annuaire, travail de patiente prospection, coordination et mise en cohérence sur plusieurs années, a pour vocation la présentation de l’évolution de l’art de la Caraïbe, dessin, peinture, sculpture, photographie, installation, performance du début du XXième siècle à aujourd’hui. Cet inventaire établit un lien entre des artistes séparées par la géographie, la langue et le temps. A to Z évoque 120 années de mouvements ou d’écoles artistiques, de contextes socio-politiques , des pays aussi éloignés que les Bermudes au nord de la Guyane au sud ;
Chaque artiste est présenté dans une courte notice qui fournit des détails biographiques: année de naissance, année de décès (le cas échéant), pays de naissance et de résidence et présente sa démarche. La reproduction d’une œuvre emblématique illustre le texte.
La sélection a été effectuée par l’éditeur en fonction de certains critères : le discours critique autour de la démarche artistique, l’insertion de l’artiste dans une publication importante, la participation à une exposition organisée dans une grande institution ou à une biennale régionale ou internationale. L’influence de l’artiste sur le développement artistique de leur région respective a aussi été prise en compte, surtout pour les plasticiens nés au début du XXième siècle. Certains, bien qu’importants et reconnus ne figurent pas dans ce livre parce que l’autorisation de reproduire leur œuvre n’a pas été obtenue
La présentation par ordre alphabétique invite à éviter une lecture trop régionaliste au bénéfice d’une vision globale de la Caraïbe.
Au gré des pages, il ya des pointures : Allora et Calzadilla invités à la Biennale de Venise en 2011, Peter Doig dont Buffalo station a réalisé la dixième meilleure enchère ( 9.903.000$) des douze derniers mois suivi de près par House of pictures à la douzième place, Hurvin Anderson dont la cote est en hausse, Janine Antoni, Belkis Ayon, Nari Ward, Felix Gonzales- Torres, Chris Ofili, Kcho.
Il y a des fondateurs, Frank Bowling, Edna Manley, Wifredo Lam, Prefète Duffaut
Il y a de jeunes artistes à l’orée de leur prometteuse carrière
Pour faire défiler le diaporama et découvrir quelques pages, cliquer sur la première image
Mais il y a aussi ceux qui auraient voulu y être et qui polémiquent parce qu’ils n’y sont pas
Il y a ceux qui n’ont pas voulu y être parce qu’ils ne souhaitent pas s’encombrer d’une étiquette restrictive
Il y a même ceux qui se revendiquent internationaux mais qui ne renonceraient pour rien au monde à une promotion fusse- t –elle caribéenne.
Comment les détracteurs peuvent –ils imaginer qu’un annuaire de 300 pages pourrait englober la totalité de la création contemporaine de trente huit états ?
Faut – il calculer proportionnellement le nombre de pages en fonction de la population ou suivre sa conviction pour déterminer quels artistes sont représentatifs ? Cuba et la République dominicaine qui comptent chacune plus de dix millions d’âmes ne peuvent-ils se voir accorder davantage de pages que Saba qui en compte mille cinq cents ?
Et pour commencer, comment définir un plasticien caribéen ? Faut- il
*être né dans la Caraïbe
*être d’ascendance caraïbe sans y être né
*vivre et travailler dans la Caraïbe
* traiter de problématiques caribéennes
Intègre t on Julien Creuzet ou Mathieu Klebeye Abonnenc caribéens mais qui mènent leur carrière au niveau international ?
Comment intégrer toute la Caraïbe francophone dans une vingtaine de notices maximum?
Comment traduire la complexité d’une démarche artistique en deux cent cinquante mots et une image ? Comment choisir l’image la plus représentative ?
Comme l’a souligné Veerle Poupeye dans Critical Caribbean art
« Il n’y a pas de bonne liste. Tout le monde va arriver avec une liste différente de qui devrait et ne devrait pas être inclus dans de telles publications. Les projets, publications et expositions ont sans doute des faiblesses mais cela fait inévitablement partie de la dynamique. La réponse sera également très différente selon l’endroit où les décisions sont prises et la rapidité de ce qui est accessible. Le problème tient en partie au fait qu’il y a trop d’attentes à l’égard de chaque entreprise. Il faut juste considérer cet annuaire comme une mise en perspective et s’assurer que ce ne sera pas la seule. »
Pour ma part, dans la section trinidadienne, j’aurais indiscutablement choisi Christopher Cozier plutôt que Pat Chu Fun.
De son côté, Dionne Benjamin Smith questionne le titre. A-Z of Caribbean Art qui impliquerait une représentation exhaustive des artistes comme un dictionnaire d’artistes caribéens.
Mais, justement un dictionnaire est régulièrement mis à jour. Comme le souligne Robert & Christopher, ce premier volume n’est qu’une étape. L’histoire continue. Et en attendant, A to Z of caribbean art est un formidable outil, de grande qualité éditoriale, une ressource documentaire appréciable qui montre la diversité, la complexité, la richesse de la création contemporaine caribéenne trop peu souvent perçue comme un ensemble en raison de la fragmentation géographique, linguistique et politique. Vous y retrouverez des plasticiens que vous connaissez et appréciez . Vous y découvrirez d’autres et vous construirez ainsi une vision plus juste et plus complète de l’art de la Caraïbe.
Dominique Brebion